Le refus de traitement - L'Infirmière Magazine n° 207 du 01/07/2005 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 207 du 01/07/2005

 

Relation de soin

Éthique

Il aura fallu plus d'un an de réflexion pour que le Comité consultatif national d'éthique rende public, le 9 juin dernier, un avis portant sur le refus de traitement et l'autonomie de la personne(1). Un texte qui répond aux dilemmes éthiques des soignants face à un refus de soins.

« [...] Quelle que soit l'intention bienveillante, un geste thérapeutique n'est jamais anodin. Il revêt toujours une charge symbolique qui donne au rapport dissymétrique médecin/malade son expression la plus accusée. C'est pourquoi l'intervention sur le corps d'une personne nécessite toujours de part et d'autre une confiance sans réserve. Il s'agit d'un véritable pacte qui trouve sa justification éthique dans la priorité accordée à l'intérêt de cette personne [...] », souligne le Comité, dans l'introduction de son avis. Bien que les lois de 2002 et 2005 garantissent l'autonomie de la personne malade, ou en fin de vie, et son droit à refuser un traitement, il semble cependant qu'elles ne suffisent pas à lever les dilemmes éthiques auxquels peuvent être en butte un médecin, et plus largement tout soignant, devant un refus de traitement exprimé par un patient, voire par un tiers. Entre la volonté du soignant d'assurer au mieux sa mission, et le respect de la volonté du malade peut, en effet, se développer un abîme d'incompréhension. Une distance qui peut parfois conduire à un abus de pouvoir médical, nourri par la crainte de ne pas répondre à l'obligation de non-assistance à personne en danger. Sur ce dernier aspect, le CCNE rappelle qu'une jurisprudence n'a pas retenu la notion de non-assistance à personne en péril, « dès lors que la thérapeutique préconisée n'avait pu être appliquée en raison du refus obstiné et même agressif du malade ». Les sages soulignent aussi que venir en aide à une personne ne signifie pas toujours lui imposer un traitement.

Malade lucide

« Dans le cas où le malade est tout à fait lucide et semble exercer pleinement son autonomie, il faut avoir le courage de reconnaître qu'on est face à un dilemme insoluble : le médecin reste responsable, mais ne peut rien faire ; le malade a sa rationalité, même si cela peut conduire à sa propre mort. »

Il en va différemment dans certaines situations d'urgence où le soignant « peut passer outre » le consentement du patient. Plusieurs cas sont d'ailleurs analysés par le Comité, tels la césarienne, la transfusion ou le refus d'hospitalisation. Dans la dizaine de recommandations qu'il formule, le groupe de travail préconise entre autres de tout faire afin d'éviter que les décisions importantes ne soient prises qu'en situation critique, et de recourir à un deuxième avis et aussi à un processus de médiation... « On ne peut pas vouloir faire toujours le bien d'une personne contre son gré au nom d'une solidarité humaine nécessaire et d'une obligation d'assistance à personne en péril », dit aussi le CCNE. Comme l'a l'expliqué Mario Stasi, avocat à l'origine de cet avis : « Nous ne sommes pas là pour dire ce qu'il faut faire. Notre souhait est de susciter un dialogue contemporain entre la médecine et chacun d'entre nous. »

1-Avis n° 87, texte intégral : http://www.ccne-ethique.fr.

TÉMOIN

Sylvie Rivière, cadre de santé Accompagner le refus

« En tant que soignants, notre difficulté majeure est d'être confrontés à un patient qui refuse un soin dont nous savons, pourtant, qu'il va lui être bénéfique, estime Sylvie Rivière, cadre de santé et membre du groupe de réflexion éthique de l'hôpital Ambroise-Paré (92). D'autant que, face à cette situation, la loi ne nous aide pas beaucoup. Elle stipule en effet que la décision finale lui appartient. Dès lors, notre intervention doit consister à mettre en place un environnement qui accompagne son choix, et qui pourra à terme le faire changer d'avis. Cette démarche appelle une prise en charge pluridisciplinaire, dont le but est d'analyser point par point l'ensemble des questions éthiques que son refus soulève. Par exemple, un soin peut être bénéfique sur le plan curatif et désastreux sur le plan psychologique. Il faut donc se placer aux côtés du patient et à partir de ses valeurs, de ses croyances, de ses aptitudes intellectuelles, de sa culture... évaluer ce que l'on peut lui apporter en termes de qualité de vie, selon ses critères. Ce qui nous paraît vivable peut lui être insupportable. Bref, c'est un balancement continu entre la bienveillance et la non-malfaisance. »