Laïcité et liberté religieuse - L'Infirmière Magazine n° 205 du 01/05/2005 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 205 du 01/05/2005

 

Centenaire

Éthique

Pour Isabelle Lévy(1), qui intervient couramment à l'hôpital, la laïcité permet la liberté d'exercice des cultes, à condition bien sûr d'être compatible avec l'organisation des soins.

« La vertu propre de la laïcité est une confiance en la souveraineté de la pensée humaine où la fraternité entre les hommes permet précisément de transcender leurs différences. [...] Un vieux préjugé amalgame laïcité et hostilité de principe à la religion. Bien au contraire, l'idéal laïque implique une culture de l'autonomie de jugement », écrit le professeur Israël Nisand.

Il poursuit : « L'union laïque est une union qui délie et qui par là-même fonde le lien social sur la liberté. Concorde volontaire et non-entente obligée. La République, citée de tous, prend sa source dans des consciences déliées et créditées de droits égaux. » Ces lignes sont extraites de la préface à La Religion à l'hôpital(2) que vient de publier Isabelle Lévy.

Neutralité

« On croit trop souvent que la laïcité est réductrice. Au contraire, c'est une liberté ; la liberté d'exercice des cultes dans le respect de la législation française, estime Isabelle Lévy. Ainsi, à l'hôpital, le personnel est tenu par la loi de respecter les pratiques religieuses des patients que leur hospitalisation met dans l'incapacité physique d'organiser de manière autonome. »(3)

Cette liberté comporte toutefois des limites.

Ainsi, un patient arrivant aux urgences a le droit de demander à être soigné par un médecin ou une infirmière de l'un ou l'autre sexe, dans la mesure où sa requête est compatible avec l'organisation des soins. Autres limites, celles imposées aux professionnels de santé, « qui doivent respecter une stricte neutralité durant leur exercice, y compris durant les heures de repas - payées, elles sont considérées comme temps de travail. Pas question, non plus, de refuser tout acte relevant de leurs compétences professionnelles mais interdit par leur religion, mis à part des cas très particuliers comme l'IVG ou la stérilisation », explique l'auteur.

Pas de déni religieux

La loi de séparation des églises et de l'État du 9 décembre 1905 garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées dans l'intérêt de l'ordre public.

Présence des ministres du culte

« D'ailleurs, en son article 1er - alors que la neutralité religieuse de l'institution hospitalière apparaît -, les ministres du culte y demeurent de droit. Ils ont pour tâche de maintenir effective la possibilité pour tout citoyen d'exercer librement leur foi, rappelle Isabelle Lévy, sidérée des situations liberticides qu'elle constate très souvent à l'hôpital public. Les conditions du respect devraient commencer par un recueil systématique de données à l'entrée des malades, incluant leur religion et leur degré de pratique. Ceci, dans le respect des limites fixées par la loi Informatique et liberté qui interdit l'enregistrement informatique des données religieuses. Bref, la laïcité, c'est le contraire du déni religieux ! »

1- Conférencière et formatrice spécialisée en religions dans les établissements de santé.

2- Guide pratique des cultures et des religions, Presses de la Renaissance et Croyances et laïcité, Éditions Estem.

3- Pour en savoir plus, consulter aussi http://www.sante.gouv.fr (rechercher « religions »).

TÉMOIN

Félix Perro, coordonnateur des soins, hôpital Saint-Antoine (Paris) « Une chance à saisir »

« Je conçois la laïcité comme un élément positif. Concernant la neutralité des soignants, il me revient deux problèmes liés au port du voile qui, grâce au dialogue, ont été réglés sans difficulté. De même en maternité, où certaines femmes étaient réticentes à se faire soigner par des infirmiers ou le sage-femme homme. La question des rites se pose le plus souvent au moment des décès. À Saint-Antoine, nous sommes confrontés à l'absence de lieux dédiés aux pratiques religieuses, mis à part une chapelle catholique. Nous avons un aumônier catholique et un pasteur à demeure, plus un rabbin à la demande. Lorsque j'exerçais à Avicenne (93), non seulement il y avait un imam, appointé par l'hôpital, mais aussi un espace interculturel réservé aux rites spécifiques. Il est vrai qu'à Saint-Antoine nous avons affaire à une population moins diverse. En fait, la vraie laïcité, ce sera le jour où les mêmes règles seront suivies partout, y compris pour les minorités. Ce sera alors une chance à saisir. »