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L'Infirmière Magazine n° 205 du 01/05/2005

 

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Dans le service de santé au travail de Paluel (Normandie), une des trois plus importantes centrales nucléaires de France, les soignantes effectuent un travail à part, où, hormis les tâches classiques, elles sont amenées à contrôler les éventuelles contaminations du personnel, en liaison avec les hôpitaux alentour.

La fin de matinée s'amorce calmement au service de santé au travail de Paluel. Chacune des cinq infirmières présentes gère le suivi des dossiers médicaux après la série d'examens quotidiens. « Nous avons fait passer quelques anthropogammamétries, explique Véronique Fasanino, une infirmière en poste depuis dix-neuf ans dans ce service. Cet examen spécifique permet de dépister une éventuelle contamination externe ou interne du personnel travaillant en zone contrôlée. »

Un service médical complet

Le service de santé au travail de Paluel se trouve au coeur du site, à l'ombre des dômes de bétons qui renferment les réacteurs. Il est rattaché directement au service de gestion des ressources humaines. Poste de soins, salle d'anthropogammamétries, salle de décontamination, salle d'examens, cabinets médicaux, ce service est étendu. Il comprend sept infirmières, trois médecins et une assistante de service, tous soumis au secret médical. Pour ces hommes et ces femmes, le travail se fait en parfaite harmonie. « Notre grande richesse, c'est le dialogue ! », souligne une infirmière. « Notre travail est enrichissant sur le plan technique et humain », précise une autre. L'ambiance détendue est palpable. Pour Catherine, Yasmine, Maryvonne, Véronique, Pascale, Anne et Angélique, le travail est en réalité vaste et diversifié : examen clinique d'aptitude à travailler sous rayonnements ionisants, prises de sang, examen ophtalmologique, radio des poumons, examens des sinus, électrocardiogrammes, etc.

« Le personnel doit être à jour de sa visite médicale, sous peine de se voir refuser l'accès au site », signale Véronique Fasanino. De cette aptitude au travail découlent des examens complémentaires, comme les prises de sang, les examens ophtalmologiques, les électrocardiogrammes, etc.

Irradiation et contamination

En marge de ces activités classiques, le service de santé au travail de Paluel prend en charge le personnel susceptible d'avoir été contaminé. Chacune des quatre tranches de production du CNPE de Paluel est arrêtée en moyenne tous les 18 mois, le temps de procéder aux travaux nécessaires à leur entretien, et de recharger le combustible. Durant ces arrêts, quelque 800 salariés d'entreprises prestataires interviennent sur le site pour effectuer les travaux de maintenance. Ils peuvent éventuellement se contaminer avec des particules radioactives. « Une particule sur la peau, c'est sans gravité et la décontamination corporelle s'effectue simplement par lavage, souligne Anne Lebourg, cela n'a rien d'extraordinaire. Les situations difficiles se rencontrent lorsque la personne a inhalé et ingéré des particules. »

Lors des contrôles d'anthropogammamétrie, en cas de suspicion de contamination, une douche s'impose. Un deuxième contrôle détecte les traces de radioactivité à l'intérieur du corps. Dans ce cas, ces dernières s'éliminent en quelques jours par les urines ou les selles. « En cas de contamination interne à l'iode, des comprimés d'iode stable peuvent être prescrits pour saturer la thyroïde et éviter que l'iode radioactif ne se fixe sur celle-ci, explique Véronique Fasanino. En dix-neuf ans, je n'en ai jamais délivré. »

Compagnonnage

De même, aucun incident d'irradiation - c'est-à-dire de gens exposés directement à des éléments radioactifs - n'a été déploré sur le site de Paluel. Des conventions ont été signées entre la centrale de Paluel et les hôpitaux de Fécamp, Dieppe et Rouen, chargés d'accueillir des blessés contaminés, en cas d'accident grave. Le service de santé au travail de la centrale travaille en relation étroite avec ceux-ci. En cas d'hospitalisation d'une personne accidentée et contaminée, cette dernière est accompagnée d'une infirmière et d'un technicien expert en radioprotection. Sur place, l'infirmière gère la contamination, pendant que l'équipe hospitalière s'occupe des blessures, et que le technicien a pour mission de contrôler le personnel et le matériel hospitalier. Il récupère tout objet ou vêtement contaminé, les conditionne pour éviter tout transfert de contamination hors du site. Le service de santé au travail de Paluel forme le personnel des hôpitaux sur l'attitude à adopter en présence d'un blessé contaminé. Plusieurs visites sont organisées annuellement à Paluel dans ce cadre, ainsi que des formations dans les locaux d'urgence des hôpitaux. « Le nucléaire fait encore peur, explique une infirmière, alors il faut communiquer et former les gens. »

Très spécifique, le métier d'infirmière au sein d'une centrale nucléaire s'acquiert au fil d'années de pratique. « Je suis arrivée avec mon DE, puis j'ai été formée par compagnonnage », se souvient Anne Lebourg. « Mais ces vingt dernières années, la situation a beaucoup évolué. Outre la formation continue, les infirmières suivent des stages pratiques réguliers, dont certains sont obligatoires : risque incendie, radioprotection, intervention dans les locaux industriels », explique l'infirmière chef Pascale Desaeger. Un travail indispensable pour répondre aux exigences réglementaires d'un site comme Paluel. « Nous effectuons un important travail de prévention », ajoute Pascale Desaeger. Ainsi, le service a lancé des campagnes de prévention sur le sida, la diététique, l'alcool, le tabac, le cannabis... « En dix ans, ce gros travail de prévention a permis de faire diminuer très sensiblement la dépendance », note Véronique Fasanino. La semaine touche à sa fin, et le service de santé au travail sera fermé samedi. « Pour les salariés de Paluel qui font les 3/8, nous avons des week-ends d'astreinte », observe l'une des infirmières. Pour les deux jours à venir, Yasmine Lelong est de garde. « Je peux être appelée à n'importe quel moment du week-end », explique la jeune femme. Toutes les infirmières du service médical de Paluel habitent dans un rayon de moins de 30 kilomètres autour de la centrale. Le principe est d'assurer 24 heures sur 24 et sept jours sur sept les urgences médicales et radiologiques

en savoir plus

- En 2004, le service de santé au travail du CNPE de Paluel a effectué 12 715 anthropogammamétries, 169 décontaminations et 2 673 visites médicales. L'équipe médicale a prodigué 694 soins.

- Le service de gestion des ressources humaines de Paluel est certifié Iso 9001. Le service de santé au travail a appliqué cette démarche à l'ensemble des appareils de mesure utilisés.

- Le site de Paluel est également certifié Iso 14001. Pour le service médical, cette norme est appliquée dans la gestion des déchets générés lors des activités. Il s'agit des déchets radioactifs, des déchets de soins, mais aussi de l'élimination des médicaments périmés, du tri sélectif et du recyclage des papiers et des piles.