« L'hôpital ne doit pas s'occuper uniquement du médical pur » - L'Infirmière Magazine n° 204 du 01/04/2005 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 204 du 01/04/2005

 

Organisation hospitalière

Questions à

Directeur de l'hôpital Paul-Brousse à Villejuif, en région parisienne, Christophe Kassel reste très attentif aux évolutions de la gériatrie. Pour preuve, il va mettre en place, dans son établissement, un pôle gériatrique situé dans un seul et même bâtiment.

Quelles sont les attentes des malades âgés et de leurs familles vis-à-vis de l'hôpital ?

Les malades et les familles ont effectivement plusieurs attentes vis-à-vis de l'hôpital. Une première attente concerne à mon avis la compétence ou l'expertise médicale. Une seconde tient à la continuité de prise en charge que l'hôpital est à même d'assurer. Le malade âgé peut et doit pouvoir vivre au maximum à son domicile, mais il peut avoir besoin d'une ou plusieurs hospitalisations. Le séjour à l'hôpital constitue toujours un temps fort, mais l'hôpital et ses différents professionnels doivent assurer des allers et retours avec d'autres acteurs ou d'autres structures : médecins généralistes de ville, Ehpad, maisons de retraite. Pour faire face de manière efficace à différents profils de malades, il doit aussi concentrer en son sein des compétences médicales variées. Le malade nécessite bien sûr une évaluation gériatrique, mais il peut avoir besoin également de l'avis d'un neurologue, d'un nutritionniste... Bref, différents spécialistes peuvent être sollicités pendant son séjour à l'hôpital et ce, en fonction des problèmes médicaux posés par chaque malade. L'hôpital est le lieu où l'on peut élucider des situations médicales complexes beaucoup plus facilement que dans le cadre de la médecine de ville.

Une troisième attente concerne à mon avis l'intégration de dimensions médicosociales. L'hôpital ne doit pas s'occuper uniquement du médical pur. Il doit aussi s'intéresser à d'autres aspects, comme par exemple l'aménagement du domicile pour faciliter le retour d'un malade à sa sortie de l'hôpital. Les équipes doivent donc être pluridisciplinaires avec des assistants sociaux, des kinésithérapeutes, des ergothérapeutes, des psychologues... C'est cette multidisciplinarité qui devrait faire la force de la gériatrie à l'hôpital...

Une quatrième attente a trait au confort hôtelier et au « prendre soin », qui doivent aller de pair avec la compétence de l'équipe médicale et soignante. Il s'agit de respecter au maximum l'intimité du patient, ainsi que ses habitudes de vie et ce malgré la rupture forte que constitue l'hospitalisation et le mode de vie collectif. Un projet de vie et d'animation doit donc être obligatoirement couplé à la prise en charge médicale et soignante.

Une cinquième attente est relative à la permanence des soins avec possibilités d'accueil ou de réponse téléphoniques pour rassurer en cas de besoin.

Quelles sont les prestations que l'hôpital moderne doit fournir à la population âgée ?

Il n'y a pas de dichotomie entre la médecine générale de ville et la médecine hospitalière, mais l'hôpital est le lieu du progrès médical, y compris en gériatrie. L'hôpital a des activités de recherche et d'enseignement, il est le lieu privilégié de la diffusion du progrès médical. Il faut voir par exemple ce qu'était la maladie d'Alzheimer il y a dix ans, et ce qu'elle est aujourd'hui...

L'hôpital doit promouvoir aussi la prévention en gériatrie. Il s'agit d'évaluer les situations à risque à temps, car un diagnostic précoce permet de mettre en place une démarche préventive. Je pense par exemple à l'évaluation nutritionnelle...

L'hôpital assure aussi une offre de soins diversifiée, car il n'y a pas de réponse unique aux différents malades et aux différentes situations. Ainsi, la gériatrie aiguë, les soins de suite, l'hospitalisation de jour d'évaluation ou de réadaptation, les consultations, les ateliers mémoire font partie des prestations hospitalières, alors que les soins de longue durée n'en feront plus partie dans le futur. L'hôpital doit être dans l'anticipation. La précocité des diagnostics doit permettre d'adapter les prises en charge. Il doit aussi diffuser les informations aux autres acteurs du système de santé.

Enfin, le recours à toutes les possibilités du plateau technique lorsqu'elles sont nécessaires et utiles au malade âgé, constitue incontestablement un avantage de l'hôpital. Ce n'est pas parce que l'on est vieux que l'on ne peut pas tirer bénéfice d'examens, même sophistiqués, que peut permettre d'effectuer un bon plateau technique hospitalier, dans certains cas.

Estimez-vous avoir actuellement tous les moyens nécessaires pour leur apporter ces prestations ?

La réponse est difficile. C'est vrai que la charge de travail est importante et elle n'est pas exclusivement quantifiable. Il y a des soins techniques souvent lourds, mais aussi des soins individuels primordiaux qui sont moins visibles et moins quantifiables. Par ailleurs, toutes les comparaisons entre établissements en France montrent que l'AP-HP n'est pas défavorisée... Faut-il pour autant se satisfaire de cette constatation ?

De toute façon, indépendamment du nombre, la qualité des professionnels importe. Il faut donc continuer à motiver, à se motiver. Il n'existe pas de recette miracle, mais il faut lutter contre les effets de routine. Il n'y a pas toujours une situation de motivation maximale dans l'équipe soignante et hôtelière. Il faut jouer aussi sur l'organisation du travail. Certains temps forts dans la journée sont liés aux temps forts de la prise en charge des malades. Il faut sans doute plus de souplesse, il faut vouloir bousculer les habitudes...

Quels sont les meilleurs indicateurs de la qualité des soins en gériatrie ?

Il existe deux types d'indicateurs quantifiables. Il y a d'abord tout ce qui est de l'ordre de la qualité ressentie par les usagers, les malades, les familles, mais aussi les soignants, avec des réunions de famille et de résidents, des enquêtes de satisfaction et les relations avec les associations d'usagers.

Il y a aussi des indicateurs de qualité des soins : état nutritionnel, escarres, prise en charge de la douleur, état buccodentaire, etc. Il faut identifier ceux qui correspondent aux priorités et aux objectifs fixés par l'équipe médicale pour une période donnée. Il faut fixer des objectifs prioritaires, puis continuer...

Mais, outre la batterie d'indicateurs, il faut instaurer une véritable évaluation des pratiques professionnelles, avec remise en cause de ce qu'on fait et de ce pourquoi on le fait. Cet état d'esprit, c'est d'être vraiment avec le malade pendant qu'on lui donne des soins, c'est d'être attentionné, attentif au malade. Voilà ce qui fait un bon service de gériatrie...

Les trois services de gériatrie de Paul-Brousse vont constituer un pôle gériatrique. Quels avantages en termes de qualité des soins aux malades âgés ?

Avant tout le fait de travailler ensemble, de collaborer davantage. Jusqu'ici, on observait plutôt une juxtaposition de services... À terme, toute la gériatrie sera regroupée dans un même bâtiment architectural, avec des lieux communs aux trois services, et il y aura une rationalisation des structures avec une seule consultation au lieu de trois, un hôpital de jour commun aux trois services, et une seule unité de gériatrie aiguë au lieu de trois.

On dénombrera au total un pôle ambulatoire commun, une gériatrie aiguë regroupée, et des soins de suite polyvalents avec des orientations plus particulières vers l'oncogériatrie et la nutrition, la prévention et la réadaptation gériatrique, ainsi que la prévention et la prise en charge de la maladie d'Alzheimer. En définitive, le pôle, c'est une évolution architecturale, des compétences communes, mais aussi un programme d'investissement de 10 500 000 euros pour procéder à la rénovation du bâtiment.

focus

Un directeur réformiste

Christophe Kassel est partisan des pôles d'activité.

L'hôpital Paul-Brousse a la particularité de regrouper plusieurs services de chirurgie hépatique, médecine, psychiatrie avec des orientations plus spécialisées vers les maladies infectieuses, l'addictologie et les soins palliatifs, mais aussi 500 lits d'hospitalisation gériatrique répartis sur trois services. Christophe Kassel a choisi d'engager résolument son hôpital et tous les professionnels qui y travaillent dans la nouvelle réforme du système de santé et de créer un nouveau mode de fonctionnement hospitalier autour de grands pôles d'activité.