Intimité et dignité - L'Infirmière Magazine n° 208 du 01/09/2005 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 208 du 01/09/2005

 

Relationnel

Éthique

Fondement de l'éthique du soin, le respect de l'intimité et de la dignité du patient ne va pourtant pas de soi. Pour Isabelle Debevec, cadre-formateur à l'Ifsi de Corbeil-Essonnes (91), cette reconnaissance de l'autre s'acquiert au même titre que la technique.

«Penser que le respect de l'intimité et de la dignité de la personne est une valeur innée chez ceux qui ont fait le choix de devenir soignant est une erreur», constate Isabelle Debevec. «Certes, ajoute-t-elle, nombre de soignants porte naturellement cette dimension en eux. Pour autant, je pense qu'il doit aussi faire l'objet d'un réel apprentissage. Le savoir-faire est la somme du savoir et du savoir-être.» Dans ce contexte, le professionnalisme du soignant se juge tout autant à l'aune de sa maîtrise technique qu'à sa qualité d'écoute et d'empathie envers l'autre.

Relation duale

Plus qu'ailleurs, l'hôpital devrait être le lieu où le respect de l'intimité et de la dignité de la personne prend tout son sens. Pourtant, force est de constater que ce n'est pas toujours le cas. Or, la prise en compte de la dimension affective fait partie intégrante, et de manière transversale, de l'enseignement initial. Pourquoi donc cet aspect du métier est-il si souvent refoulé ? Qu'elles soient d'ordre sociétal, organisationnel et personnel, les raisons semblent aujourd'hui multifactorielles. «Se questionner sur sa pratique n'est jamais une perte de temps. La qualité et l'intensité relationnelles sont aussi importantes que le soin technique lui-même. C'est un tout dans lequel l'action ne doit jamais envahir la réflexion», insiste Isabelle Debevec. Finalité de cette écoute du patient ? L'enrichissement de la dimension pluridisciplinaire qui conduit à pouvoir répondre au mieux à la demande du patient, quand bien même cette demande n'est pas formulée de façon explicite. Mais pour que les compétences du soignant puissent être restituées aux soignés, l'accompagnement et la formation au quotidien apparaissent primordiaux.

Former et informer

«Aujourd'hui, les protocoles balisent un certain nombre d'actes. Mais si le soignant ne se les approprie pas, il risque de déshumaniser la relation qui doit s'établir entre lui et patient. Les protocoles sont là pour aider "à mieux faire" ; en aucun cas pour se substituer au jugement et à l'autonomie du professionnel, qui doit adapter son intervention selon le contexte et les spécificités des personnes qu'il va prendre en charge, poursuit la formatrice. Rôle crucial dans la formation du soignant, celui du cadre de proximité. C'est à lui qu'est dévolu le rôle de formation et d'information continues de son équipe et de mise en oeuvre du projet de soins de son service. Reste que le cadre, tout comme l'éthique, a besoin de temps...

TÉMOIN

Christine Durandeau, infirmière clinicienne. Dialoguer pour avancer

«Le pire ennemi de l'éthique, c'est le temps. Elle ne s'accommode pas du "dépêche-toi !", mais va de pair avec la disponibilité, souligne Christine Durandeau, infirmière clinicienne au sein d'une équipe mobile de soins palliatifs. Or, poursuit-elle, respecter un patient passe par l'écoute et l'observation attentives : entendre, voir et percevoir. C'est le patient lui-même qui guide le soignant dans sa pratique ; l'intimité et la dignité ne recouvrant pas les mêmes notions d'une personne à l'autre. Aujourd'hui, sous l'impulsion du législateur, l'hôpital fait une place importante à la réflexion éthique, mais paradoxalement, j'ai le sentiment que des valeurs essentielles se perdent au seul profit "du paraître". Pour ma part, je pense que chaque soignant doit se sentir responsable, professionnellement et moralement, des agissements de collègues qui dérivent. En tant qu'intervenante transversale, je suis amenée à voir des choses qui me dépassent, et je ne peux, ni ne veux rester complice de ces conduites. Dès lors, je pense qu'il est nécessaire de dialoguer avec les acteurs de soin mis en cause. Il ne s'agit pas de dénoncer pour dénoncer, mais de faire avancer la réflexion afin que les pratiques évoluent.»