Une asso qui fait un tabac ! - L'Infirmière Magazine n° 205 du 01/05/2005 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 205 du 01/05/2005

 

Vous

Horizons

Véritables piliers des centres de tabacologie, les infirmières s'efforcent d'y faire valoir leur spécificité. Pour preuve, une cinquantaine d'entre elles ont rejoint la toute récente Association française des infirmières en tabacologie.

Comme le souligne Gilles Héno, infirmier en tabacologie au centre hospitalier de Vannes (Morbihan), « nous sommes nombreux à considérer que l'on a beaucoup de chance de travailler dans le domaine de la tabacologie. C'est vrai que nous nous investissons beaucoup dans notre activité. Pour certains, cela devient même une passion. » Et sans aucun doute, les professionnels qui ont rejoint l'Association française des infirmières en tabacologie (Afit), créée en 2002, sont parmi les plus enthousiastes. Pour s'en convaincre, il suffit de lire le journal interne de l'association. Dans le dernier numéro, une infirmière en tabacologie, qui intervient dans le cadre du module de santé publique dans deux Ifsi et une école d'aide-soignante, témoigne : « Beaucoup d'IDE en cours de diplôme interuniversitaire, d'infirmières en entreprise, d'étudiants et quelques médecins, me sollicitent pour acquérir une expérience pratique à l'abord du patient fumeur ! »

Consultations tabacologiques

Depuis la circulaire du 3 avril 2000, la prise en charge de ce vaste problème de santé publique a fortement évolué. Ce texte a consacré le principe de la lutte contre le tabagisme dans les établissements de santé, avec notamment la création de consultations tabacologiques, et l'attribution des crédits correspondants. Des postes ont été créés. Certaines infirmières, qui exerçaient pour la plupart en pneumologie, ont pu s'orienter vers la tabacologie. Pour emprunter cette voie, il n'existe pas de parcours type, même si la plupart des infirmières en tabacologie ont passé un diplôme interuniversitaire. Tel Gilles Héno, l'un des créateurs de l'Afit, infirmier à mi-temps dans le service de pneumologie de l'hôpital de Vannes et à mi-temps dans le centre de tabacologie. Il a suivi en 2000 la formation dispensée au Kremlin-Bicêtre par le professeur Molimard. Martine Goltron, présidente de l'Afit, contrairement à son collègue morbihannais, a tout appris sur le terrain(1), via le poste qu'elle occupait dans le centre d'alcoologie de l'hôpital Beaujon à Clichy, qui propose également des consultations « tabac ».

Long chemin parcouru

Une discipline relativement récente, une place primordiale de l'infirmière dans l'organisation des centres de tabacologie... Autant de raisons pour se regrouper, afin d'échanger et d'accroître la notoriété de cette discipline. Depuis la première consultation « anti-tabac » il y a 25 ans, un long chemin a été parcouru. En 1986, le professeur Molimard débutait l'enseignement de la tabacologie devant quatre étudiants. Aujourd'hui, une vingtaine d'infirmières sur 150 inscrits suivent la formation parisienne. De 1975 à 2000, la tabacologie n'a fait l'objet d'aucun financement spécifique. En 2000, le plan Kouchner a subventionné 400 centres d'aide à l'arrêt du tabac. Et aujourd'hui, 500 consultations spécialisées sont recensées en France. Accompagnant cette montée en puissance, les infirmières en tabacologie ont occupé un espace de plus en plus grand, avec des tâches très variées. Souvent dans l'ombre, selon la volonté du médecin responsable du centre. « Si l'on excepte la région parisienne, les centres sont souvent l'émanation de service de pneumologie ou de cardiologie, souligne Gilles Héno. Le médecin délègue donc plus à l'infirmière qui dispose alors d'une autonomie accrue. »

Sollicitées par les services

À Vannes, comme dans la plupart des centres de tabacologie, le délai d'attente est long : deux mois pour décrocher un rendez-vous. Ainsi, en 2004, 266 fumeurs ont pu être reçus, soit 1 113 consultations ambulatoires. Des visites au lit de 79 patients hospitalisés en pneumologie ou en cardiologie ont également été effectuées. « Ce dernier chiffre est en stagnation, précise Gilles Héno. Il va falloir diffuser à nouveau l'information dans les services. Car ce sont eux qui me sollicitent. » Ce rôle transversal de l'infirmière en tabacologie est de première importance. Un seul chiffre cité par Gilles Héno permet de comprendre cette évidence : « Avant 45 ans, la première cause d'infarctus est le tabac. Il faut donc ouvrir la porte à une tentative d'arrêt dans de bonnes conditions. » D'autant que l'hospitalisation offre une opportunité pour accompagner le patient vers le sevrage. « En général, la personne hospitalisée ressent moins de pulsions, et sa dépendance psychologique s'effondre. » Mais, malgré ce constat, l'infirmière en tabacologie n'est pas appelée automatiquement par les services.

Zone non-fumeurs

Pour améliorer la prise en charge des fumeurs, il faut donc se faire connaître, user de patience. « Je me présente toujours à l'équipe infirmière quand je vais au lit d'un patient, explique Gilles Héno. Et avant de quitter le service, je remets un document à classer dans le dossier médical. » Un moyen d'abord de marquer avec le patient le début possible d'une démarche d'arrêt, une manière aussi de tenir les soignants informés, et de leur faire comprendre que « la force de la dépendance au tabac est plus importante que la volonté d'arrêter ». Un travail de longue haleine, avec les fumeurs et les collègues. « L'arrêt du tabac est un apprentissage, note Gilles Héno. Il faut réussir à instaurer une culture de la tabacologie à l'intérieur comme à l'extérieur de l'hôpital. » Pour parvenir à cet objectif, la Journée mondiale de lutte contre le tabac du 31 mai est une occasion à ne pas rater. D'autant que le thème 2005 est « le tabac et les soignants ». Les adhérents de l'Afit l'ont bien compris, et s'activent autour de ce sujet avec cette idée majeure : « La blouse blanche est une zone non-fumeurs ! » L'association est devenue un interlocuteur à part entière. Elle est sollicitée par le réseau Hôpital sans tabac et par le ministère de la Santé pour participer à l'événement. Plus généralement, la Société de tabacologie est « attentive à nos initiatives », note Martine Goltron. Les professeurs Brücker, Ménard, Molimard et Lagrue ont souligné l'importance du rôle de l'infirmière en tabacologie. Bref, la reconnaissance est en marche !

1- Cf. interview réalisée par Sandra Mignot dans La Lettre d'actualité de L'Infirmière magazine de juillet 2004.

compétence

La reconnaissance d'abord !

L'émergence des consultations en tabacologie demande une redéfinition du rôle des infirmières. « Il faut une réflexion collective sur le rôle de l'infirmière en consultation », confirme Gilles Héno, secrétaire adjoint de l'Association française des infirmières en tabacologie. Pour Martine Goltron, présidente de l'Afit, « les infirmières en tabacologie ont le courage de revendiquer la place du soin préventif en complément du soin curatif au sein même de leur profession ». Mais, notait le Courrier des infirmiers en tabacologie de novembre 2004, en faisant référence au travail mené par Ljiljana Jovic, infirmière générale à l'hôpital Henri-Mondor de Créteil, dans son livre La Consultation infirmière à l'hôpital(1), « l'éducation est mal définie dans notre décret de compétence et est ainsi propice à l'exercice illégal de la médecine ».

Le rapport Berland en octobre 2003 soulevait ce problème : « Il faut cesser de codifier les domaines d'activité des différents métiers par des listes d'examens, d'actes ou de thérapeutiques susceptibles d'être réalisés ou prescrits. En effet, ceci aboutit rapidement à des décrets de compétence totalement obsolètes car ils ne sont pas régulièrement toilettés [...]. » Un sujet d'importance, abordé avec prudence par l'Afit : « Nous devons d'abord obtenir une meilleure reconnaissance de notre activité. »

1- La Consultation infirmière à l'hôpital. Éditions ENSP.

contact

- L'Afit organise chaque année une journée nationale des infirmières en tabacologie. La prochaine a lieu en octobre 2005 (tabacologie.pneumo@ch-bretagne-atlantique.fr)

- Une Coordination bretonne de tabacologie existe également (catherine.de. bournonville@chu-rennes.fr).