Les mots pour le dire - L'Infirmière Magazine n° 206 du 01/06/2005 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 206 du 01/06/2005

 

Cancer

Éthique

L'annonce d'un diagnostic à un malade est un moment essentiel de la relation patient-soignant. Le Dr Isabelle Moley-Massol(1) invite les professionnels de santé, et notamment les médecins, à mieux prendre en compte les aspects éthiques qui devraient entourer l'annonce du diagnostic.

Chaque année, quelque 200 000 nouveaux cancers sont diagnostiqués en France. Entre obligation légale et nécessité médicale, l'annonce de la maladie recouvre également une dimension éthique encore trop souvent négligée. « Certaines annonces sont de véritables crimes psychiques, dont les effets sont parfois plus délétères que la maladie elle-même. Alors qu'aujourd'hui, un cancer sur deux se guérit, certaines personnes ne se remettent jamais du traumatisme qu'elles ont subi à ce moment-là, souligne le Dr Isabelle Moley-Massol.

Les médecins qui conservent leurs distances avec le patient et la maladie sont généralement ceux à l'origine des pires annonces qui soient. En butte à un diagnostic sévère, voire létal, ils mettent en avant leur technicité, car l'affect du malade leur est intolérable. Sans doute fait-il resurgir leur propre souffrance à formuler ce qui, pour eux, vient heurter leur volonté profonde de réparation. Et c'est, le plus souvent, les infirmières qui doivent ensuite gérer le "paquet d'affect" porté par le patient. »

Espoir réaliste

« Acte fondateur de la relation médecin, malade, maladie » pour Isabelle Moley-Massol, la manière dont l'information est délivrée au patient marquera de façon indélébile toute l'histoire de sa maladie. « Il faut donner du sens à ce qui arrive au patient pour lui ouvrir un espoir - espoir qui doit être réaliste et qui ne peut s'adosser qu'à la vérité », indique le médecin. Quoi dire ? Pourquoi le dire ? Comment le dire ? Quand le dire et à quel rythme ? Tel est, dès lors, le questionnement qui doit guider le médecin au cours de la prise en charge du malade. Et dans ce contexte, le médecin n'est pas le seul prescripteur d'information. Il doit absolument interroger le malade pour savoir où il en est, ce qu'il sait de la maladie et ce qu'il en imagine.

C'est en fonction de la situation du patient et de ses capacités du moment à entendre et à recevoir ces informations que le médecin ajustera, au cas par cas, les termes et les temps de l'annonce. « S'il se réfère à cette démarche, je crois que le soignant est à l'abri de grosses catastrophes. Tout en sachant qu'il ne transformera jamais une mauvaise nouvelle en une bonne nouvelle, et qu'il peut être la cible de l'agressivité du malade », prévient l'auteur.

Aucune règle

Quoi qu'il en soit, l'annonce doit demeurer un moment d'humanité et d'empathie envers l'autre. Le soignant doit signaler qu'il entend la souffrance, et parfois la colère de son patient, et qu'il les comprend. « Aucune règle et aucun dogme ne préside à la formulation d'une annonce de diagnostic, conclut Isabelle Moley-Massol. C'est le patient qui montre le chemin, car il sait mieux que nous ce dont il a besoin. »

1- L'Annonce de la maladie : une parole qui engage. Éditions Datebe, collection « Le Point pratique ». 29 Euro(s).

TÉMOIN

Séverine Hasz, IDE, consultation de postannonce du cancer, hôpital André-Mignot, Le Chesnay (78) Choix et autonomie

« L'objectif de la consultation de postannonce du cancer que j'anime est de ne pas laisser le patient seul face à sa maladie. Elle a été créée en mai 2004, dans le cadre du "plan cancer". Mon rôle consiste à accompagner le patient - depuis l'annonce du diagnostic, à laquelle j'assiste - dans l'évolution de sa maladie et de son traitement en respectant ses choix et son autonomie. Cette prise en charge individualisée est fondée sur un échange permanent d'informations. Ainsi, lors de notre premier rendez-vous, je reprends avec le patient toutes les étapes du programme personnalisé de soins qui lui a été proposé et je favorise son expression sur son ressenti depuis l'annonce. Je note que les patients abordent rarement avec le médecin les bouleversements personnels, familiaux et sociaux que le cancer engendre. Sans doute est-ce plus simple pour eux de verbaliser avec une infirmière. En fonction de la situation de la personne, je l'invite à rencontrer la psychologue et l'assistante sociale du service. Mais je demeure disponible à tout moment pour répondre à ses questions. »