La fièvre de l'enfant - L'Infirmière Magazine n° 207 du 01/07/2005 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 207 du 01/07/2005

 

pédiatrie

Conduites à tenir

L'évolution récente des données scientifiques se rapportant à la prise en charge de la fièvre de l'enfant remet en question des pratiques ancrées de longue date et nécessite une mise au point quant à la conduite à tenir face à l'enfant fébrile.

La fièvre est un moyen de réponse de l'organisme aux infections. C'est un symptôme défini par une élévation de la température centrale au-dessus de 38 °C, en l'absence d'activité physique intense chez un enfant normalement couvert dans un milieu où la température ambiante est tempérée. Extrêmement banale et fréquente, elle révèle dans la grande majorité des cas des infections virales bénignes. Toutefois, elle peut aussi manifester la présence d'infections bactériennes susceptibles de se compliquer lorsqu'elles ne sont pas documentées ni traitées par antibiothérapie. Ce risque est tout particulièrement corrélé à l'âge. Par conséquent, une évaluation médicale urgente s'impose à chaque fois que la fièvre est mal tolérée, qu'elle se prolonge ou bien qu'elle concerne un enfant âgé de moins de 3 mois(1). Cela dit, il est très rare qu'elle représente un danger pour l'enfant. Elle peut même avoir un effet bénéfique lors d'infections invasives sévères (purpura infectieux, septicémie), des observations ayant par ailleurs montré une augmentation de la mortalité associée à des infections graves non fébriles.

PAS DE TRAITEMENT AVANT 38,5 °C

En dehors des convulsions fébriles qui compliquent parfois certaines infections du système nerveux central (méningites, encéphalites), les convulsions liées aux accès de fièvre sont dans tous les autres cas sans gravité(2). Elles surviennent chez 2 à 5 % des enfants de moins de 5 ans, et leur incidence maximale se situe entre 18 et 24 mois. À ce jour, aucun des médicaments étudiés versus placebo n'a démontré qu'une administration précoce au moment des poussées fébriles permettait de prévenir les convulsions fébriles. Qu'il s'agisse d'enfants à risque ou non, rien ne justifie donc de mettre en place un traitement antipyrétique avant 38,5 °C. Cette règle doit être d'autant plus observée que des effets indésirables (encadré ci-contre), rares mais particulièrement graves, ont été récemment identifiés lors de l'utilisation de certains médicaments antipyrétiques. Des observations qui ont conduit la Société française de pédiatrie à redéfinir la stratégie de traitement de la fièvre de l'enfant sur laquelle repose les dernières recommandations de l'Afssaps.

CONFORT

Désormais, l'objectif de la prise en charge de la fièvre chez l'enfant repose sur l'amélioration du confort de l'enfant plus que sur une recherche systématique de l'apyrexie. « Faire baisser à tout prix la fièvre ne constitue pas un objectif en soi et ne doit pas conduire à des traitements systématiques, notamment dans le but de maintenir l'enfant en collectivité, indique-t-on à l'Afssaps. En revanche, la fièvre peut s'accompagner d'un inconfort (diminution de l'activité, de la vigilance, de l'appétit, des rapports sociaux, présence de céphalées, changement de l'humeur) dont il convient de privilégier le soulagement. »

PRISE EN CHARGE

Ce postulat posé, la conduite à tenir pour la prise en charge d'une fièvre persistante supérieure à 38,5 °C repose sur l'attitude pratique suivante.

Rechercher la cause de la fièvre. Cette recherche permet de poser l'indication d'un traitement spécifique et d'apporter en outre des éléments importants pour le choix du traitement symptomatique en identifiant, par exemple, une contre-indication (tableau p. XI) éventuelle à tel ou tel antipyrétique.

Mettre en place des mesures physiques. Elles reproduisent les échanges que l'organisme met naturellement en jeu avec le milieu extérieur pour assurer sa régulation thermique. Ces mesures consistent à :

- découvrir l'enfant des vêtements ou couvertures superflus de sorte que la chaleur puisse s'évacuer plus facilement du corps. Veiller néanmoins à ce que l'enfant n'ait pas froid ;

- hydrater l'enfant abondamment. Proposer des boissons que l'enfant accepte facilement, mais pas nécessairement très fraîches si cela lui est désagréable ;

- aérer la chambre et maintenir la température ambiante entre 18 et 20 °C.

Ces mesures systématiques contribuent à limiter la progression de la température, à maintenir une hydratation correcte et à augmenter l'efficacité des traitements médicamenteux. Contrairement à ce qui était classiquement conseillé, l'utilité des enveloppements humides, des poches de glace et des bains à une température inférieure à 2 °C de celle de l'enfant est remise en cause, car ils peuvent majorer l'inconfort et le « mal-être » de l'enfant pour un bénéfice qui n'est pas supérieur aux mesures préconisées. Le bain est néanmoins envisageable si l'enfant l'apprécie et l'accepte volontiers.

N'utiliser qu'un seul médicament en première intention. Contrairement à ce qui était couramment pratiqué, aucune étude n'a démontré l'intérêt d'alterner ou d'associer systématiquement plusieurs antipyrétiques. Cette pratique présente deux inconvénients : d'une part, le cumul des effets indésirables qui, même s'ils sont très rares, ne justifient pas de prendre un risque dès lors que les objectifs du traitement sont recentrés sur le confort de l'enfant ; d'autre part, en cas de réaction adverse, en particulier d'ordre allergique, l'enquête d'imputabilité est compliquée. Désormais, seule une fièvre mal tolérée malgré un traitement bien conduit pendant au moins vingt-quatre heures nécessite une réévaluation médicale permettant d'apprécier le bien-fondé de la substitution éventuelle du médicament, voire de l'adjonction d'un second antipyrétique. Il est par ailleurs déconseillé d'associer l'aspirine à un AINS ou d'associer deux AINS entre eux.

Les médicaments de référence actuellement sont : le paracétamol (la SFP en recommande l'utilisation en première intention) ; l'ibuprofène ; le kétoprofène (délivré sur prescription médicale) et l'aspirine. Ces médicaments, à la différence des méthodes physiques, agissent principalement sur les mécanismes de régulation centrale de la température corporelle. En termes d'amélioration du confort, le paracétamol semble particulièrement efficace sur l'activité et la vigilance. En termes d'efficacité globale, le paracétamol, l'ibuprofène et l'aspirine, utilisés aux posologies recommandées par l'AMM, ont une efficacité identique. Néanmoins, le profil d'effets indésirables des trois molécules diffère sensiblement, ce qui en fait un critère de choix déterminant dont le médecin prescripteur doit tenir compte. L'automédication étant courante pour ces traitements, il est recommandé aux familles de prendre conseil auprès du pharmacien ou du médecin avant d'utiliser un antipyrétique jamais prescrit à l'enfant. D'une manière générale, éviter d'utiliser : les AINS ou l'aspirine si l'enfant a une maladie du foie, des reins ou s'il est déshydraté (diarrhées et vomissements importants) ; les AINS si l'on pense que l'enfant peut être atteint de varicelle ; l'aspirine si l'on pense que l'enfant a la varicelle ou une maladie d'allure grippale. À noter : chez l'enfant de moins de 3 mois, seuls le paracétamol et l'aspirine peuvent être utilisés.

Vérifier que l'enfant n'a pas déjà pris le même antipyrétique sous une autre forme. Les quatre antipyrétiques recommandés existent sous de nombreux noms de marque et sous des formes différentes (sirops, suppositoires, sachets, etc.). Il convient donc de s'assurer qu'un médicament de même nature n'a pas été donné sous une autre forme avant d'administrer un médicament pour faire baisser la fièvre. De même, en cas d'automédication préalable à la consultation, il faut informer le médecin du traitement administré.

Attention à la posologie. Respecter strictement les doses, les délais entre les prises et le nombre de prises indiqués. À cet effet, lire attentivement les notices.

1- Entre 1 et 3 mois, l'évaluation clinique d'une fièvre ne suffit pas à elle seule. Elle doit être complétée par un bilan complet associant en plus, chez le nouveau-né (de moins de 1 mois), une ponction lombaire et une antibiothérapie.

2- Ces crises convulsives sont impressionnantes (l'enfant est secoué de spasmes musculaires généralisés), mais rapidement réversibles et sans conséquence dans la très grande majorité des cas. Elles imposent néanmoins de consulter un médecin immédiatement afin d'écarter une cause grave (méningite notamment). Les enfants sujets aux convulsions présentent en général une prédisposition familiale et un risque de récurrence élevé au cours des deux années qui suivent le premier épisode, surtout si la première crise a eu lieu avant l'âge de 2 ans.

Effets indésirables des médicaments antipyrétiques

Comme tout médicament, les antipyrétiques peuvent entraîner des effets indésirables parfois graves, mais exceptionnels au regard de la fréquence de leur utilisation (20 millions de prescriptions en 2003 pour quelques dizaines d'effets indésirables graves signalés à ce jour).

> Paracétamol : toxicité hépatique en cas d'absorption massive (ingestion accidentelle) ou d'administration, plusieurs jours durant, de doses plus importantes que celles recommandées.

> AINS : graves infections cutanées (en cas de varicelle notamment) ; lésions de l'estomac et de l'oesophage ; atteinte des reins ; hémorragies ; graves réactions d'intolérance (entraînant par exemple des lésions généralisées de la peau).

> Aspirine : idem AINS ; atteinte grave du foie et du cerveau si l'enfant est infecté dans le même temps par un virus (grippe, varicelle).

Source : Afssaps