Les brûlures - L'Infirmière Magazine n° 207 du 01/07/2005 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 207 du 01/07/2005

 

urgences

Modes opératoires

GÉNÉRALITÉS

Douleur. Le caractère hyperalgique d'une brûlure impose une analgésie précoce dès l'étape médicale préhospitalière et nécessite le plus souvent l'utilisation des morphiniques(1). La douleur de la brûlure est avant tout une douleur par « excès de nociception(2) » . La peau est très riche en récepteurs spécifiques de la douleur. Ils sont surtout stimulés pour les brûlures superficielles qui sont les plus douloureuses, alors qu'une lésion du 3e degré qui détruit les terminaisons nerveuses est initialement, en théorie, indolore. Les lésions profondes ne sont jamais uniformes et sont généralement accompagnées de zones d'atteintes intermédiaires responsables d'une douleur pouvant se révéler très importante. La prise en charge de la douleur nécessite de distinguer et d'évaluer la douleur de fond et celle due à des gestes ponctuels, notamment le nettoyage de la brûlure et la réalisation du pansement(3). Il existe une hyperalgésie qui se prolonge jusqu'à la cicatrisation. Elle a pour origine des phénomènes primaire et secondaire(2) : l'hyperalgésie primaire est liée à une stimulation des nocicepteurs cutanés activés par des produits de l'inflammation. Ainsi, un stimulus non douloureux pour une peau normale devient douloureux pour une peau lésée. L'hyperalgésie primaire due à l'inflammation commence très précocement et sera longtemps entretenue par les gestes locaux itératifs se prolongeant jusqu'au recouvrement définitif. L'hyperalgésie secondaire est due à une stimulation de la corne extérieure de la moelle au niveau des terminaisons des fibres afférentes par la répétition des stimuli nociceptifs. Cette hyperalgésie secondaire est à la fois périphérique et centrale. Enfin, il peut exister des douleurs de type neuropathique secondaires à la destruction des fibres nerveuses (et non à la seule stimulation des nocicepteurs). Il s'agit de véritables douleurs de « désafférentation ». Elles ne sont jamais immédiates et apparaissent généralement après la cicatrisation.

Patient. Malgré les campagnes de prévention, la brûlure reste une pathologie traumatique fréquente. Chaque année en France, environ 200 000 personnes sont victimes de brûlures qui imposent l'hospitalisation de 7 500 d'entre elles, dont 2 000 dans des centres spécialisés. Un tiers du recrutement est représenté par des enfants âgés en majorité de 18 mois à 5 ans(3).

SPÉCIFICITÉS DE LA PRISE EN CHARGE

Dès les premières minutes post-traumatiques, les brûlés graves souffrent d'une instabilité hémodynamique majeure, d'une dette en oxygène et sont vulnérables vis-à-vis de l'hypothermie.

Le refroidissement par de l'eau à 15 °C est préconisé pour toutes les brûlures localisées, mais déconseillé en cas de brûlure étendue (risque d'hypothermie induite supplémentaire). Le brûlé étant constamment hyperalgique, la prise en charge de sa douleur est nécessaire dès l'intervention médicale préhospitalière.

Cette prise en charge doit tenir compte du contexte traumatique de ce blessé grave et avant tout de l'instabilité hémodynamique patente ou latente.

Prise en charge hémodynamique. Expansion volémique sur la base de 2 ml/kg/% de surface cutanée brûlée (SCB) sur six heures(4).

Ou : 20 ml/kg pendant la première heure de la prise en charge préhospitalière si la SCB > 50 %(5).

Prise en charge respiratoire. Si la SCB > 50 % en brûlures profondes, lésions respiratoires primitives et/ou brûlures profondes du visage et du cou, intoxication à l'oxyde de carbone ou aux cyanures accompagnée de troubles neurologiques(6) : intubation orotrachéale et ventilation assistée.

Pour le nettoyage chirurgical et la réalisation du pansement d'une brûlure étendue (SCB > 50 %) : anesthésie générale après intubation orotrachéale par intubation à séquence rapide.

DEVENIR DU PATIENT

Tout patient avec une SCB > 20 % en brûlures profondes doit être dirigé vers un centre spécialisé.

SOINS INFIRMIERS

L'infirmière d'organisation de l'accueil (IOA).

1. Recueille les paramètres vitaux : fréquence respiratoire, pouls, pression artérielle, SpO2, température. Note ces éléments sur le dossier du patient.

2. Détecte une détresse vitale (état de choc, pâleur, sueurs) et recherche des traces de suie, de fumée au niveau des voies aériennes supérieures.

3. Pratique immédiatement le refroidissement selon le protocole en cas d'atteinte localisée.

4. Pense à une intoxication à l'oxyde de carbone (incendies) ou aux cyanures si le patient est somnolent ou hypotendu. Réalise une mesure du CO expiré.

5. Choisit et applique une méthode d'évaluation de la douleur compatible avec le patient. Note ceci sur le dossier du patient.

6. Alerte en cas de brûlure circulaire ou de brûlure du visage et du cou.

7. Oriente le patient vers le secteur approprié.

8. Recueille le maximum d'informations sur les circonstances (heure, mécanisme, actions entreprises).

L'infirmière des urgences.

1. Sur prescription médicale ou protocole préétabli : évalue la douleur selon une méthode compatible avec le patient ; pose une voie veineuse en zone saine ; applique un pansement antalgique ; met en route le traitement antalgique après contrôle d'absence d'allergie ou de contre-indications.

2. Surveille les paramètres cliniques et paracliniques : fréquence respiratoire, pouls, pression artérielle, SpO2, température. Note ces éléments sur le dossier patient.

3. Surveille spécifiquement la titration morphinique.

4. Déshabille prudemment le patient. Le couvre et le réchauffe, car risque d'hypothermie en cas de brûlure étendue.

Remarques. Elle respecte une asepsie stricte pour les manipulations (gants stériles, champs et couverture de survie stériles) et reste vigilante sur les informations à donner concernant l'évolution de la brûlure et de la douleur.

1. Réanimation du brûlé à la phase aiguë, Bertin-Maghit M., Mosnier F., Magnin C., Gueugniaud P.-Y., Petit P, in Sfar Éd. Conférences d'Actualisation 2001, Paris, Elsevier, 2001, 423-42.

2. « Traitement de la douleur », Echinard C., Latarjet J, in Les Brûlures,

Abrégés Masson, Paris, 1993, 205-20.

3. Anesthésie en urgence du brûlé (préhospitalière et intrahospitalière), Gueugniaud P.-Y., Bertin-Maghit M., JEUR, 1997, 2, 59-67.

4. « Current advances in the initial management of major thermal burns », Gueugniaud P.-Y., Carsin H., Bertin-Maghit M., Petit P., Intensive Care Med., 2000, 26, 848-56.

5. « Brûlures graves », Carsin H., Le Bever H., in Samii K., Éd. Anesthésie-réanimation chirurgicale, Paris, Flammarion, 1995, 1657-65.

6. « Anesthesia for major thermal injury », Mac Lennan N., Heimbach D.M, Cullen B.F., Anesthesiology, 1998, 89, 749-70.

7. « Local cooling does not prevent hyperalgesia following burn injury in humans », Wesner M.U., Lassen B., Pedersen J.L., Kehlet H., Pain, 2002, 98, 297-303.