Les urgences en psychiatrie - L'Infirmière Magazine n° 208 du 01/09/2005 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 208 du 01/09/2005

 

santé mentale

Cours

Du suicide à l'anxiété en passant par les agitations délirantes, les services d'urgence ont à traiter une palette très complète de pathologies psychiatriques. Les réponses thérapeutiques à ces affections sont de trois ordres : pharmacologique, thérapeutique et contention physique.

Crises de délire, agitations, suicides, violences conjugales, ivresse, adolescents désorientés, vieillards en pleine confusion, les situations d'urgence psychiatrique représentent au moins 10 % de l'ensemble des admissions dans les services d'urgence générale des hôpitaux. Elles sont souvent trompeuses, et difficiles à évaluer : des problèmes médicaux aigus peuvent prendre l'allure d'une crise psychiatrique avec de l'angoisse, de l'agitation et parfois même un délire ; à l'inverse, la souffrance psychique peut s'exprimer à travers le corps et prendre l'aspect d'une intense douleur abdominale ou d'une attaque de paralysie.

La prudence est de règle et la collaboration étroite entre psychiatres et médecins somaticiens toujours indispensable. Environ 70 % des situations nécessitent une intervention conjointe : somatique et psychiatrique, ce qui justifie une prise en charge initiale de toute demande par un médecin urgentiste, en collaboration avec un psychiatre.

Les motifs de consultation les plus fréquents sont : le passage à l'acte suicidaire, les troubles anxieux, l'agitation, les troubles délirants et les troubles liés à la prise de substances psycho- actives.

Concrètement, c'est la symptomatologie repérée par l'infirmière d'accueil des urgences (agitation, violences, geste suicidaire, confusion, délire...) qui oriente le mode de prise en charge initiale. Cette orientation se fait également en fonction du symptôme d'appel, de sa gravité immédiate et de son évolution.

QUELQUES CHIFFRES

Selon les services, la nécessité d'un avis psychiatrique varie de 4 % à 40 %. Les motifs d'interventions psychiatriques se répartissent entre passages à l'acte suicidaire (36 %), angoisse (14 %), idées dépressives (11 %), agitation (10 %), idées délirantes (10 %), plaintes somatiques (8 %), alcoolisme (6 %), demande des autorités (3 %).

SITUATIONS CLINIQUES

Suicidaire et suicidant. Est dit suicidaire le malade qui pense au suicide, suicidant le malade qui vient de réaliser un passage à l'acte suicidaire.

La rencontre avec un patient suicidaire ou suicidant est une situation difficile. L'examen psychiatrique de ces patients exige beaucoup de rigueur. Il convient d'apprécier le risque de passage à l'acte ou de récidive, de proposer une prise en charge adaptée, après avoir évalué la nécessité d'une hospitalisation.

L'évaluation du risque de passage à l'acte suicidaire nécessite d'évaluer les sept points suivants :

- le niveau de souffrance : sentiment de dévalorisation, d'impuissance, de culpabilité ;

- la présence d'un trouble psychiatrique associé : syndrome dépressif, schizophrénie, trouble de la personnalité, trouble anxieux...

- le degré d'intentionnalité : des idées noires au projet suicidaire construit ;

- les éléments d'impulsivité : antécédents de passage à l'acte suicidaire, anxiété majeure, agitation psychomotrice, idées délirantes ;

- la présence d'un facteur précipitant : rupture sentimentale, conflits, échec, perte ;

- la présence de moyens létaux à disposition : armes à feu, médicaments...

- la qualité du soutien social, c'est-à-dire de l'entourage proche.

La récidive suicidaire paraît certaine. Le patient, compte tenu d'une situation dramatique, menace de façon convaincante de recommencer et tout porte à croire qu'il le fera. Autre cas, il existe un contexte pathologique sévère : sujet ayant un syndrome dépressif sévère (mélancolique), schizophrène, délirant chronique, fréquence de passage à l'acte suicidaire (environ 15 % des sujets récidivent après un premier passage à l'acte suicidaire, 35 % après un deuxième, 80 % après un troisième). Dans tous ces cas, l'hospitalisation s'impose.

La récidive suicidaire est moins sûre. C'est généralement le cas des sujets déprimés où le passage à l'acte suicidaire vient signer la gravité de la dépression. La récidive n'est pas exclue, même si elle n'est pas exprimée. Une hospitalisation, même brève, peut être profitable.

La récidive suicidaire n'est pas à craindre. Quand le désir de mort est absent et qu'il s'agit d'un besoin d'oubli, de fuite. Si le passage à l'acte suicidaire a permis de dénouer une situation de crise, il est possible de renoncer à l'hospitalisation, particulièrement en cas de soutien social et familial de bonne qualité.

Finalement, quelle que soit la décision prise, hospitalisation ou pas, un suivi psychothérapeutique doit être proposé à tous les patients ayant des idées suicidaires, ou ayant fait un passage à l'acte suicidaire.

Sujet délirant. Le sujet délirant est le plus souvent amené aux urgences par les pompiers ou par la police pour des troubles du comportement ou un désordre sur la voie publique.

Ces états correspondent le plus souvent à des troubles psychotiques aigus (bouffées délirantes aiguës, phase aiguë d'un trouble schizophrénique ou d'une autre psychose chronique) ou à des troubles de l'humeur (manie ou mélancolie délirante). Une cause toxique doit être systématiquement évoquée et une cause somatique systématiquement éliminée.

Certaines affections neurologiques peuvent se traduire par un épisode délirant : épilepsie temporale, hémorragie méningée, hématome sous-dural, hypertensions intracrâniennes, encéphalites virales (HIV, herpès...).

Le contact avec ces patients est souvent difficile et empreint de bizarrerie et d'étrangeté. L'examen clinique met en évidence un syndrome délirant, le plus souvent non systématisé avec des mécanismes (hallucinations, interprétation, etc.) et des thématiques multiples et variables dans le temps (persécution, mégalomanie, culpabilité...). L'adhésion au délire est variable, mais le plus souvent quasi totale.

La prise en charge de ces patients doit se faire rapidement, compte tenu de leur imprévisibilité (risque de fugue) et du risque de passage à l'acte hétéro voire auto-agressif. Quand c'est possible, il faut instaurer un dialogue, expliquer au patient la nécessité d'une prise en charge (traitement médicamenteux, hospitalisation).

Sujet anxieux. L'anxiété est une cause fréquente de consultation aux urgences.

Le plus souvent, il s'agit d'attaque de panique, c'est-à-dire une angoisse qui s'impose de façon brutale et envahissante, associée à des symptômes somatiques plus ou moins bruyants : tachycardie, oppression thoracique, tremblements, bouche sèche, gorge nouée, sueurs, etc.

Ces états d'anxiété aiguë peuvent accompagner de nombreuses affections somatiques : cardiovasculaires (embolie pulmonaire, infarctus du myocarde, troubles du rythme cardiaque...), endocriniennes (hypoglycémie, hyperthyroïdie...), neurologiques (accident vasculaire cérébral, épilepsie...), intoxications ou sevrages (alcool, café, benzodiazépine).

Là encore, la prise en charge sera rapide, mais elle devra systématiquement être effectuée après un examen somatique complet.

Lequel aura permis d'éliminer une urgence somatique.

Sujet déprimé. Le diagnostic de syndrome dépressif est fréquemment porté au décours d'une consultation au service des urgences, alors que les patients se présentent pour un autre symptôme : un trouble anxieux, une plainte somatique.

Une fois le diagnostic posé, il faut évaluer le risque vital, somatique (dénutrition et déshydratation sévère, risque thromboembolique du fait d'une clinophilie majeure) et le risque de passage à l'acte suicidaire dont on sait qu'il est particulièrement fréquent chez les sujets déprimés (30 %). Il faut rechercher systématiquement une prise de toxique associée (alcool, drogue, surconsommation d'anxiolytiques).

La question de l'hospitalisation se pose de façon systématique. Elle se décidera en fonction de la sévérité de l'état dépressif, du risque suicidaire, de la présence ou pas d'un étayage sociofamilial, et de la possibilité de la mise en place d'un suivi psychiatrique rapide.

Retenons qu'il est fortement déconseillé de prescrire un traitement antidépresseur en urgence, car il est nécessaire que ce traitement soit réévalué fréquemment et qu'il s'inscrive dans un cadre de suivi psychothérapeutique.

Sujet traumatisé. Il est de plus en plus fréquent de rencontrer des patients victimes de traumatisme psychique, quel qu'il soit (agression, harcèlement sur le lieu de travail...). Le but de la consultation aux urgences, qui doit être précoce, est double : évaluer les répercussions du traumatisme subi, et instaurer une prise en charge adaptée afin d'éviter un syndrome de stress post-traumatique.

Ces situations correspondent à l'ensemble des traumatismes où la mort a été rencontrée, et où le sujet a été confronté à l'image de soi comme mort. Il faut bien différencier les états de stress aigu, propres à la phase immédiate qui suit le choc, des états de stress post-traumatique.

L'événement traumatique va provoquer un effroi qui peut se prolonger en hébétude, sidération psychique (incapacité du sujet à réagir face à la situation traumatique) avec des réactions dites dissociatives (sentiment de vivre la situation de l'extérieur, comme dans un film), états confusionnels, voire délirants.

Ces réactions peuvent persister quelques heures, voire plusieurs jours. Elles sont des facteurs prédictifs de mauvais pronostic avec un risque élevé d'évolution vers un syndrome de stress post-traumatique.

Le syndrome de stress post-traumatique se caractérise par l'association d'un syndrome de reviviscence (ou syndrome de répétition) caractérisé par des cauchemars, flash-back ou réminiscences diurnes (le sujet revit la scène traumatique) associé avec un syndrome d'hypervigilance (sensibilité accrue à tous les stimuli extérieurs avec une irritabilité, voire des impulsions agressives). Des manifestations anxiophobiques complètent la symptomatologie : conduites d'évitement (le sujet va éviter toutes les situations qui peuvent lui rappeler le traumatisme), détachement.

En urgence et si l'état de stress aigu est marqué, une hospitalisation brève peut être proposée au patient, ce qui permettra d'initier une prise en charge adaptée.

Sujet agité. L'agitation est un trouble du comportement caractérisé par une augmentation désordonnée de l'activité motrice. Ce symptôme spectaculaire, impressionnant parfois, reste le plus angoissant. Les étiologies peuvent être organiques ou psychiatriques.

Causes organiques. Un certain nombre d'arguments sont en faveur d'une cause organique :

- l'absence d'antécédents psychiatriques, notamment quand le sujet est âgé ;

- le début brutal ;

- un contexte clinique évocateur : intoxication ou arrêt d'un traitement.

Causes psychiatriques. En faveur d'une agitation psychiatrique, on retiendra :

- l'existence d'antécédents psychiatriques ou psychopathologiques, parfois du même type ;

- un examen somatique normal (quand il est possible) ;

- les caractéristiques de certaines agitations que nous allons décrire.

Agitation maniaque. La présentation est désordonnée et souvent extravagante. Le contact est facile avec un patient souvent désinhibé. L'entretien est rapide, décousu, témoignant de la fuite des idées, parfois avec des plaisanteries, des jeux de mots. Le malade est très imaginatif et tient des propos d'allure délirante.

Il communique parfois à l'entourage une sorte de gaieté naturelle. L'humeur est exaltée, euphorique et surtout versatile (passant de la joie aux larmes, des lamentations à la colère...), mais par moment très adaptée à la situation. On appuiera le diagnostic sur la notion d'antécédents personnels, parfois familiaux, associés à un facteur déclenchant qui, paradoxalement, peut être un événement triste (deuil récent) ou la prise de médicaments.

L'hospitalisation est indispensable dans la plupart des cas pour traiter le patient et le protéger des conséquences de son état (démarches inopportunes, scandale, dilapidation de biens avec des achats pathologiques, passages à l'acte médico-légaux...).

Plus le patient est vu précocement, plus on a de chance qu'il accepte spontanément les soins. Dans la plupart des cas, il faut recourir à une hospitalisation sous contrainte, compte tenu de la fluctuation des troubles et de la possibilité que le patient s'oppose aux soins.

Agitation délirante. L'agitation peut également résulter d'une expérience délirante : impressions persécutives, hallucinations, dépersonnalisation. Le début de la bouffée délirante aiguë est rapide (quelques jours).

L'agitation est variable et fréquemment angoissée. Le patient passe de la prostration avec mutisme à l'exaltation. Il adhère à un délire non systématisé, aux thèmes instables vécus comme une expérience irrécusable et ineffable. Les attitudes dites d'écoutes sont dues à la présence d'hallucinations psychiques et psychosensorielles. L'attitude envers autrui peut être changeante, ce qui témoigne d'une imprévisibilité importante. L'hospitalisation en psychiatrie s'impose le plus souvent sous la forme d'une hospitalisation sur demande d'un tiers (HDT).

Lors de troubles schizophréniques, l'agitation est le symptôme d'une activité délirante profuse chez un patient connu pour ses antécédents schizophréniques.

Elle est le témoin d'une rechute souvent en lien avec une rupture de traitement. Le début est généralement insidieux, le contact avec le patient est difficile, ce dernier dégageant un sentiment d'étrangeté et de bizarrerie. Le discours est flou, empreint d'incohérence. Le délire peut ne pas s'exprimer. Chez ces patients délirants au discours hermétique, l'imprévisibilité est importante et un passage à l'acte auto ou hétéro-agressif est possible. Là encore, l'hospitalisation en milieu spécialisé est nécessaire sous la forme d'une HDT ou d'une HO.

Agitation anxieuse. Elle peut se traduire par une attaque de panique (cf. sujet anxieux). L'agitation s'apaise le plus souvent au cours de l'entretien. L'agitation anxieuse peut également accompagner un syndrome dépressif.

Il faut alors être attentif et rechercher des idées de culpabilité, d'incurabilité (le sujet est convaincu que sa guérison est impossible), d'autodévalorisation et des idées suicidaires. Le risque de passage à l'acte dans un contexte de raptus anxieux est très important. L'hospitalisation peut être évitée si la crise cède rapidement, si le sujet est sensible à la réassurance, qu'il a un soutien sociofamilial et qu'il n'existe pas de symptomatologie dépressive associée.

Sujet dangereux. La dangerosité n'appartient pas à la maladie mentale ou à une maladie particulière. Dans le cadre de l'urgence, l'agressivité, la menace de l'intégrité physique, voire de la vie d'autrui, représentent une préoccupation essentielle.

L'évaluation du risque de passage à l'acte chez un malade réputé dangereux ou menaçant ne peut se fonder exclusivement sur le simple diagnostic, car il existe le plus souvent une intrication de différents facteurs accroissant la dangerosité : ainsi en est-il du danger provoqué par l'alcoolisation d'un patient paranoïaque. C'est donc moins la dangerosité d'une maladie ou d'une personnalité que celle d'une situation qu'il s'agit d'apprécier.

En pratique, certains éléments sont indicateurs d'une dangerosité. Si le patient est délirant, on retiendra l'intensité de la conviction délirante, la tension anxieuse, les caractéristiques du délire (délire paranoïaque à thématique persécutive).

S'il existe un trouble de l'humeur - mélancolie -, outre le risque suicidaire, il faut connaître le risque de suicide altruiste, mettant en danger la vie des proches, et en particulier des jeunes enfants.

Si le sujet est épileptique, il peut exister un état de fureur incontrôlé avec impulsivité suicidaire ou risque de passage à l'acte hétéro-agressif (très rare en pratique).

LÉGISLATION

Loi du 27 juin 1990. Le traitement des maladies mentales est prévu dans un cadre légal d'accès ou d'obligation de soins.

Le souci du législateur a été clair : son intention fut de préciser au mieux le cadre des hospitalisations des patients souffrant de troubles mentaux, afin de supprimer certaines hospitalisations abusives, contre lesquelles l'ancienne loi de 1838 n'était pas efficace.

Modalités d'hospitalisation sous contrainte. La demande d'hospitalisation sans consentement émane le plus souvent des SAU. Les cas de refus de soins du patient ne représentent pas des vignettes cliniques précises.

Souvent, le milieu environnemental et situationnel ne permet pas la mise en place de soins en ambulatoire : velléités suicidaires, états dépressifs sévères, accès maniaques caractérisés, états délirants avec risque de passage à l'acte auto, voire hétéro-agressif. L'hospitalisation n'étant pas acceptée par le patient, l'accès incontournable aux soins doit être mis en place selon deux modalités.

HDT ou hospitalisation à la demande d'un tiers. « Une personne atteinte de troubles mentaux ne peut être hospitalisée sans son consentement sur demande d'un tiers que si ses troubles rendent impossible son consentement ; son état impose des soins immédiats assortis d'une surveillance constante en milieu hospitalier » (article L.3212.1 du Code de santé publique).

L'hospitalisation à la demande d'un tiers comprend deux volets : la demande émanant d'un tiers et les certificats médicaux.

La demande émanant du tiers doit être rédigée sur papier libre et de façon manuscrite. Le tiers peut être un membre de la famille, un proche ou le représentant légal du patient. Il doit être directement impliqué dans la démarche thérapeutique. Il est demandé à ce tiers d'autoriser l'accès aux soins d'une personne pour laquelle il porte intérêt, malgré le refus de cette personne avec laquelle il est lié.

Dans le cas où aucun proche n'est joignable ou trop éloigné pour formuler rapidement une demande par écrit, il est possible de faire appel à l'administrateur de garde du centre hospitalier.

Pour autoriser l'admission, cette demande doit être accompagnée de deux certificats médicaux différents rédigés par deux médecins inscrits à l'ordre, datés de moins de quinze jours et circonstanciés. Seul le second médecin peut appartenir à l'établissement qui accueillera le patient. Les deux médecins ne doivent pas être parents ni alliés, au quatrième degré inclus, ni entre eux, ni avec les directeurs d'établissement d'accueil, ni avec la personne qui demande l'hospitalisation.

En cas de péril imminent, un seul certificat médical suffit (article L.3212-3), éventuellement rédigé par un médecin exerçant dans l'établissement d'accueil.

HO ou hospitalisation d'office. Les indications d'hospitalisation d'office sont rares. L'hospitalisation d'office ne doit pas être initiée par défaut de signataire de la demande de HDT. L'avis d'un médecin est nécessaire afin de confirmer qu'il existe « des troubles mentaux qui compromettent l'ordre public ou la sûreté des personnes ». Ce certificat médical circonstancié permettra à l'autorité compétente (préfet de police dans les grandes villes, maire) de prononcer la mesure de HO, selon les termes de l'article L.3213-1 du Code de santé publique.

THÉRAPEUTIQUES DE L'URGENCE

La conduite thérapeutique aux urgences est symptomatique et peut se résumer en trois approches thérapeutiques qui ne sont pas mutuellement exclusives :

- le traitement pharmacologique ;

- une intervention psychologique fondée sur l'écoute et le dialogue ;

- la nécessité d'une contention physique.

Traitement pharmacologique. Le traitement pharmacologique est indiqué essentiellement dans deux situations : les états d'agitation et les états d'anxiété aiguë. Dans tous les cas, il est limité dans le temps. Il est en effet déconseillé d'initier un traitement médicamenteux aux urgences dans la mesure où le médecin prescripteur n'aura pas les moyens de suivre le patient régulièrement après sa sortie du service des urgences.

États d'agitation. Deux classes thérapeutiques peuvent être utilisées :

- les neuroleptiques ;

- les benzodiazépines.

Le choix de l'une ou l'autre de ces deux classes repose sur un ensemble de paramètres en fonction des symptômes, des pathologies sous- jacentes ou des facteurs toxiques associés.

Neuroleptiques. Le choix va se porter sur des molécules connues pour leur action sédative, leur fiabilité et leur bonne tolérance. Les trois molécules les plus couramment utilisées sont la loxapine ou Loxapac®, cyaménazine ou Tercian®, hallopéridol ou Haldol®. Ces molécules peuvent être utilisées per os, en comprimés ou en gouttes et par voie intramusculaire. Avant de donner un traitement neuroleptique, il faut s'assurer que l'espace QT à l'électrocardiogramme (ECG) est de taille normale. En pratique, il est donc recommandé dans la mesure du possible de faire un ECG aux patients. En effet, les neuroleptiques peuvent être à l'origine de troubles du rythme cardiaque à type de torsade de pointe.

L'association d'un neuroleptique à une benzodiazépine peut réduire le délai d'action et les posologies. Elle potentialise l'action sédative des neuroleptiques. En revanche, l'association de deux neuroleptiques est contre-indiquée.

Benzodiazépines. Ces molécules sont le traitement de choix des intoxications aiguës alcooliques simples ainsi que des états d'agitation survenant dans un contexte de sevrage alcoolique (delirium tremens).

Les benzodiazépines sont aussi indiquées dans les états d'agitation en rapport avec une pathologie comitiale. Les plus utilisées sont le Diazépam® ou Valium®, le clorazépate dipotassique ou Tranxène®, le clonazépam ou Rivotril®.

Ces molécules sont disponibles per os en comprimés et en gouttes ou par voie intramusculaire.

États d'anxiété aiguë. Les deux classes thérapeutiques utilisées sont les benzodiazépines et les anti-histaminiques.

Les deux molécules classiquement utilisées sont l'alprazolam ou Xanax®, l'hydroxyzine ou Atarax®. L'avantage de l'hydroxyzine est qu'il n'existe pas de dépendance physique, contrairement aux benzodiazépines.

Intervention psychologique. Il s'agit le plus souvent d'écouter et de rassurer le patient qui vient consulter aux urgences. Dans certains SAU, l'intervention psychologique peut être faite par une infirmière formée aux techniques d'entretien ou une psychologue.

Elle doit systématiquement encadrer la prescription médicamenteuse et peut permettre dans un certain nombre de situations d'éviter l'utilisation de médicaments.

Contention physique. Si la contention physique est un acte thérapeutique comme un autre, elle conserve néanmoins une image très dévalorisante, tant pour le personnel des urgences que pour le patient. Les situations imposant une contention ne sont pas exceptionnelles dans le service des urgences et à ce titre, l'acte doit être codifié, préparé et soumis à un protocole. La contention doit être prescrite dans le dossier au même titre que toute autre prescription, datée et signée par un médecin. Sa prescription doit s'accompagner d'une surveillance constante. Sa mise en oeuvre nécessite un matériel adapté et un personnel soignant formé. Enfin, elle doit être la plus brève possible, le temps que les psychotropes prescrits permettent sa levée sans risque pour le patient ou pour un tiers.

Ses indications sont :

- les états d'agitation avec risque de passage à l'acte auto ou héréro-agressif ;

- la prévention de la fugue en cas de pathologie psychiatrique nécessitant une prise en charge urgente (tentative de suicide avec risque de récidive élevé) ;

- la nécessité dans un contexte de maladie psychiatrique d'effectuer une surveillance somatique rapprochée sans l'accord du patient (examens complémentaires, surveillance des constantes vitales, par exemple).

Après une consultation

Après une consultation psychiatrique aux urgences, deux orientations sont possibles :

> un retour à domicile, avec un relais de soins auprès des centres médicopsychologiques, des psychiatres privés, des médecins généralistes ou des consultations spécialisées (alcool, toxicomanie, adolescents...) ;

> l'hospitalisation, souvent dans les unités d'hospitalisation de courte durée (UHCD ou services portes) ou dans un service de psychiatrie sectorisé ou non, publics ou privés.

Les UHCD rattachées aux services des urgences accueillent environ 30 % de pathologies psychiatriques et jouent un rôle important dans la mesure où ils permettent une réévaluation clinique à distance de la situation d'urgence initiale, ce qui permet de limiter les hospitalisations en service spécialisé.

Refus de soins

En cas de refus de soins, le document à faire remplir doit comprendre les éléments suivants :

> Ce document atteste que M. X a consulté aux urgences de l'hôpital...

> Sur papier libre, rédigé par le patient ou un membre de sa famille : « Je reconnais avoir été informé de manière claire et avoir compris les risques encourus qui comprennent de façon non limitative »:... (les décrire précisément).

> Je déclare vouloir néanmoins quitter, refuser les soins et/ou l'intervention que me propose le Dr X et décline l'hôpital de toutes responsabilités, et de toutes conséquences, y compris vitales, qui peuvent résulter de ma décision.

> Je comprends que même si je signe ce document, cela ne m'empêchera pas de revenir à l'hôpital si je le désire, et que, au contraire, j'y suis encouragé si j'ai des questions ou le moindre problème.

Ce document devra être signé et daté par le patient, le médecin, un membre de la famille et un membre du personnel soignant du service des urgences de l'hôpital. Si le patient présente une symptomatologie psychiatrique ne lui permettant pas de donner son consentement pour les soins, il faudra faire appel à un tiers (membre de la famille si possible) pour organiser une hospitalisation sur demande d'un tiers. Si ce tiers refuse l'hospitalisation, c'est à lui de signer la sortie contre avis médical. Si le patient présente un état de dangerosité immédiat compromettant l'ordre public ou la sûreté des personnes, le psychiatre peut toujours faire appel aux autorités compétentes pour demander une hospitalisation d'office.

Approche relationnelle

Devant un patient en état d'agitation, il convient de :

> se présenter, en indiquant son rôle et sa fonction ;

> présenter les membres de l'équipe soignante ;

> s'adresser au patient en l'appelant par son nom ;

> expliquer les soins, si nécessaire resituer le lieu et le cadre de l'intervention ;

> toujours proposer au patient d'accepter de son plein gré la solution envisagée ;

> adopter une attitude calme, neutre et ferme ;

> penser à la sécurité du patient, de l'environnement et des soignants ;

> n'envisager des mesures de contention et/ou d'isolement que si les intervenants sont suffisamment nombreux.

Aspects médicolégaux

> Le certificat de non-admission (CNA) : demande d'examen clinique formulé par les forces de l'ordre sans réquisition médicale. Le médecin des urgences ou le psychiatre ne doit pas lever le secret médical concernant le patient qui lui est amené aux urgences. Il doit simplement répondre à la question qui lui est posée : ce patient nécessite-t-il des soins en milieu hospitalier ? Si oui, le patient est gardé aux urgences, voire hospitalisé. Si non, il repart avec les forces de l'ordre.

> L'examen de comportement : toujours accompagné d'une réquisition pour le psychiatre. Examen réalisé par un psychiatre requis par un officier de police judiciaire pour les personnes placées en garde à vue. Il a pour but de déterminer la compatibilité de l'état psychique de la personne avec la mesure de garde à vue (par exemple, évaluation du risque de comportement suicidaire ou de passage à l'acte hétéroagressif).

> Le retentissement psychologique : toujours accompagné d'une réquisition pour le psychiatre. Examen réalisé par un psychiatre requis par un officier de police judiciaire pour les victimes d'infraction. Il vise à évaluer le retentissement psychique faisant suite à l'agression dans le but de quantifier au plus juste le préjudice subi par la victime.

Examens paracliniques

L'interrogatoire de l'entourage est le premier des examens complémentaires. On s'attachera à préciser, à l'aide d'informations apportées par les services de secours, le contexte de la survenue du trouble : mode d'installation progressif ou brutal, traitement en cours et/ou modifications thérapeutiques récentes, consommation de substances toxiques, antécédents somatiques. Devant un premier épisode psychiatrique, il est nécessaire de faire un minimum d'examens complémentaires. Bilan initial : glycémie capillaire, pouls, pression artérielle, ECG, numération de la formule sanguine, C-réactive proteine, ionnograme sanguin.

Au moindre doute et s'il existe des signes d'appels : un scanner cérébral et un électroencéphalo-gramme (EEG).