« Un métier de rêve » - L'Infirmière Magazine n° 204 du 01/04/2005 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 204 du 01/04/2005

 

Sirkku Kuokkanen

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Au pays du père Noël, les infirmières finlandaises voient (presque) tous leurs voeux exaucés. Plus nombreuses que partout ailleurs en Europe, elles disposent de plus grandes responsabilités. Portrait de Sirkku Kuokkanen, soignante comblée.

« Hyvää päivää ! » (« Bonjour ! ») Chaussée de mules d'été, vêtue d'une jupe et d'un tee-shirt simples, Sirkku Kuokkanen sourit cordialement en dévoilant une rangée de dents parfaites. En cette journée ensoleillée, elle a choisi, pour parler de son métier, de fixer rendez-vous dans une cafétéria centrale, à deux pas du marché de la grande place de Kuopio. La ville de la région des lacs où elle vit et travaille est située au centre de la Finlande, à 400 km au sud du cercle polaire.

Maladies cardiaques

Sirkku penche la tête et donne une poignée de main douce et franche. « Je sais, déclare-t-elle, je parais jeune. D'ailleurs, pour me taquiner, les personnes âgées que je soigne à l'hôpital me demandent quand je vais passer mon bac ! » À 33 ans, cette infirmière stagiaire en CDD cumulés vient à peine d'être titularisée. « J'ai un métier de rêve, reconnaît-elle. C'est aussi celui de ma mère. J'ai toujours voulu être dans ce milieu. » Elle officie depuis 2000 dans le centre hospitalier universitaire de Kuopio.

« C'est là que je suis venue peaufiner mes études en tant que stagiaire. En chirurgie interne, précise-t-elle. Ce service traite des maladies cardiaques qui m'ont toujours intéressées. » Rien d'étonnant. Il y a dix ans, sa grand-mère a été soignée à la suite d'un infarctus. Et cet épisode a fait naître une lueur d'espoir. Car en Finlande, les maladies cardiovasculaires déciment des familles entières et constituent une cause de mortalité (extrêmement) importante. D'après Sirkku, ce problème de santé national est particulièrement sensible dans la région des lacs.

Vaisseaux dilatés

La jeune Finlandaise est particulièrement fière de ses responsabilités au centre hospitalier. Elle a notamment pour tâche régulière l'élargissement des vaisseaux, dont l'hôpital se targue d'être spécialiste. Lorsqu'ils se sclérosent, le service a recours à un procédé de dilatation des vaisseaux afin d'éviter le recours aux soins invasifs. « Nous avons beaucoup de responsabilités, plus que dans d'autres pays européens, souligne-t-elle. Nous sommes chargées de quelques actes dévolus aux médecins dans certains pays. Ainsi, nous sommes amenées à ôter nous-mêmes les cathéters de grande longueur, dans le grand vaisseau de la cuisse par exemple, cinq heures à peine après l'intervention chirurgicale. »

Rôle prépondérant

En effet, la Finlande donne à ses infirmières une place et un rôle particuliers. C'est d'ailleurs le pays européen qui dénombre le plus grand nombre de soignantes par habitant. Selon les statistiques d'Eurostat, en 2000, elles étaient au pays du grand Nord 2 181 pour 100 000 habitants, quand elles n'étaient que 379 au Portugal. Il se trouve que les infirmières constituent le fondamental tamis du système de santé primaire en Finlande. Elles reçoivent et orientent les patients. En 1997, elles ont été positionnées au coeur de nouvelles dispositions. Celles-ci garantissent au patient un rendez-vous dans la journée avec une infirmière, puis avec un médecin dans la semaine, et si nécessaire avec un médecin spécialiste dans les trois mois.

De grandes responsabilités

Consciente et fière de ses responsabilités, Sirkku estime cependant que celles-ci ne sont ni reconnues ni rémunérées à leur juste valeur. « Alors que nous pouvons prendre la décision, en l'absence de médecin, d'utiliser les chocs électriques en cas d'arrêt cardiaque, nous ne recevons comme salaire de base que 1 700 à 2 000 euros par mois. Et 25 % sont retenus par les impôts. Notre métier reste largement sous-payé. »

Un emploi quasi fonctionnarisé

D'ailleurs, Sirkku essaie de travailler la nuit pour être mieux rémunérée. Elle réalise 114 heures de travail en trois semaines. Cette semaine, par exemple, elle a travaillé de 8 à 22 heures pendant trois jours avant de bénéficier de jours de repos.

Cependant, appelée par téléphone pour venir ce week-end et assurer la nuit de 20 h 30 à 7 h 15, la jeune infirmière a accepté. Ces heures supplémentaires, elle choisit de les récupérer pour obtenir plus de jours de congé. Car une meilleure rémunération peut entraîner une augmentation d'impôts trop importante.

« Le poste d'infirmière est quasi fonctionnarisé », estime Sirkku. Depuis la grande réforme de 1993, les professionnelles dépendent souvent, comme les autres salariés du système de santé, des institutions régionales ou municipales qui ont augmenté leur pouvoir financier et de décision.

Dans le lac

Si cette orientation a pu engendrer des disparités de soins et de prix en fonction du degré d'attraction des régions du pays, le service public s'est maintenu puisque les trois quarts des lits hospitaliers restent dans son giron. Cependant, les gels et les réductions de postes ont engendré d'importantes grèves où se sont engagés les principaux syndicats d'infirmières en 1996.

« Pour ma part, je suis devenue infirmière au moment où ces nombreuses coupes budgétaires ont eu lieu, explique Sirkku, et j'ai vraiment eu de la chance d'avoir gardé ma place. Bien que l'on commence à manquer de personnel car la génération du baby-boom commence à avoir besoin de soins médicaux, les emplois restent gelés. Les multiplications de contrats ne seront plus acceptées. »

Sirkku, qui élève seule Meri-Tuuli, sa fille, a évidemment bien besoin de sécurité. L'avenir, elle le voit peut-être en Norvège ou en Suède puisqu'elle maîtrise les langues de ces deux pays. Elle sait aussi quels avantages elle peut tirer de son poste. « Je travaille de façon concentrée afin d'avoir beaucoup de temps libre. Je peux choisir mon rythme de travail. J'aime faire du sport, je pratique la musculation et le jogging. Je m'occupe aussi de mon chien, un labrador que j'adore et j'aime sortir avec ma fille... »

De son sac, elle sort une petite brosse à cheveux et un maillot de bain. Dans une seconde, comme c'est son jour de congé, elle rejoindra sa fille pour aller se baigner dans le lac Kallavesi.

moments clés

- 1998 : Sirkku obtient son diplôme d'infirmière

- 1999 : infirmière dans un centre de santé de malades en fin de vie

- 2000 : employée contractuelle en tant que stagiaire par l'institution régionale du Nord de Saavo dans le centre hospitalier universitaire de Kuopio

- fin 2004 : titularisation