Les parents décrochent la lune - L'Infirmière Magazine n° 208 du 01/09/2005 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 208 du 01/09/2005

 

Difficultés périnatales

Du côté des associations

Née de l'initiative de trois mamans, l'association Anaa vient en aide aux parents confrontés aux difficultés de la périnatalité, dans un charmant lieu d'accueil bordelais, La Lune d'eau.

Ce sont trois pièces toutes simples : une grande pièce commune lumineuse et accueillante, avec des canapés, des tables... ; un bureau pour certains entretiens individuels et une salle d'attente.

Située à Mérignac, à côté de Bordeaux, La Lune d'eau est un lieu d'accueil consacré aux difficultés de la périnatalité. Faute de bénévoles actifs en nombre suffisant, seules deux permanences hebdomadaires y sont assurées.

Regard social

La Lune d'eau est née de la rencontre de trois mamans qui avaient connu des difficultés au cours de leur grossesse ou à la naissance de leur bébé : Antoine était grand prématuré, Nubia était décédée à la naissance, Aline avait une trisomie 21. Toutes trois, ayant fait le constat d'un manque singulier d'accompagnement dans ces moments difficiles, ont créé en décembre 1998 l'association Antoine, Nubia, Aline et les autres(1) (Anaa). Ouverte au départ à tous les parents qui se posaient des questions liées à la grossesse et la naissance, l'association a aujourd'hui recentré son action sur les difficultés de la périnatalité. Groupes de parole d'entraide après un deuil périnatal, café périnatal thématique une fois par mois, rencontres individuelles de parents confrontés à l'annonce d'un handicap... S'il y a un réel besoin d'améliorer la prise en charge institutionnelle, estime Jocelyne Goût, « il y a aussi une vie après l'hôpital. Et, de retour à la vie de tous les jours, les parents endeuillés se sentent isolés. Ils viennent chercher non plus le regard du professionnel, mais le regard social. Ils ont besoin de parler avec des gens comme eux. »

Construire une histoire

L'Anaa compte aujourd'hui une trentaine de membres, et sa cofondatrice est désormais très impliquée dans le Réseau périnatal aquitain, qui met en lien tous les acteurs de la périnatalité. Organisés en groupes de travail, ceux-ci s'efforcent de préparer une plaquette d'information destinée aux parents, afin qu'ils repèrent rapidement les personnes et les structures auxquelles ils peuvent s'adresser. « Cet accompagnement est plus ou moins structuré dans quelques établissements, mais dans certains endroits, rien n'a été prévu, alors qu'il s'agit là d'un des sujets les plus durs que les professionnels aient à affronter en maternité », regrette Jocelyne Goût. Afin de donner aux professionnels des armes pour mieux accompagner les parents confrontés à un deuil périnatal, elle a créé voici plusieurs années une formation (cf. encadré). En outre, elle participe activement, au sein du Réseau périnatal, à un groupe de travail sur l'unification des pratiques et la mise en place de circuit d'accompagnement permanents. « Car la plupart du temps, les choses se font au petit bonheur la chance : parfois on envoie des psychologues à la rencontre des parents confrontés au décès de leur bébé ; mais il n'y en a pas le week-end ! Il y a certes tout un discours actuellement autour du respect du patient mais cela reste des mots. » Du côté des soignants, beaucoup de travail reste à faire selon elle : « Il faut leur apprendre à écouter l'autre, c'est-à-dire le parent endeuillé, sans se sentir obligé de porter sur leurs épaules toute la souffrance de l'autre. Il faut leur apprendre à ne pas vouloir consoler ni tout maîtriser, parce que c'est impossible. Nous ne ferons pas disparaître la souffrance, mais nous pouvons aider les parents à construire une histoire. Et ce faisant, occuper simplement la place qui nous revient. »

1- La Lune d'eau - Anaa, 2, bis place de la République, 33701 Mérignac-Arlac.

Tél. : 05 56 76 16 06.

focus

Former à l'accompagnement

Titulaire d'un DU sur le deuil et infirmière en exercice, Jocelyne Goût a mis au point une formation qu'elle-même anime dans deux services de pédiatrie. En cours depuis plusieurs années, ces formations sur site se déroulent en sessions de trois jours, suivies par l'ensemble des personnels du service, qu'ils soient soignants ou non.

Un jour est consacré à la théorie, un autre aux parents, un troisième à la parole des soignants.

« Nous travaillons sur ce qui se joue pour chacun, sur ce que les professionnels peuvent projeter qui concerne leur propre histoire. À la fin, ils doivent être capables de réagir en fonction de l'autre et non pas d'eux-mêmes, et d'identifier ce qui leur fait mal en tant que soignants. Donc, de mieux accompagner. »

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