Un cocktail dangereux ! - L'Infirmière Magazine n° 206 du 01/06/2005 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 206 du 01/06/2005

 

Neuroleptiques et alcool

Thérapeutiques

La prise d'alcool est dangereuse pour le patient sous neuroleptiques, car elle potentialise les effets attendus du médicament et peut précipiter ses effets indésirables.

La prise d'alcool est communément déconseillée pendant tout traitement médicamenteux. Elle l'est d'autant plus lorsqu'il s'agit d'un traitement psychotrope.

Cependant, le problème est plus complexe, car certaines pathologies psychiatriques augmentent le désir d'alcoolisation et imposent souvent un traitement au long cours. La prise d'alcool est dangereuse pour le patient sous neuroleptiques, car elle potentialise les effets attendus du médicament, et peut précipiter ses effets indésirables.

Recours à l'alcool

Les neuroleptiques sont utilisés dans le traitement des états psychotiques aigus et chroniques, notamment la schizophrénie. Dans les phases aiguës des troubles psychotiques, le patient peut avoir des hallucinations et présenter une agitation. Ce dernier peut alors avoir recours à l'alcool pour apaiser son angoisse, sans que la démarche soit clairement identifiée dans son esprit.

De plus, en phase aiguë, la rupture avec la réalité est importante. Même si le risque du cocktail alcool-neuroleptiques a été expliqué par le psychiatre au préalable, il peut être mis de côté par le malade.

Ce phénomène de déni du risque est encore plus présent lorsque le traitement est administré par injections intramusculaires, ce qui est fréquent en période aiguë.

Les états psychotiques chroniques comme la schizophrénie sont fréquemment associés à des troubles de l'humeur de type dépressif. La prise d'alcool s'apparente alors à une forme d'automédication. Le patient tente par ce biais de chasser ses idées noires.

Enfin, un patient équilibré par son traitement peut vivre l'interdiction d'alcool comme une contrainte de plus à sa maladie. Même lorsque la maladie est acceptée, l'observance est difficile pour le patient psychiatrique. La contrainte supplémentaire est susceptible de cristalliser cette difficulté. Une alcoolisation aiguë massive peut donc aussi survenir chez un patient stable, qui suit correctement son traitement.

Effets indésirables

L'alcool augmente les effets attendus du médicament. Les neuroleptiques ont une action sédative qui réduit l'agitation et l'angoisse.

L'absorption d'alcool potentialise les effets du neuroleptique : l'action sédative sera alors plus importante pour la même posologie. Le patient alcoolisé sous neuroleptiques présentera une somnolence qui peut aller jusqu'au coma. La dépression du système nerveux central risque d'aboutir à une dépression respiratoire qui met en jeu le pronostic vital.

La prise d'alcool chronique induit un dérèglement du traitement. Les effets du neuroleptique fluctuent en fonction de la quantité d'alcool ingérée. Le médecin, constatant un effet sédatif trop important qui peut aggraver la pathologie, a la possibilité de modifier la posologie du neuroleptique.

Syndrome malin

Il existe un effet indésirable rare (incidence 0,5 %) mais très grave : le syndrome malin des neuroleptiques. Il est responsable d'une mortalité de 20 à 30 % en l'absence de traitement et de 10 % avec un traitement adapté. Il se manifeste par une fièvre inexpliquée, une hypersudation et des troubles de la conscience. Il impose l'arrêt immédiat du neuroleptique, et le transfert en réanimation dans les cas les plus sévères. L'étiologie du syndrome malin des neuroleptiques n'est pas connue. L'apparition de ce syndrome serait favorisée par la déshydratation. Une alcoolisation aiguë peut provoquer une déshydratation secondaire et augmenterait donc le risque de syndrome malin des neuroleptiques.

Bilan

Les pathologies psychotiques peuvent augmenter l'appétence pour l'alcool à cause de l'angoisse qu'elles génèrent.

Cependant, la prise d'alcool est à déconseiller, car elle déséquilibre le traitement et la pathologie. De plus, elle risque de mettre en danger la vie du patient en augmentant les effets sédatifs du neuroleptique.

Ce problème doit être pris en compte par l'équipe soignante afin de favoriser la compréhension du patient, et d'éviter ce comportement à risque.