Les bonnes fées de la PMA - L'Infirmière Magazine n° 208 du 01/09/2005 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 208 du 01/09/2005

 

gynécologie

Dossier

Les services de PMA (procréation médicalement assistée) accueillent de nombreuses infirmières qui doivent faire preuve de tact, de psychologie, tout en manifestant de solides connaissances techniques.

« Ce qui est difficile, résume Catherine Schiavi, c'est l'échec. Parfois au terme d'un long parcours semé de tentatives pleines d'espoir, devant les échecs répétés, les non-réponses aux traitements, un âge trop élevé, nous sommes contraints d'interrompre la prise en charge, de signifier à cette femme, à ce couple, qu'il n'aura pas d'enfant. C'est très douloureux pour nous aussi. » IDE depuis cinq ans dans le service PMA de l'hôpital Édouard-Herriot, Catherine Schiavi témoigne ici de la difficulté commune à tous les soignants en PMA, services où viennent consulter des couples en désir d'enfant. Les détails de la prise en charge varient d'un couple à l'autre, mais le circuit se montre souvent identique : une consultation médicale puis une batterie d'examens : certains classiques (courbe de température, dosages hormonaux, spermogramme, hystéroscopie), d'autres plus complexes, une fois les premiers résultats obtenus (test de Hühner, hystérosalpingographie, coelioscopie, biopsie de l'endomètre, spermoculture, gradient de percoll...). Un premier diagnostic peut alors être posé, des traitements initiés, souvent une stimulation hormonale, avant une Fiv ou une insémination. La stimulation ovarienne nécessite un monitorage précis, associant dosages hormonaux (oestradiol, LH et progestérone) et échographies, pour diriger la croissance des follicules, décider du déclenchement par HCG, et diminuer les risques d'hyperstimulation.

Implication

Un an, deux ans, souvent plus encore... Le parcours de ces patients est de longue durée, entre la première consultation et la grossesse rêvée. Cet accompagnement requiert une forte implication des soignants : « Cette relation thérapeutique au long cours me plaît, commente Irène Nectoux, sage-femme en PMA à l'hôpital des Bluets à Paris. Je comprends cette attente des couples, je trouve que ça vaut le coup de se battre avec eux. Je suis assez partante sur un projet qui va durer longtemps et demande de la ténacité et de la patience. J'ai travaillé longtemps en salle de naissance. Et si les accouchements paraissent souvent très longs aux femmes, ils ne durent pourtant que quelques heures. Un temps bref, mais fort. Le rapport devient intime rapidement, mais on ne voit plus les gens ensuite. Cette expérience m'enthousiasmait plus jeune, maintenant je me satisfais davantage d'une relation qui se bâtit progressivement. La confiance et l'échange ne se donnent pas immédiatement, mais s'apprivoisent au fil du temps. » Sa mission est très diversifiée, puisqu'elle reçoit les couples en entretien, ainsi que systématiquement toutes les patientes destinées à bénéficier d'une Fiv, le jour de leur anesthésie. Irène Nectoux effectue également les échographies de monitorats (grâce à l'obtention d'un DU d'échographie), les inséminations, les consultations des femmes enceintes jusqu'à quatre mois et demi, l'équipe réalisant la ponction... Un travail de liaison avec les médecins du service, les secrétaires, les anesthésistes et la maternité.

Hétérogénéité

Irène Nectoux réalise également un travail de réseau avec l'extérieur. C'est le cas de tous les services pratiquant la procréation médicalement assistée (PMA), quelle que soit l'organisation. En effet, une partie des patientes est suivie par les médecins du service et une autre par des correspondants du réseau, qui posent l'indication de PMA, déterminent le traitement, le monitorent (font les échographies ou font faire les échographies à l'extérieur et surveillent les résultats de labo, lesquels se font en interne ou en externe) et enfin décident du jour de la Fiv, qui est faite dans le centre. Pour la réaliser, il faut à la fois une unité clinique agréée, une unité biologique agréée et un médecin prescripteur. Aux Bluets, on réalise environ 600 ponctions par an, un chiffre assez élevé. L'organisation autour d'une sage-femme est propre à cet hôpital. En outre, on s'aperçoit que le travail des soignants, et la tâche des infirmières en particulier, diffère fortement d'un service à l'autre. Dans certaines équipes, infirmières et secrétaires participent au staff hebdomadaire, reçoivent les couples et les patientes en entretien, les conseillent, les accompagnent au bloc, et assistent le gynécologue lors des ponctions... Ailleurs, la responsabilité et l'autonomie de l'infirmière sont moins sollicitées, les différentes étapes davantage fractionnées et la prise en charge de la patiente moins « globale ».

Entretien infirmier

Ainsi, à Édouard-Herriot, à Lyon, le service PMA se compose de deux sages-femmes et deux infirmières. Le travail est donc réparti en fonction des compétences, les infirmières s'occupant tantôt des femmes hospitalisées pour des ponctions, tantôt de tâches plus administratives : « Nous piquons les patientes, ou les patients suivis par l'andrologue, détaillons les ordonnances, leur donnons quelques conseils... La journée est assez dense, pleine d'émotions, et de tensions. Nous sommes très sollicitées au téléphone, également, et selon les questions posées, nous nous partageons les appels. » Aux Diaconesses, le « centre de fertilité » s'organise avec, outre les médecins, trois infirmières, une aide-soignante et une secrétaire. Elles assurent des missions variées, et rencontrent obligatoirement les couples une première fois, lors d'un entretien infirmier. Au cours de ce rendez-vous, l'infirmière détaille les étapes de prise en charge : « Nous leur expliquons comment se déroule la Fiv, observe Zeïna Tabet, infirmière dans le service, comment on contrôle l'efficacité du traitement. Nous les incitons, pour les piqûres quotidiennes qu'elles auront à subir une dizaine de jours dans le cycle, à pratiquer l'auto-injection. Certaines, par peur, se montrent réticentes, mais la plupart acceptent et c'est nous qui les formons. Nous dispensons finalement peu de soins infirmiers et le rôle relationnel domine. »

Expliquer

Le relais informatif doit être conséquent, les parcours en PMA s'avérant au départ assez complexes : « Parfois, je reprends des explications techniques, fournies par le médecin, mais mal comprises, souligne Irène Nectoux. Pour certaines patientes, j'assiste à la consultation, afin d'être le témoin de ce qu'elles ont entendu, et pouvoir le leur redire... Avec certaines personnes, il faut prendre beaucoup de temps. Parfois les médecins m'adressent une patiente en m'avertissant : "Je ne comprends pas, elle ne fait rien comme il faut, elle n'a pas fait sa piqûre, s'est trompée de jour, dit qu'elle n'avait pas eu son ordonnance..." » Depuis trente ans, le docteur Michèle Lachowsky mène des consultations en psychosomatique à l'hôpital Bichat de Paris. Elle reçoit des couples suivis en PMA, qui ressentent le besoin de parler. Une consultation très prisée, puisque Michèle Lachowsky n'est pas psychologue mais gynécologue, une approche différente qui séduit : « Je suis gynécologue et pas analyste, cela me confère plus de liberté. Je peux reprendre des résultats biologiques, relayer des explications, interpréter des résultats : en revanche, quand les femmes arrivent avec une liasse de résultats, je les invite à parler, leur expliquant que si besoin, je me servirai de leurs examens pour vérifier ou comprendre. »

Tact

La prise en charge, une étape à laquelle participe l'infirmière, comporte une large part médicale et technique : « À tour de rôle, indique Samira Dame, IDE aux Diaconesses, nous accompagnons au bloc opératoire les patientes subissant une ponction. Un repère pour elles, qui ne connaissent pas l'équipe. Nous les installons et restons près d'elles jusqu'à l'anesthésie générale et assistons le gynécologue, pendant la ponction qui dure dix à quinze minutes. À son retour de salle de réveil, la patiente est accueillie dans le service par l'une d'entre nous. Nous lui communiquons ensuite ses résultats, c'est-à- dire le nombre d'ovocytes ponctionnés. »

Dans ces services, parfois plus qu'ailleurs, les questions éthiques et philosophiques se posent de façon aiguë. Aux Diaconesses, dans un souci de respect des couples, le service PMA a été baptisé « centre de fertilité ». « J'ai visité l'hôpital de Bâle, note Michèle Lachowsky. Nulle part n'est inscrit "stérilité" et encore moins "infertilité", mais "consultation de désir d'enfant". En France, on mesure les efforts accomplis, notamment dans la formulation figurant avant la banque des infirmières : "veuillez attendre un peu plus loin pour respecter la confidentialité". À Bâle, toujours, une ligne jaune indique la limite à ne pas franchir avec la mention "veuillez respecter la ligne d'intimité"... »

La loi n° 94-654 du 29 juillet 1994 (révisée et assouplie en 2002) pose un cadre aux activités d'assistance médicale à la procréation. Elle définit et organise ainsi les pratiques cliniques et biologiques relatives à la fécondation in vitro, à l'insémination artificielle ou toute autre technique permettant la procréation.

Législation stricte

Si les Cecos (centres d'étude et de conservation des oeufs et du sperme humain) respectent une législation stricte en matière notamment de dons de gamètes (45 ans maximum pour le donneur de sperme, 38 ans pour la donneuse d'ovocytes), concernant la PMA, chaque centre applique sa politique. Ainsi, aux Diaconesses, la limite d'âge pour accueillir une femme est fixée à 42 ans. La secrétaire, qui reçoit les demandes initiales de consultation, est chargée d'expliquer au téléphone à une femme qu'elle ne pourra être prise en charge dans le service. Un moment difficile ? : « En salle de naissance, on n'a pas le loisir de se poser le même type de questions, observe Irène Nectoux. L'enfant arrive, on est là pour l'accueillir. Mais ici, d'autres interrogations surviennent, obligatoirement. Faut-il vraiment aider tous les gens à avoir un enfant ? Même ce couple qui n'a pas l'air bien, celui-ci qui nous expose une affaire très compliquée, cette femme qui met en jeu sa santé sans vouloir le reconnaître ? Nous n'avons pas de pouvoir de jugement. Il faut garder de l'humilité, de la distance. Et aussi difficile que soit une situation, le stress n'est rien à côté de celui que l'on vit lorsque l'on s'occupe d'un enfant dont le rythme cardiaque est catastrophique... Personne ne risque de mourir ! Travailler en PMA me semble moins difficile qu'il n'y paraît. Je suis arrivée à un âge où je peux poser mes bagages et dire les choses. Je peux ainsi faire remarquer assez facilement à une femme de 45 ans que c'est trop tard. Parce que j'ai moi-même dépassé cet âge. Ce n'est pas un métier que j'aurais pu faire 20 ans plus tôt. »

Faire face à l'échec

Le plus difficile, c'est l'échec... L'une des missions délicates du soignant en PMA est l'annonce de mauvais résultats, ou la suspension d'un traitement ou d'une prise en charge. Avec tact, sur plusieurs consultations ou en fil de suivi, l'équipe annonce à un couple qu'elle ne va plus l'assister. Aux Diaconesses, le jour de la transplantation - ou transfert - d'embryons, l'infirmière donne à la patiente les ordonnances de prises de sang pour un test de grossesse, dix à douze jours plus tard. Lorsqu'il est négatif, les infirmières reçoivent aussi les résultats : « Tous les mois, nous rencontrons en équipe la psychologue du service, remarque Danièle Véron, cadre infirmier. C'est important pour prendre du recul, comprendre les réactions d'agressivité, de déception, de stress. C'est nous qui amenons les sujets, parlons des cas et de notre façon de gérer ces manifestations d'angoisse. »

Tous les deux mois, au centre de fertilité des Diaconesses, l'équipe soignante (infirmières, aide-soignante et secrétaires médicales) organise et anime une « réunion de couples », groupe de parole composé des personnes prises en charge dans le service : « On leur passe un film sur la PMA, on répond à leurs questions, note Muriel Brutto, aide-soignante, mais le but est surtout de les faire parler. C'est l'occasion pour ces couples qui vivent souvent seuls ce périple, de se raconter, de partager leurs échecs, de rencontrer des gens différents, mais qui traversent les mêmes épreuves. Parfois, certaines femmes enceintes viennent témoigner, pour encourager les autres. Ces animations sont très intenses. Souvent, les couples échangent les coordonnées en fin de réunion. »

Le coeur et la tête

« On ne peut pas se dire : je traite un appareil génital et oublier le coeur et la tête, conclut Michèle Lachowsky. Même dans les cas où l'on décèle une cause précise et somatique, la seule annonce va provoquer un bouleversement dans le psychisme de la personne... Pour certains, on pose une explication. Chez d'autres, on fait le constat d'une infertilité énigmatique, idiopathique, et donc peut-être d'une cause psychologique plus importante qu'ailleurs. Certains médecins disent : "on n'a rien trouvé, c'est psychologique". Est-ce à dire que le jour où l'on diagnostiquera de l'endométriose, on abandonnera le psychisme ? Heureusement non ! Parce que nous sommes des êtres pensants, même avec une trompe bouchée. Il faut faire attention à ne pas trop hâtivement parler de "blocage psychologique". En revanche, il est utile d'analyser les désirs inconscients, les moments de la vie non explorés, les difficultés de l'enfance ou du couple actuel et qui n'ont pas pu se révéler... »

PMA

LES PRINCIPALES TECHNIQUES

> Insémination artificielle : introduction d'une préparation spermatique, à l'aide de cathéters plus ou moins souples dans la cavité utérine. Elle peut se faire après une stimulation hormonale. On peut parler d'IAD (insémination avec sperme du donneur) et d'IAC (insémination avec sperme du conjoint).

> Fécondation in vitro (Fiv) : la fécondation est obtenue en laboratoire en mettant en contact un ovocyte (prélevé sur les ovaires d'une femme) et des spermatozoïdes (présents dans le sperme de l'homme). La Fiv est indiquée lorsque la rencontre entre ovocyte et spermatozoïdes ne peut se faire naturellement, ou quand la stérilité du couple est rebelle aux traitements simples comme les inséminations. La première Fiv date de 1978.

> Icsi ou « Intra Cytoplasmic Sperm Injection » : technique de fécondation assistée. Une fois les ovocytes récupérés (au cours de la ponction folliculaire), on injecte directement dans chaque ovocyte un spermatozoïde. Ainsi, le spermatozoïde est injecté directement dans le cytoplasme de l'ovocyte.

Le pourcentage de chances d'obtenir une grossesse est de 21 % par ponction d'ovocytes et de 26 % par transfert d'embryons, toutes indications et tous âges confondus. Ces grossesses aboutissent dans trois quarts des cas à une naissance. 72 % des grossesses sont uniques, 25 % sont gémellaires et 3 % sont triples. Tous ces résultats sont bien sûr des moyennes, variables en fonction des couples et des caractéristiques de la tentative.

résultats

TROIS FACTEURS DE SUCCÈS

Environ 10 à 15 % des cycles de Fiv classique aboutissent à une naissance, 20 à 25 % des grossesses se terminent par une fausse-couche, et 2 à 5 % sont ectopiques (grossesse extra-utérine). Les chances de succès de la Fiv ou de l'Icsi dépendent principalement de trois facteurs : l'indication, le nombre d'embryons transférés et l'âge de la femme. Les meilleurs taux de succès sont obtenus dans la stérilité tubaire pure, où l'objectif est simplement de court-circuiter un obstacle mécanique en l'absence de toute anomalie biologique au niveau des gamètes. Les résultats sont bien moins bons en cas de stérilité masculine, dépendant de la nature et du degré de l'insuffisance spermatique.

Toutes indications confondues, le taux de grossesse chute rapidement à partir de 37 ans. Après 40 ans, 4 à 5 % seulement des tentatives aboutissent à une naissance. Les naissances sont exceptionnelles après 44 ans. La baisse du nombre et de la qualité des ovocytes explique les effets délétères de l'âge maternel. Aussi, les résultats de la Fiv sont étroitement corrélés avec les taux de FSH, d'oestradiol et d'inhibine, mesurés au troisième jour du cycle, reflet plus informatif de la fonction ovarienne que l'âge de la femme.

En savoir plus

> Un temps pour les femmes. Michèle Lachowsky. Odile Jacob. 2005.

> Je rêve un enfant. Monique Bydlowski. Odile Jacob. 2000.

> La Passerelle, lieu d'information sur la stérilité et recueil de témoignages (http://www.membres.lycos. fr/passrele).

> Association L'Enfant de l'espoir (http://www.enfantespoir.fr).

> Pour suivre les étapes d'une Fiv : http://www.gfmer.ch/ Livres/FIV_atlas/FIV_ Images.htm et http://www.fivfrance.com.

« Avant que je ne meure »

« Dernièrement, note Michèle Lachowsky, j'ai reçu en consultation une femme qui pensait qu'elle ne pouvait pas être enceinte parce qu'était arrivé, après elle, un enfant mort-né. Elle expliquait qu'elle "ne se donnait pas le droit de donner à sa mère un nouvel enfant". Cette expression est fréquente. Ne dit-on pas : "fais-moi un petit avant que je ne meure". Sous-entendu : si on lui fait ce petit, la grand-mère va mourir... »

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