L'IVG chez les adolescentes - L'Infirmière Magazine n° 204 du 01/04/2005 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 204 du 01/04/2005

 

orthogénie

Conduites à tenir

Nulle femme ne sort indemne sur le plan psychologique d'une IVG, surtout les très jeunes femmes. L'accueil et l'implication du personnel soignant doivent être à la mesure de ce bouleversement physique et psychique.

Aujourd'hui en France, près de 10 000 adolescentes sont confrontées chaque année à une grossesse non désirée. 6 700 ont recours à une IVG, dont 5 à 10 % sans consentement parental. En effet, la loi du 4 juillet 2001 a ouvert la possibilité pour le médecin de pratiquer l'IVG à la seule demande de la mineure non émancipée (1). Les frais de l'intervention, qui doit avoir lieu en France avant la 12e semaine de grossesse (14e semaine d'aménorrhée), sont pris en charge par l'État. La mineure doit se faire accompagner par une personne majeure de son choix. Une consultation initiale se fait avec le médecin. Il doit informer la patiente sur les méthodes d'IVG et rédiger un certificat attestant des délais légaux. Il lui remet ensuite le guide édité par la Ddass et l'adresse en consultation dans un centre agréé, où elle pourra avoir l'entretien prévu par la loi avec un travailleur social dans le délai de réflexion prévu (une semaine).

ASPECTS PSYCHOLOGIQUES

Si la qualité de l'information et de l'accès à la contraception sont importants pour expliquer les IVG à l'adolescence, il ne faut pas négliger l'influence des caractéristiques psychologiques propres à cette période de vie. En effet, on observe souvent une tendance à utiliser le corps comme moyen d'expression des difficultés (comportements à risque, plaintes somatiques, attaques du corps lui-même). La grossesse peut être une vérification de l'intégrité du corps et des organes de la reproduction ou une prise de risque, afin de mettre le corps en danger. Il s'agit plus d'un désir de grossesse que d'un désir d'enfant, et l'issue est généralement une IVG. Limiter la grossesse de l'adolescente au résultat d'un accident ou du destin en réduit la signification. C'est méconnaître sa souffrance, ses difficultés à prendre soin d'elle-même et à assumer les tensions psychiques inhérentes à la sexualité.

TECHNIQUE

Il n'y a aucune particularité technique propre à l'âge. Les deux choix sont possibles. D'une part, la méthode médicamenteuse, pour les grossesses inférieures à sept semaines d'aménorrhée. Les médicaments - prostaglandines et/ou antiprogestérones (RU486) - provoquent une hémorragie avec expulsion ovulaire complète sans révision utérine. Chaque comprimé doit être pris en milieu hospitalier. D'autre part, l'aspiration endo-utérine, réalisée à l'aide d'une canule d'aspiration transparente après dilatation du col. Des études font état d'une augmentation du risque de complications per ou postopératoires de l'aspiration chez les adolescentes par rapport aux adultes. Une antibiothérapie prophylactique peut être réalisée ainsi qu'une injection d'ocytocique. Deux semaines après l'IVG, une consultation est prévue.

PRISE DE CONTACT

Lors de la prise de rendez-vous, la première tâche consiste à énoncer les différentes étapes de l'IVG et aborder le vécu de la méthode choisie. Il est important de préciser lors de ce premier contact l'organisation des différents rendez-vous (notamment dans le cas d'une intervention médicamenteuse) car, chez la jeune fille, ils sont souvent sollicités dans l'urgence. Une écoute privilégiée est primordiale dès ce moment. Dans certains cas, elle permet de formuler un déni d'IVG et de repérer un déni de la réalité de la grossesse. Le choix de la méthode peut ensuite se confirmer en pleine connaissance de cause. L'entretien effectué quelques jours plus tard reprend ces éléments et a pour but d'aider la jeune femme à élaborer la réflexion nécessaire à sa demande d'IVG. Il peut être l'occasion d'en ramener doucement certaines à la réalité, de ne pas les suivre dans leur précipitation et de les aider à soulever le voile de leur histoire, afin de les éclairer sur ce qu'elles nomment si souvent « l'accident ». La consultation, avec l'examen gynécologique et l'interrogatoire médical, permet une confrontation directe au corps, qui rappelle à la jeune fille la réalité physique de l'IVG, surtout dans le cas de la méthode médicamenteuse.

ACTE DE SOINS

Lorsque cette méthode a été choisie, la prise de comprimés a lieu quelques jours après la consultation. Dans certains centres, c'est l'infirmière qui donne les comprimés et permet par ce geste que l'IVG se réalise (contrairement à l'aspiration, où c'est le médecin qui agit). La difficulté à avaler les comprimés révèle l'importance psychique de l'acte par rapport à la banalité du geste. Les patientes emploient parfois le mot « poison ». Lorsqu'elles reviennent pour les trois heures d'hospitalisation, il est bon que, dans la mesure du possible, la même infirmière prenne en charge la patiente. Elle sera attentive à toutes les situations : présente auprès de celles qui sont en demande évidente (douleurs, nausées), mais aussi auprès des plus silencieuses. Les douleurs physiques variables sont à considérer aussi comme l'expression possible d'une souffrance psychique. La réalité de l'IVG apparaît souvent brutalement au moment de l'expulsion. L'inquiétude monte, d'où la nécessité de rassurer et de réconforter.

Lors d'une intervention par aspiration, le dialogue permet de faire émerger de nombreuses questions : que redoutent-elles pendant et après ? Que cachent ces craintes ? Après l'acte, l'infirmière peut mettre à profit ses interventions (surveillance des saignements, du pouls, de la tension artérielle, de la température et de l'involution utérine) pour réconforter et aborder le sujet de la reprise de contraception.

L'écoute est donc primordiale : entendre les angoisses, permettre à la jeune fille de s'exprimer sur son ressenti, l'aider à formuler une éventuelle culpabilité. Selon les cas, une consultation psychiatrique peut être proposée en plus de la consultation de contrôle. Dans ces moments d'intimité, l'infirmière devient le garant et le témoin de cette IVG. La distance et les mots justes sont alors très importants à trouver.

1- Code de la santé publique, art. L.2212-7, al. 2,3, 4 modifiés.

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