L'annonce d'une maladie cancéreuse - L'Infirmière Magazine n° 204 du 01/04/2005 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 204 du 01/04/2005

 

information

Modes opératoires

Tous les témoignages le confirment : l'annonce du diagnostic reste presque toujours douloureusement gravée dans les mémoires. Elle marque la fin d'un temps de vie où la maladie était absente, voire inimaginable. La période d'investigation et d'examens qui précède l'annonce ne permet pas pour autant de s'y préparer. L'annonce demeure un traumatisme. Dans ce cadre, le rôle du professionnel de santé s'avère prépondérant. Car l'annonce, qui émane d'une relation entre deux individus, est susceptible de revêtir de multiples aspects, selon l'âge de la personne, la sensibilité du patient, la compétence et la capacité d'adaptation de l'annonciateur. Cela conduit à construire un projet individualisé où les choix et la dignité du malade seront respectés dans un climat de vérité, où le malade devient acteur de sa prise en charge et non plus objet de sa maladie.

CADRE RÉGLEMENTAIRE

L'énoncé de la règle d'information au malade s'appuie sur l'article 35 du Code de déontologie médicale : « Le médecin doit à la personne qu'il examine, qu'il soigne, qu'il conseille une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu'il lui propose ». D'après les recommandations émises par le groupe de travail de l'Anaes, « une information loyale est une information honnête, une information claire est une information intelligible, facile à comprendre, une information appropriée est une information adaptée à la situation propre à la personne soignée ». L'article 1111.4 de la loi du 4 mars 2002 relative au respect des droits et de l'information des patients mentionne le consentement éclairé. Et selon la charte du patient hospitalisé, l'information donnée au patient doit être accessible et loyale. Le patient participe aux choix thérapeutiques qui le concernent. Un acte médical ne peut être pratiqué qu'avec son consentement libre et éclairé.

CONDITIONS D'ANNONCE

L'annonce peut se faire à différents niveaux de la prise en charge, selon que le diagnostic de maladie grave est pris en milieu médical ou chirurgical, ou encore que l'on se retrouve en situation pré ou postopératoire.

Milieu médical ou chirurgical. Le diagnostic peut être posé selon trois possibilités :

- le diagnostic est posé dans un service de médecine ;

- le diagnostic est posé dans un service de chirurgie en préopératoire (dans un cadre d'urgence, comme une occlusion) ;

- le diagnostic est posé dans un service de chirurgie après bilan en ambulatoire.

Dans ces trois cas, une prise en charge chirurgicale et/ou oncologique peut être éventuellement proposée au patient selon la gravité et l'évolution de la pathologie qu'il présente.

Après les différentes approches préalables à l'annonce, le médecin choisit le moment et les circonstances les plus favorables, tels que :

- être dans un lieu calme et apaisant (bureau du médecin) ;

- de préférence en début de consultation, du lundi au jeudi ;

- se prendre un temps suffisant ;

- éliminer au maximum les éléments perturbateurs (bip, téléphone, intervention d'une tierce personne) ;

- créer une fiche de suivi individuel.

Si le patient ne peut se déplacer, l'annonce se fera dans la chambre individuelle selon les mêmes modalités. Il est possible de proposer une boisson.

Diagnostic posé en postopératoire. L'annonce doit se faire :

- dans la chambre, à distance de l'intervention pour que le patient comprenne ;

- en consultation postopératoire, selon le délai de réception des résultats anatomopathologiques.

QUI ANNONCE ?

Le médecin, accompagné du cadre de santé ou d'une infirmière, qui deviendront référents du patient. Le cadre de santé ou l'infirmière deviendront relais auprès de l'équipe soignante.

Le rôle de l'équipe est aussi de retransmettre au médecin tous les éléments (médicaux, affectifs, sociaux, financiers) exprimés par le patient et sa famille. Ces éléments seront retranscrits sur la fiche de suivi.

En accord avec le médecin traitant, en cas d'intervention chirurgicale ou si une consultation en oncologie s'avérait nécessaire, l'annonce sera faite par le médecin hospitalier après discussion du dossier avec le médecin traitant.

Ce dernier peut faire l'annonce s'il a effectué le diagnostic initial. Il peut participer à l'annonce avec le spécialiste, soit de manière concomitante, soit après que le spécialiste annonce le diagnostic.

Pour la poursuite de la prise en charge et une collaboration accrue, la fiche de liaison sera transmise au médecin traitant.

À QUI ANNONCER ?

- Au patient dans un premier temps (y compris aux adultes placés sous tutelle) ;

- À la famille et/ou à la personne de confiance dans un second temps, après accord du patient.

Dans le cas particulier de l'annonce à faire aux enfants, il faut s'adresser :

- aux parents seuls, ou à défaut au tuteur désigné pour exercer l'autorité parentale. Ensuite, immédiatement après, à l'enfant en présence des parents ou du tuteur selon les situations (article L 1111-2 du Code de la santé publique) ;

- aux deux parents en même temps, dans la mesure du possible.

Le cadre de santé ou l'infirmière référente transmet l'information à l'équipe pluridisciplinaire (soignants, psychologues, diététiciennes, assistantes sociales, kinésithérapeutes, bénévoles, EMSP).

QU'ANNONCE-T-ON ET COMMENT ?

Préambule. Selon les recommandations de l'Anaes, il faut garantir aux patients des informations validées (résultats anapath, résultats IRM, etc.).

Le binôme médecin-IDE fixe à l'avance le contenu de l'information à donner au patient, fait le point de ce que le malade sait et perçoit déjà puis décide de fragmenter l'annonce si le patient est dans le déni.

Comment annoncer ?

- Énoncer clairement la pathologie ;

- Vérifier la compréhension de l'information par les patients en posant la question (« Avez-vous bien compris ? ») ;

- Expliquer la nécessité éventuelle de la consultation en oncologie (voir le protocole) ;

- Éviter les formulations subjectives (« gentil cancer », « petite chimio », etc.) ;

- Éviter d'annoncer la probabilité de chance ou d'échec.

L'attitude conseillée est la suivante :

- établir un dialogue vrai entre adultes ;

- utiliser la reformulation ;

- employer des mots adaptés au patient : phrases courtes, laisser du temps entre les phrases (écoute active, reformulation) ;

- respecter les temps de silence, d'assimilation de l'annonce, verbaliser les questions ;

- éviter la discussion triangulaire qui isole le malade (fixer son regard sur le malade) ;

- écouter, mettre en confiance ;

- déployer de l'empathie : faculté intuitive de se mettre à la place d'autrui, de percevoir ce qu'il ressent ;

- respecter l'expression des émotions du patient (le laisser pleurer, le laisser exprimer sa colère) ;

- ne pas discuter ce que le malade refuse de reconnaître ;

- avoir un regard direct ;

- être à hauteur et à proximité du patient (autour d'une table, avec une certaine convivialité, assis près du lit, etc.) ;

- quitter le patient en lui laissant l'impression qu'il n'est pas tout seul et que l'équipe reste à sa disposition.

L'IDE référente de l'annonce doit préciser au patient que toute l'équipe est au courant et qu'il va bénéficier d'une prise en charge psychologique. L'IDE du service reverra le patient trente minutes le lendemain.

Il faut remettre une fiche d'informations, avec les horaires et les numéros de téléphone de l'équipe pluridisciplinaire identifiée et nommée, au patient ainsi qu'à sa famille. Cette fiche doit comporter les coordonnées suivantes : Jalmav, Ligue contre le cancer, EMSP. Il est nécessaire d'informer le patient que son dossier médical peut être mis à sa disposition.

La fiche d'informations sera envoyée au médecin traitant.

CE QUE L'ANNONCE PEUT PROVOQUER

Comportements possibles.

- Une fuite du milieu médical (évitement) ;

- Une inclination pour des personnes vivant des expériences similaires (recherche de soutien social) ;

- Une réduction importante de l'activité : le malade se fait « porter » par son entourage (passivité, régression) ;

- La révolte, le rejet de l'aide (agressivité) ;

- Une recherche ou revendication de confort physique, de rééducation, d'aides techniques (combat, défi).

Pensées possibles.

- La négation (« Je ne suis pas malade. ») ;

- La minimisation (« C'est pas très grave. ») ;

- La résignation (« C'est le destin. »),

- La réévaluation positive (« Ma maladie a révélé ce qui était réellement important pour moi. »).

Sentiments possibles.

- La culpabilité (« Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça ? ») ;

- La honte (« Je n'ai pas envie que les autres me voient dans cet état. ») ;

- La colère (« Ce n'est pas juste. ») ;

- La peur (« Que va-t-il se passer ? »).

BILAN

Aide technique pour les équipes soignantes, ce protocole permet un accompagnement pluridisciplinaire et concerté du malade dans la phase de confrontation à sa pathologie.

Il est évident que cette démarche autour d'un individu sera variable en fonction de chacun et implique un protocole de suivi. Quand on ne peut plus rien contre la maladie, on peut encore beaucoup pour le malade.