Prévention en ligne directe - L'Infirmière Magazine n° 208 du 01/09/2005 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 208 du 01/09/2005

 

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Horizons

Émanation du plan cancer, la ligne Cancer info service répond aux questions les plus variées des malades. Ses téléconseillers sont pour beaucoup des infirmiers spécifiquement formés à ce nouveau mode d'information. Découverte.

«Cancer info service bonjour... Oui madame, vous voulez savoir comment envoyer des médicaments à l'étranger ? Dans quel pays ?... C'est possible mais... Vous voulez savoir comment faire venir la personne ? Alors, je vais vous donner les coordonnées d'une association qui vous aidera pour les questions de visa thérapeutique, ne quittez pas... » Nathalie Matherne, infirmière depuis six ans, est également téléconseillère depuis six mois. Chaque jour, elle s'installe confortablement devant l'ordinateur et le téléphone de son petit box vitré. Après un coup d'oeil sur l'écran qui comptabilise les appels reçus depuis le début de la journée, elle coiffe casque et micro, les outils de ses nouvelles fonctions, et répond aux questions variées formulées anonymement par des interlocuteurs tout aussi divers.

Traitements, aide sociale...

Cancer info service a été créé en mars 2004. L'objectif ? « Répondre à toutes les questions que les gens peuvent se poser sur le cancer », résume un médecin conseil de la ligue. Demande d'aide sociale, interrogation sur les traitements et les effets secondaires, information sur le déroulement d'un examen, possibilité d'emprunt pour une personne malade ou en rémission, explications autour d'un diagnostic, question sur les possibilités de dépistage ou les risques réels de l'amiante, voire renseignements sur le risque et la prévention globale. « On donne aussi beaucoup de conseils sur la façon d'aborder l'entretien avec le médecin, car souvent, dans le stress du rendez-vous, les personnes oublient les questions qu'elles ont à lui poser », remarque Raphaël Montayre, un autre infirmier de la ligne Cancer info service.

La Ligue nationale contre le cancer, opérateur de Cancer info service, a confié le développement de cette action à un spécialiste de la gestion de centres d'appels, l'entreprise Phone marketing. Celle-ci a mis à disposition une plateforme téléphonique isolée de son plateau central où sont traités des appels plus « commerciaux ». Elle a recruté une douzaine de personnes, dont dix sont des infirmiers, pour la réception des appels. Ces jeunes embauchés flirtent tous avec la trentaine. « Il s'agit vraiment d'une reconversion, donc il faut un minimum de maturité psychologique et d'expérience professionnelle pour approfondir ses motivations, estime Youcef Saker, directeur de production téléservices chez Phone marketing. Nous demandons au moins deux à trois ans d'exercice pour intégrer la plateforme. Au-delà de sept ou huit ans, la logique de travail en service hospitalier est difficilement réversible. » Une logique d'entreprise qui change de l'univers hospitalier. Cela tombe bien, ceux qui ont postulé ici partagent une certaine curiosité et l'envie de découvrir autre chose, au delà du soin.

Assez de l'hôpital !

Tous ont d'ailleurs en commun d'être passés par la case intérim, le mode de recrutement choisi par Phone marketing. Raphaël, après quatre ans d'exercice à l'hôpital public et une mission de quatre mois en Guyane, en avait assez de l'hôpital, de son rythme infernal et de son manque de reconnaissance.

« Moi, je n'apprécie pas la dimension hiérarchique trop pesante du service, ajoute Bénédicte Pestour. Et puis je voulais m'orienter vers la dimension d'éducation, de prévention offerte par notre profession. »

Six à huit semaines de formation en interne ont été nécessaires pour chacun d'entre eux, avant d'acquérir une complète autonomie. Bien que la plupart aient déjà exercé en cancérologie, ils ont suivi une remise à niveau sur les dernières évolutions de la spécialité. Sur le fond, ils se sont formés aussi aux aspects plus juridiques, tels que l'accès au prêt bancaire, ou sociaux, tels que les possibilités d'arrêt de travail. Mais, avant tout, il leur a fallu se familiariser avec de nouveaux outils, au premier rang desquels la base de connaissances mise à disposition par la Ligue.

« Il s'agit d'un système intelligent, interrogeable, évolutif, dynamique et mis à jour en permanence au sein de la ligue », précise Youcef Saker. Les jeunes recrutés apprennent donc à circuler dans l'arborescence, à remplir les fiches de renseignement pour chaque appel reçu et à communiquer avec le centre de ressources lorsque des questions plus complexes requièrent l'aide d'un documentaliste. Enfin, ces téléconseillers doivent s'adapter à un nouveau mode de communication, apprendre à écouter, à mieux cerner la demande de l'appelant, à fournir la réponse appropriée. Pour cela, ils se soumettent à des simulations d'appels téléphoniques en interne. Ils prennent ensuite leurs premiers appels, en double écoute, avec un téléconseiller expérimenté.

Soutien psychologique

Une fois autonomes, ils bénéficieront d'une supervision avec un psychologue. « Nous devons le rencontrer deux fois par mois, en groupe et en individuel », précise Raphaël. Parce que même dans un fauteuil, exercer à Cancer info service n'est pas toujours confortable : « Ce n'est pas tant la question que le vécu de la personne qui nous atteint », poursuit l'infirmier. D'autant que les appelants, protégés par l'anonymat du téléphone sont plus souvent prêts à livrer leur douleur que dans un service. « Et lorsqu'à l'hôpital un geste aurait été possible, là on est dans la frustration totale », ajoute Raphaël. Les appels peuvent néanmoins être transmis à l'un des huit écoutants de la Ligue spécialisés dans le soutien psychologique.

Tous reconnaissent le caractère gratifiant de leur fonction. « Les gens nous remercient plus souvent qu'à l'hôpital, note Nathalie. Cela prouve qu'on a été utile et qu'on a répondu à leur demande. » Certains rappellent même après avoir appliqué les conseils dispensés pour souligner leur efficacité et remercier encore. Une gratitude qui aide probablement à se sentir encore infirmiers. « Être disponible et à l'écoute, cela fait partie de la fonction d'infirmière, explique Virginie Bourgon, même si dans les services, on n'en a plus le temps. » Quelques manques se font parfois sentir comme le contact direct avec les patients. « Mais pour l'instant j'ai beaucoup de travail alors je n'ai pas le temps d'y penser », souligne Christophe Travental, le coordinateur du service qui s'envole demain pour les Antilles afin d'y développer la ligne. Certains de ces collègues ont pourtant choisi de conserver un pied à l'hôpital, comme Nathalie, qui prend des gardes, ou Raphaël qui envisage de refaire des nuits cet été. « Parce que j'ai besoin de ne pas perdre mon métier de vue », précise-t-il. Bénédicte, elle, poursuit même un cursus universitaire. « Je suis pour l'instant en licence, c'est gérable, car il n'y a pas de stages. »

Evolutions

Seront-ils toujours ici l'année prochaine ? Certains ne se feront pas prier pour rester : « En matière de prévention et de santé publique on n'a jamais fait le tour de la question », souligne Virginie. Sans compter qu'en interne, l'évolution est possible : Christophe est arrivé comme téléconseiller avant de devenir le coordinateur de la plateforme. Quant à Raphaël, il travaille déjà sur le projet d'une autre ligne consacrée à la fin de vie qui devrait bientôt se mettre en place.

interview

Professionnaliser les écoutants

« Cancer info service a été créé le 22 mars 2004, dans le cadre du plan cancer, explique Éric Delaunay, chargé de communication à la Ligue nationale contre le cancer. La ligne bénéficie de l'expérience de la Ligue dans ce domaine puisque nous avons animé durant dix ans Écoute cancer, un service davantage centré sur l'écoute et le soutien psychologique que nous étions les seuls à offrir. Nous conservons d'ailleurs cette activité de soutien sur la ligne Cancer info service, mais le premier niveau d'accès c'est l'information grand public avec des réponses pour toutes les questions sur l'actualité, les traitements, la prévention, etc. Nous avons souhaité bénéficier de l'expérience d'un groupe privé spécialisé dans les call centers. Gérer 35 000 appels par an c'est un métier à part entière. Il faut une structure dédiée, avec des lignes, des réseaux de télécommunication. Et puis il fallait professionnaliser les écoutants, les former au téléconseil afin qu'ils puissent jongler avec les réceptions et transferts d'appels, la base de données. Mais il était aussi important qu'ils possèdent une culture paramédicale et une connaissance de l'oncologie car nous recevons beaucoup d'appels de la part de patients, très immergés dans la culture hospitalière. »

contact

- La Ligue : 08 10 11 11 01

Site web : http://www.ligue-cancer.net

Cancer info service : 08 10 81 08 21