L'obésité sous les flots - L'Infirmière Magazine n° 205 du 01/05/2005 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 205 du 01/05/2005

 

une équipe de l'Institut Saint-Pierre

24 heures avec

À Palavas-les-Flots, près de Montpellier, l'Institut Saint-Pierre traite depuis une quinzaine d'années les problèmes d'obésité des ados. Visite au bord de l'eau...

Située en Languedoc-Roussillon, la ville de Palavas-les-Flots est une station balnéaire proche de la capitale régionale : Montpellier. Très animé l'été, ce petit port de pêche fait le bonheur des familles, avec ses multiples activités et ses balades sur des kilomètres au bord de la plage.

Si vous visitez ce lieu, vous remarquerez, un peu à l'extérieur, entre mer et ciel, une superbe construction sur trois étages. Une architecture moderne, des matériaux actuels (béton, acier, verre), le tout parfaitement intégré au site. Le bois très présent marque la frontière à ne pas dépasser et fait office de paravent aux regards extérieurs. Les chambres, dotées de vastes terrasses, sont toutes face à la grande bleue... Qu'on ne s'y trompe pas, il ne s'agit pas d'un hôtel de luxe ou d'un club de vacances mais de l'Institut Saint-Pierre (ISP), un hôpital unique en son genre, dédié aux enfants de 0 à 18 ans.

Vue sur mer

Lorsque l'on pénètre dans le grand hall d'accueil (couleurs chaleureuses, mobilier et décoration design), l'oeil est attiré par les grandes baies vitrées donnant sur la mer. On y croise des jeunes qui déambulent tranquillement. Certains sont en fauteuil ou appareillés. Ils se dirigent vers les différents services installés en rez-de-chaussée : balnéothérapie, kinésithérapie, atelier d'appareillage, école d'audiophonologie, ergothérapie, radiologie... La piscine d'eau de mer est une véritable merveille !

Depuis une quinzaine d'années, l'ISP traite les problèmes d'obésité sous forme de consultation externe avec un médecin endocrinologue et une prise en charge en hospitalisation de jour et/ou des stages de quinze jours (pendant les vacances scolaires) complétés d'un suivi à l'année. Cette formule s'adresse aux 12-17 ans en surcharge pondérale dans un but essentiellement préventif. Cependant, les obésités les plus sévères ne pouvant être traitées par ce procédé, en mars 2003, la direction a obtenu l'autorisation, à titre expérimental, de développer un nouveau concept.

Séjours plus longs

Vingt adolescents, présentant tous une obésité « massive », sont admis pour des séjours d'un à trois trimestres.

Le but est de permettre une perte de poids importante et surtout d'assurer, au retour dans la famille, la poursuite de la perte de poids ou sa stabilisation. L'objectif de ce séjour est également de faire retrouver aux adolescents une meilleure estime de soi, et une insertion scolaire et professionnelle satisfaisante. Un suivi sur une période minimale de trois ans après la sortie de l'établissement doit être assuré par l'équipe médicale de l'établissement, en concertation avec le médecin traitant de l'enfant... L'originalité du projet réside dans la prise en charge globale de ces pensionnaires par des équipes médicales et paramédicales importantes (psychologues, diététiciennes...), ainsi que par un staff d'éducateurs spécialisés pour assurer un suivi sportif adapté et continu.

De même, la scolarité est assurée au sein de l'établissement. Les classes sont constituées en petits groupes. La prise en charge individuelle ainsi que le travail personnel permettent à l'enfant d'effectuer de rapides progrès.

Relativiser

Le directeur, M. Urvoy, et son équipe, ont cherché quelques astuces pour redonner le goût de l'école : « Ils sont en classe avec des enfants en rééducation fonctionnelle, c'est-à-dire qu'à côté d'eux, ils ont un camarade en fauteuil roulant ou un autre, victime d'un accident qui va le clouer pendant des années sur son fauteuil. Cette proximité les aide à relativiser leurs problèmes et à retrouver une place au sein d'un groupe. Nous avons choisi de séparer les salles de cours de la partie soins et hébergement, de façon à ce que l'enfant ait le sentiment de quitter son unité et de sortir de l'établissement. » L'ascenseur conduit au 1er étage où la surveillante et unique infirmière de l'unité de diététique médicale (UDM) officie. Un groupe d'ados un peu plus « enrobés » que la normale, chahuteurs et tout sourire, déambule dans les couloirs. Pas de doute, l'ambiance ici est détendue.

Mal-être

Mme Prasais, surveillante et unique infirmière du service, travaille du lundi au vendredi de 8 h à 17 h.

Ensuite, l'équipe de pédiatrie assure, si besoin, les soins et la distribution des médicaments. « Notre rôle est de prendre en charge l'enfant dans sa globalité. Ici, je ne me consacre qu'à eux et j'apprécie de ne pas avoir d'autres soins (techniques) en parallèle. C'est avant tout un travail de relationnel mais aussi éducatif et préventif. Ces jeunes ressentent pour la plupart un mal-être intérieur très important, ils ont besoin d'être entendus en tant que patients, car ils sont effectivement dans un hôpital et ils ont droit à une réponse. Mais ils ont tendance à vouloir tout et tout de suite. C'est assez typique à cet âge mais encore plus flagrant chez les enfants obèses. Ici, il est bon de retarder la réponse et nous essayons de fixer certaines limites. Elles concernent non seulement l'alimentation mais aussi l'ensemble de leurs comportements. Le lien avec les familles représente un travail important : je les accueille à l'entrée, leur réponds au téléphone tout en étant, là aussi, obligée d'appliquer quelques restrictions, liées par exemple aux heures d'appel (le téléphone portable est interdit).

En tant que surveillante, je participe aux visites de pré-admission. Mon rôle est de vérifier si l'enfant va être capable de respecter le règlement et s'il est en mesure de s'intégrer au groupe. Tout comme la diététicienne contrôle s'il accepte de changer son alimentation ou comme la psychologue juge de son engagement à un travail sur lui-même. Nous cherchons à former un groupe homogène, moitié filles moitié garçons, tous sensiblement du même âge, de façon à ce qu'il y ait une bonne entente et qu'ils puissent s'entraider. Mon équipe est principalement constituée d'éducateurs sportifs, ils sont présents de 7 h à 22 h. »

Activités variées

Ici, le sport est primordial : il occupe 30 % du temps. Le reste est partagé entre les activités culturelles, la prise des repas, sans oublier la scolarité. Lever : 7 h 30, petit-déjeuner : 8 h à 8 h 30.

Les vingt ados sont partagés en deux groupes. Pendant qu'une partie est à l'école, les autres pratiquent une activité sportive avec leurs éducateurs. Au programme : expression corporelle, VTT, footing, aquagym...

Les activités sont nombreuses et variées : des cours de diététique ont lieu une fois par semaine, par groupe de cinq, avec mise en pratique au supermarché où l'on apprend à relever les étiquetages, à repérer les produits légers ou gras, etc. Des groupes de paroles sont mis en place avec la psychologue, et une rencontre est organisée avec une personne du planning familial.

Une esthéticienne intervient trois fois par trimestre pour des séances de relooking, soins de peaux, etc. Autres activités proposées : art plastique, audiovisuel, hip-hop ou encore soutien scolaire. Avant le déjeuner, les enfants bénéficient de trois quarts d'heures de temps libre passés à la piscine ou dans la salle de jeux. De 12 h 30 à 13 h 30 : déjeuner. L'après-midi, le groupe en classe le matin pratique une activité (sportive ou autre) et vice-versa... Dîner de 19 h à 20 h, puis étude surveillée jusqu'à 21 h 30. Ensuite, il est temps de regagner sa chambre. L'extinction des feux a lieu vers 22 h.

Une porte vers l'extérieur

L'institut dispose d'une petite unité bien dotée en matériel informatique. L'idée a été de mettre en place, par l'intermédiaire de l'association « l'enfant à l'hôpital », un programme de suivi d'explorateurs : via Internet, les jeunes sont en liaison avec ces aventuriers des temps modernes. Une correspondance s'instaure entre ces personnes et nos internautes avec des questions-réponses, échanges de photos, etc. Le but étant, là aussi, de leur ouvrir une porte vers l'extérieur...

Le séjour leur permet de se poser, de réfléchir : pourquoi je mange ? Mais la majorité d'entre eux n'est admise qu'un trimestre. Il n'est pas question de les éloigner trop longtemps de leur famille et de leur milieu. C'est pourquoi ils rentrent chez eux un week-end sur deux et durant les vacances scolaires. Ce retour sert aussi de test : « Il permet de voir comment ça peut marcher à la maison car le problème ne concerne pas que l'alimentation. Ils mangent mal mais c'est tout ce qu'il y a autour qui est important : leur apprendre à s'occuper différemment, avoir un programme, des objectifs, pratiquer une activité sportive ou culturelle, un rythme de vie. L'image de soi est souvent plus longue à se modifier que celle du corps. Ils perdent relativement vite du poids (en moyenne 10 kg sur trois mois) mais le poids n'est pas un critère, l'essentiel est de les amener à un état de bonne santé et qu'ils se sentent à l'aise pour se resocialiser avec l'extérieur, les réapprendre à bouger, à sortir de cette sédentarité deux fois plus importante que chez un adolescent normal. Il faut savoir aussi que 1 % des cas d'obésité sont liés à la maltraitance physique ou sexuelle. »

Nombreuses demandes

Les critères d'admission dépendent étroitement de la volonté de l'adolescent. Sa motivation et celle de sa famille sont attestées par la signature d'un contrat d'engagement thérapeutique durant toute la durée du séjour, et l'assurance de la période de suivi d'au moins trois ans après la sortie de l'établissement.

La surcharge pondérale est sévère (supérieure à 80 % du poids théorique/taille). Enfin, la scolarité doit être compatible avec celle proposée par l'établissement (secondaire, de la 6e à la terminale). Les demandes sont très nombreuses.

Après réception du dossier de pré- admission, l'équipe médicale convoque l'enfant et sa famille pour des entretiens, effectués conjointement par le médecin responsable ou son adjoint, le pédopsychiatre et/ou la psychologue clinicienne, la surveillante de l'unité, la diététicienne et le responsable des activités physiques et sportives. L'admission dans l'établissement n'est accordée qu'à l'issue de cette visite et après concertation.

en savoir plus

L'Institut Saint-Pierre (ISP) est un établissement hospitalier privé à but non lucratif.

L'ISP accueille en moyenne 165 enfants sur trois grands domaines d'activité : la rééducation fonctionnelle, l'audiophonologie, la pédiatrie spécialisée (maladies chroniques, neuropédiatrie, cardiomégalie et prise en charge de l'obésité).

Institut Saint-Pierre-Hôpital d'enfants, 371, avenue de l'Archevêché de Maguelone, 34250 Palavas-les-Flots. Tél. : 04 67 07 75 00. Mél : accueil@institut-st-pierre.com. Site : http://www.institut-st-pierre.com