Trente ans de loi Veil - L'Infirmière Magazine n° 204 du 01/04/2005 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 204 du 01/04/2005

 

avortement

Dossier

De révision en amendement, la loi Veil sur l'IVG du 17 janvier 1975 s'est renforcée. Même si le droit à l'avortement est toujours aussi contesté par de puissants lobbies...

« En moyenne, chaque femme en France sera confrontée une fois à une grossesse non prévue au cours de sa vie, et une femme sur deux aura recours à une IVG. » C'est ce que révèle l'enquête menée en 2004 par l'Institut national d'études démographiques (Ined).

Et cela n'étonne pas Annie Bureau. Gynécologue à la retraite, elle faisait partie du Mlac (Mouvement pour la libéralisation de l'avortement et de la contraception). Avant 1975, les médecins de cette association pratiquaient des avortements clandestins, et organisaient des voyages en Angleterre pour faire avorter les femmes là-bas. « Il y aura toujours des avortements, estime celle qui a vu des femmes mourir d'avortement clandestin. Les femmes ne sont pas des machines, elles ont des désirs et une vie sociale ! La contraception, ce n'est pas une science exacte. »

Un chiffre stable

Depuis trente ans, le nombre de femmes ayant eu recours à l'avortement n'a pas beaucoup évolué : 200 000 IVG par an en France. Pourquoi ce nombre reste-t-il stable, malgré la généralisation et la diversification de la contraception ? L'étude menée en 2004 par l'Ined avance plusieurs arguments, qui viennent tous mettre à mal les clichés. D'abord, les femmes n'avortent pas plus aujourd'hui qu'il y a dix ou vingt ans, malgré la diversification des méthodes d'interruption volontaire de grossesse (IVG), et pas plus que dans les autres pays d'Europe, où l'avortement est autorisé. « Le taux oscille autour de 14 avortements annuels pour 1 000 femmes de 15-49 ans, soit environ 200 000 IVG chaque année ; on estime que près de 40 % des femmes y auront recours dans leur vie », selon l'enquête de l'Ined.

Autre idée reçue : les catégories sociales les moins aisées et les mineures auraient beaucoup plus recours à l'avortement. Faux ! Toutes les catégories sociales sont concernées. Et l'enquête précise : « Près de la moitié des femmes qui ont eu une IVG avaient entre 20 et 30 ans, 35 % avaient entre 30 et 40 ans, et 11 % moins de 20 ans... 4 % seulement avaient moins de 18 ans. » Autre lieu commun : penser que les femmes prennent l'avortement pour un moyen de contraception. Encore faux ! D'abord, les deux tiers des grossesses non prévues surviennent alors que la femme utilise un moyen de contraception. Ensuite, « pour les trois quarts des femmes, il s'agit d'un premier avortement. Seules 5 % en ont déjà eu deux ou plus, révèle l'enquête. Quant aux femmes(assez peu nombreuses) recourant de façon répétée à l'IVG, elles semblent confrontées à des difficultés affectives, économiques et sociales particulières. »

Moins de décès

Dernier préjugé : les avortements tardifs sont la règle. Faux, archifaux. « Trois IVG sur quatre sont réalisées avant la huitième semaine et 19 % avant la cinquième semaine », rapporte l'enquête Ined. Les avortements tardifs résultent souvent d'histoires compliquées. Comme l'explique Martine Leroy, militante au planning familial de Nantes : « Pour les mineures, les avortements tardifs se font souvent dans un contexte très particulier : une vie sociale difficile, un viol ou une rupture brusque. » Enfin, conclut l'étude, la loi Veil n'a pas eu d'impact démographique. « Depuis trente ans, le nombre d'enfants souhaité est resté inchangé, et les femmes en font toujours autant. » Mais la loi a spectaculairement réduit les complications graves et les décès : on dénombre aujourd'hui moins d'un décès par an lié à cette pratique, selon l'Ined (0,3 décès pour 100 000 IVG). Autant de raisons de célébrer cette loi, certes très restrictive, mais qui a été une des avancées majeures du XXe siècle pour les femmes.

Le 15 janvier 2005, des centaines d'associations féministes, venues de l'Europe entière, se sont donc réunies à Paris pour célébrer l'anniversaire de la loi Veil, et pour défendre un droit encore très fragile. Depuis 1975, beaucoup d'évolutions législatives ont modifié les conditions très restreintes de cette loi. Dès 1982, la ministre des Droits des femmes, Yvette Roudy, obtient le remboursement de l'IVG par la Sécurité sociale.

Délit d'entrave

En 1993, la loi de Véronique Neiertz crée un délit d'entrave à l'IVG, pour mettre fin aux actions de commando anti-avortement. Puis, en 2001, la réforme entreprise par Martine Aubry, puis Élisabeth Guigou, fait passer de dix à douze semaines le délai pour l'IVG, et supprime certaines restrictions comme l'autorisation parentale pour les mineures. Cette loi n'est pas remise en cause. Mais la lenteur de sa mise en oeuvre sur le terrain hypothèque les avancées sociales qu'elle portait en germe. Il était important pour les femmes de manifester le 15 janvier dernier pour défendre le droit à l'avortement, dont l'accès est encore difficile aujourd'hui.

3 000 militants anti-IVG

D'autant plus que les mouvements anti-avortement, même s'ils sont beaucoup moins actifs que dans les années 90, sont toujours présents. Et eux aussi ont tenu à célébrer, à leur manière, l'anniversaire de la loi Veil. Une semaine après la manifestation pro-IVG, les anti-IVG se sont retrouvés à l'appel du collectif « 30 ans, ça suffit » derrière un mot d'ordre, « Pour la vie ». « Ils étaient moins de 3 000 manifestants et c'était un cortège majoritairement masculin. Ce qui est plutôt encourageant, c'est que les hommes politiques ne se sont pas associés à eux, contrairement à la manifestation anti-IVG de 1995 pour les 20 ans de la loi Veil », commente Maya Surduts, présidente de la Cadac (Coordination des associations pour le droit à l'avortement et à la contraception, cf. encadré ci-contre).

Ces associations anti-avortement sont, en effet, moins actives que dans les années 90, lorsqu'elles organisaient des commandos. En 1995, 25 commandos anti-IVG ont mené des « opérations ». Et, comme l'explique la journaliste Olivia Benhamou, dans son livre Avorter aujourd'hui, « certaines cliniques seront plus touchées que d'autres. La clinique Ordener, dans le XVIIIe arrondissement de Paris, a subi des actions de commandos deux fois en 1992, une fois en 1993, et six fois en 1995. »

Une affaire a particulièrement marqué les esprits en mai 1992 : celle de Xavier Dor, embryologiste à la retraite et fondateur de Sos tout-petits, qui a brutalisé une infirmière et un médecin lors d'une action commando menée contre la maternité des Lilas.

La peine requise contre lui - 12 000 francs d'amende et un franc de dommages et intérêts aux plaignantes - semblait dérisoire. Le planning familial et la Cadac ont donc alerté le gouvernement. En réaction, Véronique Neiertz, secrétaire d'État au Droit des femmes institue, le 27 janvier 1993, le « délit d'entrave à l'IVG » : « Sera puni d'un emprisonnement de deux mois à deux ans et d'une amende de 2 000 à 3 000 francs le fait d'empêcher une interruption volontaire de grossesse : soit en perturbant l'accès aux établissements ou la libre circulation des personnes à l'intérieur de ces établissements ; soit en exerçant des menaces ou tout acte d'intimidation à l'encontre des personnels médicaux travaillant dans ces établissements, ou des femmes venues y subir une interruption volontaire de grossesse. »

Ministère « infiltré »

Les différents groupes anti-avortement, comme Laissez-les vivre, La Trêve de Dieu, Sos tout-petits, se font donc moins remarquer qu'auparavant, mais ils maintiennent la pression. Si certaines associations cultivent une apparence moins réactionnaire, leur idéologie reste la même. Ainsi, les Survivants, des militants anti-avortement, agissent dans les milieux étudiants. Pourquoi s'autodésigner comme survivant ? Parce que ces jeunes, selon leur discours, ont la chance de vivre grâce à leurs parents qui ont choisi de rejeter en bloc l'avortement. Néanmoins, ils portent en eux le deuil de tous ceux qui ont été « tués » à l'état d'embryons, suite à un avortement...

D'autres agissent après l'avortement, comme Agapa (Association des groupes d'accompagnement post-avortement) : l'avortée « donne un prénom à son foetus et, à la fin de la "thérapie", elle est invitée à lui écrire une lettre », comme l'explique Xavière Gauthier dans son livre (cf. encadré p. 35).

Certains « centres anti-IVG » prétendent aider les femmes. En février dernier, un fait divers révèle l'existence de ces centres au grand public. L'ex-directeur de la Maison d'Ariane, un foyer d'accueil de femmes enceintes en difficulté situé à La Roche-sur-Yon, en Vendée, est écroué pour « viol aggravé et agressions sexuelles » sur plusieurs résidentes et employées. La Maison d'Ariane, créée en 1996, avec le soutien de Philippe de Villiers, président du conseil général de Vendée, est gérée par l'Association pour l'accueil de la vie et la promotion de la famille (AVAVPF), une association anti-avortement. L'objectif de l'établissement est de proposer des alternatives à l'avortement, et d'accompagner les femmes avant et après l'accouchement. Selon ses statuts, le foyer repose « sur la conviction que la vie est sacrée et inviolable, de la conception jusqu'à la mort naturelle ».

Le mouvement anti-IVG trouve donc un certain relais auprès des institutions et des sphères du pouvoir. L'amendement Garraud en est la preuve. Le 27 novembre 2003, le député UMP de Gironde Jean-Paul Garraud présente à l'Assemblée nationale un projet de loi qui crée un délit d'interruption volontaire de grossesse. L'amendement punit d'un an de prison et de 15 000 euros d'amende une interruption de grossesse provoquée par une maladresse, une imprudence, une inattention, une négligence, ou un manquement à une obligation de sécurité. Cet amendement, qui donnait un statut juridique de personne à l'embryon, remettait en question le droit à l'avortement. Suite à de nombreuses semaines de mobilisation des associations féministes, il est retiré.

Avortement et Shoah !

Début janvier 2005, quelques jours avant la manifestation pour les trente ans de la loi Veil, le planning familial, scandalisé, alerte la population dans un communiqué, et adresse une lettre au ministre de la Santé : « Tapez avortement sur le site du ministère de la Santé, vous obtiendrez exclusivement une liste des associations d'opposants notoires à l'IVG. » En effet, figuraient des associations telles que SOS la vie, Laissez-les vivre, SOS bébé, SOS grossesse et Agapa. Aucune mention du Mouvement français pour le planning familial, rien non plus sur la Cadac ou sur l'Ancic. Le ministère tombe des nues, modifie la liste et plaide « l'inattention ». Et comme pour renchérir, le pape lance des allusions qu'on pensait ne plus jamais lire : dans son livre Mémoire et identité, présenté le 22 février 2005 à Rome, Jean-Paul II fustige l'avortement en le comparant à la Shoah et aux autres génocides de l'histoire de l'humanité !

Ainsi, les groupes anti-avortement continuent toujours à faire pression. Mais, selon Maya Surduts, on entend de moins en moins dans les discours « avorter, c'est tuer ». Non, aujourd'hui, les conditions, depuis la loi 2001, sont convenables. « La loi est bonne, explique Maya Surduts, mais encore faut-il l'appliquer. »

Un acte mal rémunéré

Si le contexte dans lequel a été élaborée la loi du 4 juillet 2001 a donné lieu à de vives polémiques (voir encadré p. 34), elle a fini par être votée. L'IVG est autorisée jusqu'à douze semaines de grossesse, c'est-à-dire quatorze semaines sans règles. L'entretien obligatoire préalable à l'IVG, qui permettait aux femmes de faire le point sur leur décision d'avorter, est supprimé pour les femmes majeures, mais il est systématiquement proposé avant et après l'IVG. Les mineures peuvent se faire accompagner par un adulte référent de leur choix. Les sanctions pénales liées à la propagande et à la publicité sont supprimées.

Le délai de trois mois de présence sur les territoires français pour les femmes étrangères est supprimé. La stérilisation volontaire est légalisée. Sont prévues aussi trois séances d'information et d'éducation sexuelle par an dans les collèges et les lycées.

Autre modification tendant à empêcher l'usage abusif de la clause de conscience : même si le chef de service hospitalier est personnellement opposé à l'avortement, il est dans l'obligation de s'assurer que l'IVG est organisée dans son service. « Cette loi représente une avancée très importante pour nous. Sur le plan symbolique, avoir une loi unique pour l'avortement et pour la contraception, c'était très important : il n'y a plus d'un côté ce qui est moche et de l'autre ce qui est beau. C'est un grand changement ! », souligne Maya Surduts.

Application bloquée

« Nous sommes très satisfaits de cette loi, observe Annie Bureau, mais de nombreux obstacles financiers et institutionnels bloquent son application. » Premier obstacle : le trop long délai avant la publication des décrets d'application. Il faudra en effet attendre plusieurs mois, voire plusieurs années, avant de les signer. Un exemple : l'arrêté établissant la revalorisation financière de l'acte médical, attendu depuis longtemps, n'a été signé que le 23 juillet 2004 par Philippe Douste-Blazy.

Une autre inquiétude concerne le recrutement du personnel médical. De moins en moins de médecins pratiquent les avortements. Même si le forfait d'un avortement a été réévalué de 30 %, c'est un acte qui demeure moins rémunéré que les autres : par conséquent, les médecins du privé se désengagent. « L'acte n'est pas honorable et n'est pas assez valorisé par rapport à la fécondation in vitro, estime Florence Baruch, psychologue en centre de planification dans le Val-de-Marne et membre de l'Ancic. Il faudrait aligner les forfaits avec ceux de la gynécologie », propose Laurence Roussel, coordinatrice du planning familial de Nantes.

« Grosse patate... »

La formation du personnel médical pose aussi problème. Durant le cursus médical, il n'y a toujours qu'une ou deux heures non obligatoires sur l'avortement et la contraception. « En quatrième année à la faculté Laënnec à Lyon, seulement une heure de cours était consacrée à l'IVG et une heure à la contraception », relate Olivia Benhamou dans son livre.

Même son de cloche dans les Ifsi. « Dans les instituts en région parisienne, il y a seulement trois à quatre heures de cours sur la contraception et l'avortement, observe Florence Baruch. C'est déplorable car les infirmières jouent un rôle clé dans les centres d'orthogénie. »

Selon une jeune étudiante à l'Ifsi de Nanterre, seulement deux heures de cours consacrées à l'avortement lui ont été dispensées par une conseillère conjugale et familiale. « Je connaissais plus d'informations sur le sujet que l'intervenante, raconte-t-elle. Et pendant nos dix heures de cours d'obstétrique, le médecin nous a montré des échographies de foetus. Il nous a expliqué qu'à dix semaines, ce n'était "qu'une grosse patate". Mais, en revanche, à douze semaines, comme par hasard, la grosse patate devenait miraculeusement un enfant ! », évoque-t-elle, scandalisée.

Autre préoccupation : celle des moyens alloués aux questions de contraception et d'IVG. Le nombre de centres pratiquant les IVG diminue et les lieux d'information et de prévention sont insuffisants. Certaines femmes s'aperçoivent de leur grossesse à temps, mais dépassent le délai légal, car elles ne savent pas où s'adresser. Et les consultations sont pleines... Il est très difficile d'obtenir rapidement un rendez-vous.

Avorter à l'étranger

Les délais et l'accueil sont aussi très variables selon les régions. « En Île-de-France ou en Paca, il y a en moyenne trois semaines d'attente », remarque Laurence Roussel, du planning de Nantes. « En Rhône-Alpes aussi, une région où la population est très jeune et les moyens insuffisants », ajoute Annie Bureau.

Et les pratiques varient énormément, comme l'explique la journaliste Olivia Benhamou dans son livre Avorter aujourd'hui. De nombreux médecins refusent d'aller au-delà de dix semaines de grossesse, tandis que d'autres appliquent la loi et pratiquent l'avortement jusqu'à douze semaines, comme Marie-Laure Brival à la maternité des Lilas, en Seine-Saint- Denis(1). Les femmes sont encore trop nombreuses à partir à l'étranger.

Centres IVG cachés

« Le problème aussi, c'est que les centres IVG souffrent d'un manque de lisibilité, remarque Florence Baruch. Les centres sont souvent cachés, ou en tout cas difficiles à trouver dans un hôpital. » La tendance actuelle est aussi d'intégrer les centres IVG dans les maternités. « Démanteler les centres IVG autonomes qui fonctionnaient très bien, c'est absurde, estime Annie Bureau. Je pense qu'il est important de conserver des centres spécialisés pour l'avortement. Il ne faut pas mélanger les deux activités. Il ne faut pas que les femmes qui viennent avorter et celles qui attendent un bébé se retrouvent dans la même salle d'attente ! »

Dernière entrave : le tabou de l'avortement. « Avant la loi 2001, l'IVG restait très taboue, les gens demeuraient isolés et dans le silence, souligne Martine Leroy, du planning familial de Nantes. La réforme de 2001 a libéré la parole. Les professionnels qui se sentaient relégués, humiliés ou méprisés ont pu parler. »

« Je ne pense pas que l'avortement soit toujours tabou mais il est plutôt mal vu, note Annie Bureau. Les gens ont encore un regard désapprobateur. Et certains échographistes continuent de montrer le foetus, alors qu'ils savent que la femme va avorter. »

Jamais acquis !

La question du choix des méthodes se pose également. Celles qui souhaitent une IVG médicamenteuse, possible depuis 1988, sont parfois obligées d'accepter une IVG chirurgicale, faute de rendez-vous assez rapide.

L'IVG médicamenteuse ne peut se réaliser que jusqu'à cinq semaines de grossesse, soit sept semaines d'aménorrhée. « Les femmes préfèrent souvent l'IVG médicamenteuse car elles aimeraient mieux qu'on ne touche pas à leur corps », explique Annie Bureau. Depuis le 26 novembre 2004, les gynécologues et les médecins généralistes justifiant d'une expérience professionnelle adaptée peuvent pratiquer des IVG par méthode médicamenteuse dans leur cabinet de ville. Mais les médecins et les gynécologues qui, aujourd'hui, organisent l'avortement médicamenteux, ne sont pas très nombreux.

« Il faudrait que les femmes puissent réellement choisir entre les deux méthodes et ce n'est pas le cas aujourd'hui », signale Annie Bureau. Pour Martine Leroy et Laurence Roussel, trois mesures prioritaires permettraient de faire progresser le droit à l'avortement. « Dans un premier temps, il faudrait mettre à l'ordre du jour dans un projet politique du gouvernement, l'information et l'éducation sexuelle. Ensuite, il faudrait faire des bilans et un état des lieux pour réduire les inégalités. Enfin, il faudrait inscrire le droit à l'avortement de manière imprescriptible. »

« Tant que le droit n'est pas inscrit dans la constitution, il ne sera jamais acquis !, s'exclame Martine Leroy. Il faudra toujours lutter pour ce droit ! »

1- Durant l'été 2001, la maternité des Lilas était le seul établissement où les femmes pouvaient avorter jusqu'à douze semaines de grossesse.

À retenir

Le droit à l'avortement est remis en cause par :

- les militants anti-IVG, influents dans les sphères politiques ;

- le manque de moyens financiers alloués aux services d'orthogénie ;

- le recrutement de personnel médical ;

- les médecins qui refusent d'avorter entre 10 et 12 semaines ;

- les inégalités régionales ;

- la difficile mise en place de l'IVG médicamenteuse en ville.

points de vue

CHANGER LES DISCOURS

Maya Surduts, présidente de la Cadac (Coordination pour le droit à l'avortement et à la contraception), évoque le contexte de la loi du 4 juillet 2001. « Le professeur Nizand était chargé de faire un rapport sur l'état des lieux de l'avortement en France. Heureusement, il a travaillé en partenariat avec notre association, le MFPF et l'Ancic. Nous avons pu lui faire retirer de nombreuses choses épouvantables. Selon lui, les femmes qui souhaitaient avorter entre dix et douze semaines pouvaient prendre connaissance du sexe de l'enfant grâce à l'échographie et pouvaient ainsi utiliser l'IVG comme une forme d'eugénisme ! Cela a causé un très grand tort car les propos n'étaient pas tenus par un opposant à l'avortement. Mais finalement, nous l'avons eue cette loi. »

Annie Bureau, gynécologue à la retraite, membre de l'Ancic (Association nationale des centres d'interruption de grossesse et de contraception), estime qu'il faut « changer les discours sur l'avortement, mettre un terme aux paroles culpabilisantes. J'aimerais que l'IVG reste exceptionnelle. Certaines souffrent : nous sommes là pour les aider, et non pas pour les culpabiliser. J'aimais bien m'occuper des femmes qui avortent. Car je lisais toujours un grand soulagement dans leurs yeux. J'étais une avorteuse heureuse. L'intérêt de l'acte n'est pas technique, il réside dans la relation qu'on crée avec la patiente. »

panorama

L'AVORTEMENT EN EUROPE

Quatre pays en Europe interdisent l'avortement : l'Irlande (République d'Irlande et Irlande du Nord), la Pologne, le Portugal et Malte. En Irlande, la protection de l'embryon est inscrite dans la constitution. Au Portugal, l'avortement est interdit, sauf en cas de viol ou sur certaines indications médicales. En Pologne, les avortements étaient gratuits sous le régime communiste. Depuis 1993, une loi très restrictive interdit les avortements. Les délais en Europe sont très variables. De dix semaines pour le Danemark, l'Italie et la Grèce, à vingt-deux semaines en Angleterre, aux Pays-Bas et en Espagne. La plupart des pays permettent l'avortement jusqu'à douze semaines : France, Suisse, Belgique, Allemagne et Autriche.

En savoir plus

> Ouvrages

- Les Hommes aussi s'en souviennent. Simone Veil, en collaboration avec Annick Cojean. Stock. 12 Euro(s).

- Naissance d'une liberté, contraception, avortement : le grand combat des femmes au XXe siècle. Xavière Gauthier. Éditions Robert Laffont. 22,70 Euro(s).

- Avorter aujourd'hui. Olivia Benhamou. Mille et une nuits. 14 Euro(s).

En savoir plus

> Films

- Histoire d'un secret. Mariana Otero. Éd. Blaqout (DVD sorti en novembre 2004).

- Vera Drake. Mike Leigh (sorti sur les écrans le 9 février 2005).

> Internet

- Cadac : http://www.cadac.org

- MFPF : http://www.planning-familial.org

- Ancic : http://www.ancic.asso.fr

chronologie

LE DROIT À L'AVORTEMENT

> Décembre 1967 : la loi Neuwirth relative à la régulation des naissances autorise la pilule contraceptive.

> 26 novembre 1974 : Simone Veil, ministre de la Santé, présente son projet de loi autorisant l'interruption volontaire de grossesse (IVG) devant l'Assemblée nationale.

17 janvier 1975 : promulgation de la loi pour une période de cinq ans.

> 1982 : remboursement de l'IVG par la Sécurité sociale (loi Roudy).

> Janvier 1993 : délit d'entrave à l'IVG, passible de deux mois à trois ans de prison et de 2 000 à 30 000 francs (loi Neiertz).

> Juillet 2001 : la loi Aubry est adoptée qui fait passer le délai légal de recours à l'avortement de dix à douze semaines de grossesse et permet aux mineures accompagnées d'un adulte référent d'obtenir une IVG sans l'autorisation de leurs parents.

> Juillet 2004 : Philippe Douste-Blazy signe le décret autorisant l'avortement médicamenteux en ville jusqu'à cinq semaines de grossesse, mesure inscrite dans la loi de juillet 2001.

Articles de la même rubrique d'un même numéro