Les infections du site opératoire - L'Infirmière Magazine n° 207 du 01/07/2005 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 207 du 01/07/2005

 

hygiène

Cours

La réduction des infections du site opératoire est l'un des objectifs prioritaires de la politique nationale de prévention des infections nosocomiales. Si certains facteurs de risque sont peu contrôlables ou ajustables, d'autres en revanche peuvent être prévenus. Directement impliqués dans la réduction du risque, les soignants des services de chirurgie et des blocs opératoires doivent parfaitement maîtriser ce sujet.

Tout patient opéré est exposé à un risque d'infection postopératoire. Qu'elles soient liées à des germes endogènes ou exogènes(1), ces infections entrent dans la catégorie des infections nosocomiales et sont l'une des complications les plus importantes de la chirurgie en termes de morbidité et de mortalité. Selon les définitions standardisées(2), les infections postopératoires comprennent les infections du site opératoire (Iso) et les infections à distance (encadré p. V). Les Iso sont parmi les infections nosocomiales les plus fréquentes et coûteuses (colonne p. IV). Leur évitabilité potentielle est la mieux évaluée(3). « Directement liées à la préparation de l'intervention et au geste chirurgical lui-même, elles sont faciles à détecter et à suivre sur le plan épidémiologique et constituent un critère majeur de surveillance des infections nosocomiales dans les établissements de santé », commente le Dr Michel Kitzis, chirurgien des hôpitaux (service de chirurgie vasculaire, hôpital Ambroise-Paré, Boulogne, AP-HP). Raison pour laquelle elles sont prises en compte dans le cadre de la procédure d'accréditation des hôpitaux (ordonnances d'avril 1996) et constituent l'un des objectifs prioritaires de la politique nationale de prévention des infections nosocomiales mise en oeuvre par les autorités de santé, le comité technique des infections nosocomiales des infections liées aux soins (CTINILS) et le Conseil supérieur d'hygiène publique de France(4).

UNE DÉFINITION ÉLARGIE

En chirurgie, les infections du site opératoire se rencontrent dans 3 à 7 % des cas selon les études et représentent 15 % de l'ensemble des infections nosocomiales, derrière les infections urinaires et les infections respiratoires. Pendant de nombreuses années, la surveillance des signes d'infection du site opératoire s'est longtemps limitée à l'incision chirurgicale, c'est-à-dire à l'abcès de paroi. Même si certains incluaient le niveau aponévrotique, cette approche était peu satisfaisante, car elle excluait les infections profondes, certes moins fréquentes mais potentiellement graves. Il y a une quinzaine d'années, s'inspirant de la définition du CDC d'Atlanta(5), les autorités sanitaires et les sociétés savantes françaises ont retenu une classification des Iso impliquant non seulement les différents plans superficiels et profonds de l'incision, mais aussi le site de l'intervention ou « organe-espace » (tableau p. VIII). Ainsi, les Iso profondes recouvrent aujourd'hui les infections pariétales, de l'organe ou de la cavité elle-même. Elles nécessitent le plus souvent une reprise chirurgicale. Cette définition associe également les infections des séreuses qui sont la conséquence directe de l'infection du site anatomique de l'intervention. Par exemple, un abcès sous-phrénique consécutif à une chirurgie digestive ou une pleurésie purulente survenant après une chirurgie thoracique sont désormais comptabilisés dans les infections du site opératoire.

Dans une enquête conduite de 1997 à 1999(6) sur 38 973 patients, les Iso étaient présentes dans 3,4 % des cas avec 67 % d'infections incisionnelles superficielles, 18 % d'infections incisionnelles profondes et 15 % d'infection de l'organe-espace. Cette classification plus large et plus précise permet d'évaluer avec précision la nature des infections, d'en analyser plus précisément les causes et de mettre en place des mesures correctrices et préventives plus appropriées.

La surveillance des taux d'infection du site opératoire constitue en soi un moyen efficace d'améliorer la prévention de ces infections. D'importantes enquêtes ont montré qu'en les surveillant, les abcès de parois diminuaient de 15 à 40 %. Dans les années 1980, le Dr Kitzis en a fait l'expérience. « C'est à cette époque, explique-t-il, que j'ai commencé à surveiller de près les infections liées à l'activité chirurgicale. J'ai été surpris de constater que nous avions des taux d'infection élevés alors que de nombreux chirurgiens prétendaient ne jamais avoir d'infections. Cela m'a également permis d'observer que le simple fait de restituer les résultats d'enquêtes sensibilise les équipes et produit un effet étude très important. En l'occurrence, cela s'est traduit par une diminution du taux des infections du site opératoire de 75 % en l'espace de quatre ans ! » La surveillance des infections stimule la vigilance quant au respect des bonnes pratiques et induit également une réflexion constructive visant à les optimiser. Cette réflexion passe par l'identification des facteurs de risque et la mise en oeuvre de mesures correctives améliorant la prévention de cet indicateur majeur de la qualité des soins.

FACTEURS DE RISQUE

Facteurs non ou difficilement ajustables. Il s'agit de la classe de contamination des interventions (tableau p. IX), du risque ajouté par l'urgence (deux fois plus important qu'en chirurgie programmée) et des caractéristiques propres au patient : son âge (risque relatif multiplié par 2 après 65 ans), sa sensibilité particulière à l'infection (diabète déséquilibré), l'existence d'une pathologie immunodépressive ou d'un traitement immunosupresseur, la présence de comorbidités (obésité, dénutrition, tabac, alcool), l'affection à l'origine de l'intervention chirurgicale (comme le cancer). Ces critères ont permis d'établir une classification, dite classification ASA (colonne p. VI) qui entre dans le calcul de l'index de risque NNIS (National Nosocomial Infections Survey System). Cet index permet de définir le niveau de risque infectieux pour chaque intervention (encadré p. VII). « Bien qu'ils majorent le risque d'Iso, ces facteurs ne remettent pas la chirurgie en question, sauf en cas de contre-indication absolue mettant en jeu le pronostic vital, commente le Dr Kitzis. Ils s'imposent à nous et nous laissent peu de marge de manoeuvre, d'une part parce qu'il existe peu de mesures spécifiques permettant de les contrôler ou de les ajuster et d'autre part parce que nous disposons rarement du temps nécessaire pour mettre en place les moyens d'améliorer significativement l'état préopératoire du patient. Cela dit, les équipes en tiennent compte et redoublent de vigilance dans la préparation du patient et la réalisation du geste chirurgical, lesquelles sont en revanche beaucoup plus accessibles à des mesures de prévention. »

Facteurs accessibles à la prévention. Il est possible d'infléchir significativement le taux des infections du site opératoire en intervenant sur les facteurs de risque en relation directe avec l'acte chirurgical et l'environnement de l'intervention. Cela concerne : la durée de séjour préopératoire (le taux des infections est directement corrélé à la durée du séjour hospitalier avant l'intervention) ; l'état de la peau et la préparation cutanée du patient : elle a un impact direct sur la colonisation cutanée par des bactéries, la pénétration des germes et l'incidence des Iso ; l'expérience de l'opérateur : elle joue sur la qualité de la dissection, la diminution des hémorragies per et postopératoires et la durée de l'intervention ; l'asepsie des opérateurs (chirurgien, instrumentistes) ; la durée de l'intervention : pour chaque acte chirurgical, la durée est un facteur prépondérant. Plus elle est courte, moins les risques sont importants. Dans le calcul des index de risque, pour chaque acte chirurgical est fixé une durée de référence au-delà de laquelle le risque d'infection postopératoire augmente. Cette durée tient compte de la difficulté de l'intervention, de la multiplicité des procédures et de l'expérience de l'opérateur. À titre d'exemple, elle est fixée à cinq heures pour un pontage aorto-coronarien ou une chirurgie cardiaque, quatre heures pour une craniotomie, une prostatectomie ou une chirurgie pancréatique, trois heures pour une chirurgie thoracique, vasculaire ou une prothèse articulaire, deux heures pour une cholécystectomie, une fracture ouverte ou une hystérectomie vaginale et une heure pour une césarienne, une amputation ou une appendicectomie (voir classification des index de risque NNIS, p. VII) ; la qualité et la pertinence de l'antibioprophylaxie ; l'organisation du bloc opératoire (circuits, procédures) ; les équipements de prévention (ventilation, qualité de l'air soufflé, tenues vestimentaires) et l'entretien du bloc opératoire.

En pratique, la prévention des Iso commence donc dès la prise en charge préopératoire des patients. Elle impose la mise en oeuvre d'un train de mesures pré et peropératoires impliquant dans la même démarche qualité les personnels soignants des services d'hospitalisation et les personnels des blocs opératoires.

MESURES PRÉVENTIVES EN PÉRIODE PRÉOPÉRATOIRE

Ces mesures spécifiques, rappelées dans les 100 recommandations pour la surveillance et la prévention des infections nosocomiales, reposent sur certains principes fondamentaux.

Durée limitée. Il s'agit de limiter la durée de séjour hospitalier préopératoire en réalisant en ambulatoire les explorations qui peuvent l'être.

Infection. Reporter l'intervention si le patient présente une infection cutanée (sauf si elle motive la chirurgie) et traiter cette infection avant l'intervention. Se pose aussi le problème de la décontamination nasale chez les patients colonisés par S. aureus résistant à la méticilline et la décontamination par la mupirocine. Cette question est débattue et fait l'objet d'études cliniques.

Préparation cutanée. Assurer une bonne préparation cutanée du patient, réalisée sous le contrôle de l'infirmière et enregistrée dans le dossier du patient à l'aide d'un protocole écrit et validé par le Clin. Elle comprend la réalisation de douches antiseptiques et la dépilation.

Douches antiseptiques. Deux douches doivent précéder l'intervention. Elles concernent la totalité du corps, cheveux compris, et doivent être pratiquées la veille et le jour de l'intervention avec un savon antiseptique de la même gamme que le produit utilisé au bloc opératoire. Cette précision est importante, car il peut y avoir des réactions antagonistes entre les produits antiseptiques à base d'iode (Betadine®) et ceux à base de chlorhexidine (Hibiscrub®), principaux antiseptiques utilisés en chirurgie actuellement.

Dépilation. Lorsque la dépilation de la zone opératoire et environnante est nécessaire, elle doit suivre un protocole précis en préférant la tondeuse, voire la dépilation chimique. Dans ce cas, il est nécessaire de prévoir un test de sensibilité en consultation de chirurgie. Le rasoir est proscrit. « Il occasionne des micro-plaies et des saignements qui constituent des points d'entrée pour les germes et présentent un risque de pullulation microbienne redoutée par les chirurgiens, explique le Dr Kitzis. La tondeuse ne présente pas cet inconvénient, car elle ne coupe pas totalement le poil et ne risque pas de léser la peau. Actuellement, le rasage n'est plus admis qu'en urgence. Dans ce cas, il doit être limité à la zone de l'incision opératoire et être réalisé le plus près possible de l'intervention (juste avant l'entrée du patient au bloc) en utilisant le savon antiseptique employé en salle d'opération. » Ces mesures valent aussi en chirurgie ambulatoire. Elles doivent être associées à une information des patients lors de la consultation préopératoire. Des études ont confirmé le bien-fondé de l'utilisation d'antiseptiques à base d'iode ou de chlorhexidine et l'utilité de la dépilation par tonte ou crème épilatoire. Elles ont démontré une diminution de la colonisation cutanée par des bactéries et une diminution de l'incidence des Iso.

MESURES PRÉVENTIVES EN PÉRIODE PEROPÉRATOIRE

Préparation des personnels de bloc. Le lavage chirurgical des mains et les procédures d'habillage doivent être codifiés et écrits. « Les opérateurs (chirurgiens, infirmières instrumentistes, assistants) peuvent opter soit pour un lavage/brossage traditionnel des mains avec un savon antiseptique durant six minutes, soit pour un nettoyage simple suivi de deux désinfections successives », commente Brigitte Cottard-Boulle, cadre supérieur de santé expert au sein de l'équipe opérationnelle d'hygiène (EOH) de l'hôpital Ambroise-Paré. Le port d'une double paire de gants chirurgicaux est recommandé en prévention du risque d'AES. « Ces gants doivent être systématiquement changés en cas d'effraction, après chaque temps septique et avant chaque temps très aseptique (pose de prothèse par exemple), poursuit B. Cottard-Boulle. Le visage des opérateurs doit être largement protégé par un masque et des lunettes ou par un masque avec visière en fonction des risques de projection. » Les matériaux constitutifs des champs opératoires, des tenues, des gants et des masques des opérateurs doivent être stériles et répondre à des normes garantissant leur qualité. Cette préparation rigoureuse terminée, la plus grande application doit être apportée à la réalisation des gestes afin d'éviter les fautes d'asepsie. Celles-ci doivent être notées sur la feuille de suivi d'intervention souvent appelée « feuille d'écologie », et le matériel et/ou les vêtements en cause, changés.

Préparation du site opératoire. Au bloc, le nettoyage et l'antisepsie de la zone opératoire sont réalisés avec des produits identiques à ceux utilisés pour la préparation corporelle du patient dans le service (polyvidone iodée ou chlorhexidine alcoolique). Il faut respecter le temps d'action après chaque application de l'antiseptique pour optimiser l'efficacité du produit.

Antibioprophylaxie. Diminuer le risque d'Iso passe par l'antibioprophylaxie, mise au point au Massachusetts General Hospital il y a une quarantaine d'années. Depuis, ses modalités pratiques ont été précisées, et des recommandations publiées et actualisées en 1999 par l'Andem(7).

Principe. Elle a pour but de prévenir ou réduire en fréquence et en gravité un risque d'infection relevant d'une bactérie ou d'un groupe de bactéries défini en inhibant la croissance de ces bactéries dès leur pénétration dans l'organisme grâce à une antibiothérapie ciblée administrée avant la contamination.

Chirurgie concernée. Elle est indiquée en chirurgie propre (classe I) et en chirurgie propre contaminée lorsque le risque infectieux est élevé (classe II), car il s'agit d'interventions pour lesquelles la survenue d'une infection aurait des conséquences graves mettant en jeu le résultat fonctionnel de la chirurgie ou le pronostic vital. Les interventions classes III et IV ne relèvent pas de l'antibioprophylaxie, mais d'une antibiothérapie curative déjà en place lors de l'intervention.

Mise en oeuvre. Elle est réalisée sous l'égide du Comité de lutte contre les infections nosocomiales (Clin) qui définit les protocoles d'antibioprophylaxie et en évalue l'observance ainsi que l'impact. Pour chaque cas, le protocole doit préciser la molécule retenue et son alternative en cas d'allergie. Les malades à risque infectieux élevé font l'objet d'une antibiothérapie personnalisée. Les protocoles sélectionnés doivent être écrits, validés, classés et à disposition des personnels.

Quand ? L'antibioprophylaxie doit être administrée au moment de l'induction anesthésique. Elle permet ainsi d'obtenir des concentrations tissulaires d'antibiotiques suffisantes au niveau de l'incision dès le début de l'acte.

Voie d'administration. La voie intraveineuse est la voie optimale pour des taux d'antibiotiques fiables. L'utilisation par voie orale n'est pas recommandée à l'exception de la chirurgie colorectale associée à un risque d'endocardite.

Doses. La dose initiale de charge correspond à deux doses thérapeutiques. La tolérance des antibiotiques utilisés dans ces conditions (durée brève) est bonne. Si l'intervention est longue, il faut réinjecter une dose thérapeutique toutes les deux demi-vies de la molécule.

Durée. « Il n'y a pas lieu de débuter ou de poursuivre une antibioprophylaxie en dehors de la période peropératoire, sauf indication précise justifiant sa poursuite jusqu'à vingt-quatre heures et jamais plus de quarante-huit heures, indique le Pr Christian Rabaud (CHU de Nancy)(8). Il n'est pas justifié, y compris lorsque les drains ou cathéters restent en place, de prolonger l'antibioprophylaxie ou de pratiquer des réinjections lors de leur ablation. »

Choix de l'antibiotique. L'antibiotique sélectionné doit être actif sur les bactéries les plus fréquemment responsables d'infections du site opératoire. Il est préférable de choisir des antibiotiques non utilisés en curatif dans le même service et d'éviter ceux qui favorisent rapidement l'émergence de résistances bactériennes. Les antibiotiques utilisés doivent avoir fait la preuve de leur efficacité dans des études publiées et faire l'objet d'un consensus au niveau de l'établissement. « En théorie, commente le Dr Kitzis, tous les antibiotiques pourraient être utilisés à visée prophylactique, mais certains sont privilégiés (céphalosporines de 1re ou de 2e génération notamment), car ils répondent exactement à l'objectif préventif recherché. Par ailleurs, sauf indications très particulières, on évite aussi d'utiliser en prophylaxie les antibiotiques très efficaces en curatif (quinolones, céphalosporines de 3e génération, aminosides) pour les réserver à cet usage. »

Entretien du matériel et des locaux. La propreté du bloc doit être garantie par l'application stricte des protocoles d'entretien du matériel (stérilisation ou désinfection de niveau adapté au risque) et des locaux (avant le début du programme opératoire, entre les interventions, en fin de programme opératoire et périodiquement). De même, les circuits établis pour les déplacements de personnels, l'acheminement du matériel propre et sale et l'évacuation des déchets de soins doivent être scrupuleusement respectés. Les présences inutiles, les déplacements inopportuns, les portes ouvertes et les bavardages superflus doivent être évités. Le bon fonctionnement des installations de traitement de l'air (climatisation, filtres à air, flux en pression positive, flux laminaires d'orthopédie) doit être régulièrement contrôlé, et la qualité de l'air (en situation de travail et au repos) et de l'eau doit être périodiquement vérifiée.

« L'entretien et l'organisation du bloc opératoire participent à la prévention des Iso et ne doivent pas être négligés, insiste le Dr Kitzis. Gagner du temps sur les contrôles ou sur le nettoyage du bloc parce que l'on est en retard sur le programme opératoire n'est pas un bon calcul. Pour le patient auquel on fait courir un risque d'infection, pour les soignants qui vont passer du temps à gérer l'infection et pour l'établissement dont les coûts et la DMS vont être majorés. Il est donc indispensable que tout ce qui se rapporte à l'organisation et la maintenance de l'environnement du bloc opératoire fasse l'objet de bonnes pratiques évaluées et formalisées par écrit. »

DÉMARCHE QUALITÉ

Dans chaque hôpital, ces pratiques doivent être consignées dans une charte de fonctionnement qui définit pour chaque spécialité chirurgicale les missions du bloc, l'application des vigilances environnementales, l'organisation humaine et technique et les interfaces avec le reste de l'hôpital. À l'hôpital Ambroise-Paré, cette charte a été consignée et est mise en oeuvre par l'EOH en collaboration avec les différents services. Cette structure chargée d'appliquer la politique définie par le Clin joue un rôle d'assistance, de coordination et de vérification des données essentiel pour la surveillance des Iso dans les différents services de chirurgie. « Les premières années, explique B. Cottard-Boulle, les protocoles d'enquête d'incidence proposés dans le cadre du réseau de surveillance incluaient l'ensemble des interventions réalisées par une même discipline pendant deux mois. Désormais, un seul type d'intervention, représentatif de l'activité chirurgicale (intervention cible), est surveillé pendant au moins un semestre, voire toute l'année comme le permet l'étude Inciso du C-Clin Paris-Nord. » Cette surveillance, avec l'accord préalable et le soutien du chef de service, permet de réaliser un travail plus approfondi sur les pratiques, d'impliquer les personnels des services à la réflexion et d'inscrire cette recherche d'amélioration dans une démarche qualité à long terme. Autant dire que la prévention des infections du site opératoire doit devenir un réflexe omniprésent. Si les soignants se lassent parfois d'en entendre parler, le sujet mérite l'intérêt médiatique qu'il suscite. Selon un récent article publié dans Le Point(9), il semblerait que malgré les recommandations et les réglementations « un hôpital sur cinq ne surveille pas les risques infectieux en chirurgie ». Et ses auteurs d'ajouter qu'« il y a aujourd'hui en France les établissements qui suivent les infections chez les opérés en respectant une méthodologie standardisée nationale [...] et ceux [ils seraient 107 selon l'hebdomadaire] qui bricolent dans leur coin une surveillance éphémère des infections postopératoires ou qui carrément ne les mesurent même pas ». Il y a donc du chemin à parcourir et de l'information à diffuser pour uniformiser les pratiques en matière de prévention des infections opératoires. Par leur rôle d'éducateurs en santé et leur mobilité, les soignants constituent des ambassadeurs de choix pour promouvoir et animer la lutte contre ces infections. Toutefois, il faut espérer que les pouvoirs publics feront usage des leviers incitatifs forts (accréditation, T2A) dont ils disposent pour rappeler aux établissements récalcitrants qu'ils doivent s'inscrire dans la dynamique de prévention des infections du site opératoire afin que tous les patients opérés soient égaux face à la prévention du risque d'infection nosocomiale opératoire.

1- Il est difficile d'établir la part respective des germes endogènes et exogènes dans la survenue des Iso, car les mêmes germes peuvent être amenés par le patient ou l'équipe chirurgicale. En outre, qu'elle soit d'origine endogène ou exogène, l'infection nosocomiale relève de la même démarche préventive.

2- Source : Guide de définition des infections nosocomiales, C-Clin Paris-Nord, 1995.

3- Surveillance de l'incidence des infections du site opératoire : analyse et tendances dans le réseau Inciso entre 1998 et 2000, BEH n° 25, 2001.

4- Cent recommandations pour la surveillance et la prévention des infections nosocomiales, Comité technique national des infections nosocomiales, 2e édition, Paris, ministère de l'Emploi et de la Solidarité, 1999.

5- CDC définitions of nosocomial surgical site infections, 1992 : Am. J. Infect., 1992, 20, 271-274.

6- Morbidité et mortalité associées aux infections chirurgicales : résultats de la surveillance Inciso 1997-1999, Astagneau P., Rioux C., Golliot F., Brucker G., J. Hosp. Infect., 2001, 48, 267-274.

7- Recommandations pour la pratique de l'antibioprophylaxie en chirurgie, actualisation 1999 des recommandations issues de la conférence de consensus de 1992, Agence nationale pour le développement de l'évaluation médicale.

8- « Infection du site opératoire et antibioprophylaxie chirurgicale » : http://www.infectiologie.com/public/enseignement/dia-desc.

9- « La liste noire des hôpitaux », Vincent Gaullier, Philippe Houdart, François Malye et Jérôme Vincent, Le Point n° 1700, 114 avril 2005.

Coût des infections

La survenue d'une infection du site opératoire prolonge en moyenne de dix jours la durée d'hospitalisation. Les Iso représentent 60 % des journées supplémentaires d'hospitalisation dues aux infections nosocomiales et 40 % du coût induit par ces infections. Par exemple, le coût d'une infection sur prothèse de hanche multiplie par 3 à 4 le coût de la prothèse. Sur l'ensemble des prothèses nécessitant une reprise, soit 10 % de l'ensemble des prothèses posées par an, 90 % sont reprises pour descellement et 10 % pour infection.

Source : Pr Christian Rabaud, « Infection du site opératoire et antibioprophylaxie chirurgicale » (http://www.infectiologie.com/ public/enseignement/ dia-desc).

Les infections à distance

Il s'agit essentiellement des infections urinaires et respiratoires, des septicémies et des infections sur cathéters. Elles ont les mêmes caractéristiques que les infections survenant chez des malades non opérés. Leur taux est directement corrélé à l'état général du patient et à la gravité de l'intervention, justifiant de tenir compte des index de risque infectieux utilisés pour les infections du site opératoire (index NNIS). Elles ne sont pas influencées par l'antibioprophylaxie et doivent être prévenues selon les modalités (respect strict des protocoles d'hygiène et d'asepsie) qui président à la prévention des infections nosocomiales en l'absence d'intervention. Elles sont comptabilisées dans les infections postopératoires quand elles surviennent dans les trente jours qui suivent l'opération ou dans l'année suivante en cas de mise en place d'un implant ou d'une prothèse. Excellent indicateur de la qualité des soins postopératoires en service d'hospitalisation, elles sont, comme les Iso, largement influencées par la surveillance épidémiologique.

Classification ASA

> ASA 1 : patient n'ayant pas d'affection autre que celle nécessitant l'acte chirurgical.

> ASA 2 : patient ayant une perturbation modérée d'une grande fonction.

> ASA 3 : patient ayant une perturbation grave d'une grande fonction.

> ASA 4 : patient ayant un risque vital imminent.

> ASA 5 : patient moribond.

L'index de risque NNIS (National Nosocomial Infections Survey System)

Cet index de risque a montré sa pertinence dans la plupart des spécialités chirurgicales. Plus il est élevé, plus le risque infectieux est important. C'est le plus utilisé depuis 1990. Il associe trois variables : la classe de contamination d'Altemeier, l'état du patient par le score ASA et la durée de l'intervention.

Le calcul du score NNIS s'établit de la manière suivante :

- classe ASA 3, 4 ou 5 = 1 point ;

- classe d'Altemeier 3 ou 4 = 1 point ;

- durée d'intervention supérieure au temps de référence = 1 point.

Dans l'enquête des CDC, le risque infectieux évalué sur 84 691 patients en fonction du score NNIS donne les résultats suivants :

- si score NNIS = 0 => risque infectieux = 1,5 %

- si score NNIS = 1 => risque infectieux = 2,6 %

- si score NNIS = 2 => risque infectieux = 6,8 %

- si score NNIS = 3 => risque infectieux = 13 %

Source : « Infections du site opératoire : épidémiologie et facteurs de risque », M. Kitzis, I. Javerillat, M. Coggia, O. Goeau-Brissonnière, Entretiens de Bichat, 14/9/2004.