Le devoir d'obéissance - L'Infirmière Magazine n° 208 du 01/09/2005 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 208 du 01/09/2005

 

Secteur public

Juridique

Si l'obligation d'obéissance s'impose à tout agent public, le juge administratif a institué au profit des fonctionnaires et agents publics un véritable devoir de désobéir dans certaines conditions.

Organisées autour du principe d'obéissance hiérarchique, les relations de l'infirmière, agent public, avec ses supérieurs, notamment le cadre infirmier, supposent que la première obéisse aux ordres du second, et se conforme aux exigences de la hiérarchie. L'infirmière est ainsi amenée à rendre des comptes à son cadre, par la tenue du dossier de soins ou des transmissions.

Sanctions disciplinaires

Le refus d'obéir à un ordre justifie le prononcé d'une sanction disciplinaire. Attention, le pouvoir de sanctionner incombe au directeur de l'établissement, à l'exclusion du personnel médical ou du personnel infirmier d'encadrement. Ainsi, l'infirmière en position d'astreinte, qui refuserait de rejoindre son poste sur ordre de la surveillante commet une faute. En dehors du cas de l'astreinte, ou plus exceptionnellement de la réquisition, il n'est pas théoriquement possible de rappeler un membre du personnel à son domicile, qu'il soit en congé, en repos ou en RTT. L'obliger à rester chez lui et à revenir sur un simple appel téléphonique n'est possible qu'en échange du paiement d'une indemnité par son employeur, et le refus de l'agent de regagner son poste ne saurait être considéré comme fautif et sanctionné au titre d'un refus d'obéissance.

Rappelons ici brièvement quelques règles relatives à la procédure de sanctions disciplinaires. La saisine du conseil de discipline est obligatoire pour les sanctions du deuxième, troisième et quatrième groupe, contrairement à l'avertissement et au blâme, sanctions du premier groupe. Le conseil de discipline, composé de membres de la commission administrative paritaire, rend un rapport circonstancié sur le comportement de l'agent et propose ou non une sanction. Néanmoins, le directeur, lequel lui seul rend la sanction, n'est pas tenu de suivre l'avis du conseil de discipline. À titre conservatoire et non de sanction, une suspension temporaire peut être prononcée. Ce sera le cas par exemple, lorsque l'attitude dangereuse, ou néfaste pour le service, de l'agent, commande son éloignement du service ou lorsque l'acte fautif qu'il a accompli l'empêche d'assurer normalement ses fonctions.

Ordre manifestement illégal

Le juge administratif a institué au profit des fonctionnaires et agents publics le devoir de désobéir à un ordre manifestement illégal. Il est bien évident qu'on ne saurait retenir une quelconque faute à l'encontre de celui qui aurait refusé d'accomplir un acte illégal. Ce refus (non fautif) et ses motivations devront être consignés dans le dossier de soins infirmiers. Reste que l'infirmière doit être sûre, au préalable, du caractère illégal du geste prescrit. L'exemple caractéristique en matière de geste illégal est celui de l'euthanasie.

Dans le même sens, si l'acte prescrit ou ordonné n'est pas un acte infirmier - s'il s'agit par exemple d'un acte médical ou d'un acte de kinésithérapie -, l'infirmière qui, sauf cas d'urgence, refusera d'accomplir un tel geste, ne commettra aucune faute. Elle devra toutefois s'assurer de la continuité des soins en vérifiant que quelqu'un d'autre appliquera la prescription. Signalons qu'il est toujours utile de consigner ce refus par écrit dans le dossier de soins infirmiers.

Situation d'urgence

La situation est tout autre en cas d'urgence. En effet, et dans ce cas seulement, l'infirmière sera tenue de dispenser les actes d'urgence et de sauvegarde qu'elle connaît, même si ces actes n'entrent pas dans sa spécialité ou sont sans rapport avec ses attributions. Ne pas agir face à une situation d'urgence, l'exposerait à des sanctions pénales pour non-assistance à personne en péril. C'est sur la base du délit de non-assistance (après celui d'atteintes involontaires à l'intégrité corporelle) que les procès en responsabilité sont les plus fréquents.

Et même si l'assistance fournie par l'infirmière se relève inefficace ou inadéquate, sa responsabilité ne saurait être engagée, sauf faute particulièrement grave. Ainsi, l'article 99 du titre IV de la Fonction publique hospitalière dispose : en cas d'empêchement du fonctionnaire chargé d'un travail et en cas d'extrême urgence, aucun autre fonctionnaire ayant reçu l'ordre d'exécuter ce travail ne peut s'y soustraire pour le motif que celui-ci n'entre pas dans sa spécialité ou n'est pas en rapport avec ses attributions ou son grade.

L'infirmière, quel que soit son mode d'exercice (secteur libéral, privé ou public), reste pénalement et personnellement responsable de toute infraction à la loi. L'obligation légale de porter secours à personne en péril implique la mise en oeuvre inconditionnelle de moyens rapides et adéquats d'assistance, quel que soit le résultat obtenu, ou l'adoption immédiate de mesures susceptibles de déclencher un secours, dès lors que cela n'entraîne aucun risque réel pour l'infirmière ou pour des tiers.

CE QU'IL FAUT RETENIR

L'obligation d'obéissance s'impose à tout agent public. Ne pas y satisfaire justifie le prononcé de sanctions disciplinaires. Sauf dans le cas d'un ordre manifestement illégal ou, en dehors des situations d'urgence, d'un acte sans rapport avec les attributions et les compétences de l'infirmière.

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