Des outils efficaces - L'Infirmière Magazine n° 208 du 01/09/2005 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 208 du 01/09/2005

 

Douleurs du nouveau-né

Thérapeutiques

Longtemps négligées, les douleurs du nouveau-né sont désormais prises en charge. Aujourd'hui, les infirmières disposent d'outils d'évaluation pour mesurer leur intensité afin d'adapter le traitement.

Il n'est pas si loin le temps où l'on pensait que les nouveau-nés ne ressentaient pas la douleur. Il aura en effet fallu attendre 1987 et la publication des travaux du Pr Anand pour que cette réalité, vieille comme le monde, s'impose enfin à tous, et notamment aux soignants. Depuis, qu'ils soient pharmacologiques ou non pharmacologiques, divers protocoles de prise en charge thérapeutiques se sont développés pour traiter la douleur du nourrisson. Hors les prématurés, qui réclament des traitements spécifiques, les nourrissons nés à terme peuvent être, eux aussi, sujets à des douleurs, soit à la suite d'une naissance difficile, soit à la suite d'un soin. Aujourd'hui, on soulage les premières et l'on prévient les secondes.

Stratégies restreintes

Ventouse, forceps, fracture de la clavicule, de l'humérus, du fémur... Venir au monde n'est pas toujours une sinécure. Qu'ils engendrent des maux de tête ou des douleurs post-traumatiques, ces états appellent, comme chez l'adulte, la mise en oeuvre d'un traitement pharmacologique à base de paracétamol comme l'Efferalgan® et le Doliprane®, administrés en suspension buvable. Pour des douleurs plus aiguës, on a recours au Nubain® ou à de la morphine. À ce stade, les enfants sont généralement suivis dans une unité spécialisée. Comme en convient Véronique Biran-Mucignat, pédiatre au sein du service de néonatalogie de l'hôpital des enfants Armand-Trousseau, « le choix n'est pas très vaste ». Et d'expliquer : « Aujourd'hui, l'industrie pharmaceutique s'intéresse peu à la néonatalogie. Pour des raisons à la fois légales et éthiques, il est, en effet, très difficile de conduire des études pharmacocinétiques chez les nouveau-nés. »

Saccharose

Dans la plupart des cas , il s'agit surtout de prévenir la douleur. Même bien portants, les nouveau-nés subissent divers prélèvements ou injections, parfois de manière répétée, dans les tout premiers jours et premières semaines de la vie. Là, les traitements non pharmacologiques sont privilégiés. Des solutions sucrées-concentrées, tels le glucose et le saccharose, voire du Canadou, sont alors utilisées pour leurs propriétés analgésiques. L'absorption de sucre, au minimum deux minutes avant l'intervention, provoque la libération d'une endorphine, substance opioïde endogène, qui va naturellement réduire la douleur. Généralement, la dilution est de 30 % pour le glucose et de 24 % pour le saccharose, l'effet étant assuré lorsque la concentration des préparations est supérieure à 12 %. Pour renforcer l'efficacité de cette méthode, on l'associe à la succion d'une tétine non nutritive. À cette pratique peut être également adjoint un anesthésique local comme la crème Emla®. Cette dernière devant être appliquée une heure avant la ponction ou l'injection. « La prise en charge de la douleur ne s'improvise pas. Elle doit être le fruit d'une réflexion d'équipe et faire partie du projet de service », rappelle le Dr Biran-Mucignat.

Déni de la douleur

Mais pour bien traiter, il faut d'abord bien évaluer. Pour cela, les infirmières disposent de deux échelles comportementales : l'Edin (Évaluation de la douleur et de l'inconfort du nouveau-né) destinée aux douleurs chroniques et la Dan (Douleurs aiguës du nouveau-né) pour mesurer celles dues à un geste douloureux. Cotées de 0 à 15, ces échelles fondées sur des observations objectives recommandent un traitement au-delà de 5. Mais, malgré ces dispositifs, la prise en charge de la douleur du nouveau-né demeure très inégale d'un établissement à un autre ou d'un service à un autre ! Entre le déni, la morphinophobie, les fausses croyances et les faux prétextes, nombre de soignants rechignent encore à calmer la douleur des plus petits, alors même que la loi leur en fait obligation. « Dans ce cas-là, il faut mener une étude. Généralement, ça peut clouer le bec aux plus récalcitrants. Moyennant quoi, conclut la pédiatre, on sera toujours en butte à des dinosaures qui pensent que ça ne sert à rien. » Heureusement, grâce à la science, on sait que les dinosaures ont disparu, faute de n'avoir pu s'adapter à l'évolution de leur environnement.