Las du latex !

Les allergies au latex frappent entre 8 et 20 % des soignants des services de soins de santé(1). Parmi elles, la plus dangereuse est l'allergie immédiate au latex (type I). Elle survient quelques minutes après l'exposition. Elle peut se manifester non seulement par un urticaire de contact, local ou généralisé, mais aussi par un oedème de Quincke, en cas de contact direct ou aéroporté avec le latex. Ou encore par des chocs anaphylactiques qui peuvent être mortels. Ce contact aéroporté se trouve favorisé par l'inhalation de poudre d'amidon. Utilisée comme agent glissant pour ces gants, elle transporte aussi les allergènes dans l'air. Les allergies liées aux gants poudrés sont en général causées par le latex présent sur cette poudre d'amidon de maïs. Les allergies à l'amidon de maïs lui-même sont rarissimes.

Médecine du travail

Que faire face à ce type d'allergies, souvent très invalidantes ? Consultez votre médecin généraliste, un allergologue ou un dermatologue, un centre de pathologies professionnelles. Si vous soupçonnez un lien avec votre activité de soignante, parlez-en à votre médecin du travail. Il examinera votre poste de travail en fonction des produits utilisés et de l'environnement côtoyé. Il peut signaler l'inaptitude d'une infirmière salariée à occuper un poste en raison des risques pour sa santé. L'employeur doit alors faire des propositions de postes au salarié. Dans le régime général de la Sécurité sociale, correspondant au secteur privé, le licenciement pour inaptitude médicale ne peut intervenir que si l'employeur démontre qu'aucun poste sans risque pour le salarié n'existe dans l'entreprise. La reconnaissance en maladie professionnelle permet une meilleure couverture sociale des traitements, examens et arrêts de travail. Elle peut donner droit à des indemnités (cf. encadré p. 56).

Etude de pratiques

Cependant, des solutions permettent de lutter contre cette forme d'allergie. Quitte à employer des méthodes radicales. Tel le CHU de Rouen, premier CHU de France à avoir supprimé l'usage des gants chirurgicaux en latex poudrés. Et ça marche ! « Les gants en latex poudrés ont été supprimés dans le CHU en 1998 pour réduire le risque de diffusion aérienne, explique le Dr Christophe Paris, médecin du travail responsable de cette action et de son évaluation. Un groupe de travail pluridisciplinaire associant notamment la médecine du travail et la pharmacie a d'abord été créé. La mise en place de cette action de prévention fut accompagnée d'une étude des pratiques de port de gants selon le geste, et d'un relevé de leur consommation dans le CHU. »

Ports abusifs

Des recommandations de port de gants pour chaque fonction et geste ont été élaborées. Le service des repas sans gants est passé de 81 à 100 % entre le début et l'évaluation à deux ans de cette action. La prise de tension artérielle sans gants par les infirmières est passée de 88 à 100 % durant cette période. « Mais nous avons encore noté des ports abusifs, de mauvais choix de gants et des absences de gants pour des gestes où ils sont recommandés, note le Dr Paris. Parmi les plus préoccupantes, on observe un non-respect du double gantage chez les médecins, et l'absence de gants pour certains abords vasculaires chez les infirmières. »

L'élaboration des recommandations par le groupe de travail a permis d'améliorer la situation. Sans que cela soit suffisant. Les évaluations « ont révélé des dysfonctionnements importants dans le port des gants, qu'il convient de continuer de corriger », note le Dr Paris. Les efforts doivent être poursuivis. « Des cours aux infirmières sur l'utilisation des gants sont réalisés par le service de médecine du travail dans le cadre de la formation initiale, dans l'Ifsi, et de la formation continue », indique le Dr Véronique Berna, médecin du travail. Formation et prévention doivent être participatives pour le Dr Paris : « La contribution des personnels au choix des gants semble incontournable. » Il faut impliquer les infirmières toujours davantage.

Le progrès le plus flagrant vient de la politique d'achats des gants. Au CHU de Rouen, la consommation de gants de latex poudrés, stériles ou non, est passée de 2,5 millions de paires en 1999 à 12 500 paires en 2001.

Gants en vinyle non stériles

À cette date, 32 services sur 35 n'utilisaient plus aucun gant en latex poudré. Un changement aussi radical ne génère-t-il pas des coûts importants ? « L'opération n'a finalement presque rien coûté, précise le Dr Paris. L'essentiel des surcoûts est lié à la consommation de gants de latex chirurgicaux non poudrés plus chers. Mais le laboratoire fabriquant les gants a fait des propositions de prix basses pour favoriser la démarche. Par ailleurs des économies ont été faites à travers l'augmentation de l'utilisation des gants en vinyle non stériles, lorsqu'ils étaient adaptés, car ils sont bien moins chers. » La situation s'est encore améliorée depuis. « Pour 2004, aucun gant en latex poudré n'a été commandé par le CHU, ajoute le Dr Véronique Berna. La consommation de gants en latex non poudrés est passée de 522 655 paires, en 2003, à 543 127, en 2004. Celle de gants en vinyle non stériles est passée de 8 782 000, en 2003, à 9 177 100, en 2004. »

« Aucun nouveau cas d'allergie professionnelle au latex n'a été observé entre 1999 et 2001 », note le Dr Paris. En revanche, 15 cas avaient été recensés entre 1992 et 1999. « Aucun cas d'allergie n'a été observé en 2002 et 2003, complète le Dr Berna. Un cas fut relevé en 2004. » La suppression des gants en latex poudrés contribue à prévenir l'allergie au latex et son envol.