Science-fiction ou réalité ? - L'Infirmière Magazine n° 208 du 01/09/2005 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 208 du 01/09/2005

 

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Henri Altan, médecin et biologiste, est-il aussi un auteur de science-fiction ? Dans son dernier ouvrage, il décrit par le menu détail la gestation d'un foetus dans un utérus artificiel...

Donner naissance à des enfants sans être enceinte : une révolution possible dans quelques décennies... C'est l'hypothèse incroyable que décrit Henri Altan, médecin, biologiste, dans son dernier ouvrage intitulé L'Utérus artificiel (1). L'auteur mène une réflexion sur la gestation de nouveau-nés dans un utérus artificiel relié à des machines placentaires. Cette technique, l'ectogénèse, désigne le développement des embryons humains, depuis la fécondation jusqu'à la naissance, hors du corps de la femme. Ce procédé reproduirait artificiellement un ensemble de membranes et de mécanismes d'échanges qui assureraient le fonctionnement d'un placenta, du liquide amniotique, des membranes et des parois utérines. Voilà pourquoi des femmes, présentant un utérus pathologique, seraient en mesure de procréer sans faire appel à des mères porteuses ou encore de très grands prématurés pourraient continuer leur développement dans un liquide amniotique artificiel.

Expérimentation

Fortement intéressé par l'ectogénèse complète qui consisterait à combler l'écart entre le 5e jour et la 24e semaine de grossesse in vitro, Henri Altan a découvert que des études ont déjà été réalisées dans ce sens.

Ainsi, aux États-Unis, Helen Hung Ching Liu et son équipe ont tenté de reproduire l'implantation d'embryons humains issus de Fiv et développés dans un utérus artificiel jusqu'au stade de blastocystes. La paroi intérieure était constituée de cellules endométriales humaines, cultivées sur un support artificiel biodégradable. Une fois ce support dissous, des éléments nutritifs et des hormones furent ajoutés. Les embryons n'ont prolongé leur développement que durant six jours. L'auteur a également constaté qu'en 1990, au Japon, Yoshinori Kuwabara a entrepris le développement de foetus de chèvre dans des réservoirs en plastique remplis de liquide amniotique, leur cordon ombilical étant rattaché à deux machines chargées de l'élimination des déchets et de l'apport d'éléments nutritifs. Ces foetus vécurent trois semaines mais aucun n'a survécu.

Pure fiction

Mais que pensent les praticiens spécialistes en gynécologie de cette technique ? « Dans notre profession, mentionne le Pr Hedon, chef de service gynécologie-obstétrique au CHU Arnaud-de-Villeneuve de Montpellier, lorsque nous abordons cette question, nous l'évoquons avec des mots du langage courant car ce n'est pas encore une vérité médicale. L'utérus artificiel concerne la grossesse elle-même, et n'est pas la suite logique de l'insémination artificielle ou de la fécondation in vitro. Si techniquement ce procédé s'avérait réalisable, nous aurions un certain nombre de patientes qui pourraient bénéficier de l'utérus artificiel pour des raisons médicales. Pour l'instant, conclut-il, ce n'est que pure fiction mais elle a le mérite de stimuler la réflexion. »

Le Pr Carbonne, praticien hospitalier du service de gynécologie-obstétrique de l'hôpital Saint-Antoine à Paris, mène un raisonnement tout à fait complémentaire. Il précise que « les études préliminaires réalisées sur l'animal, montrent qu'il y a des possibilités ». Mais il émet une réserve sur la pseudo révolution de « ces essais qui dans un cas, ne prolongent pas la viabilité embryonnaire et dans l'autre, portent essentiellement sur des foetus dont la gestation ne débute pas in vitro mais dans un véritable utérus. La seule chose qui me parait réalisable dans quelques décennies reprend-il, serait lors de naissances ultra prématurées, de proposer une fin de gestation hors du corps maternel. Néanmoins, parvenir à faire se développer uniquement in vitro un embryon obtenu par Fiv, semble loin d'être envisageable, assure le Pr Carbonne, compte tenu de la complexité des phénomènes d'implantation d'un embryon dans un utérus artificiel. Proposer à nos patientes ce genre de possibilité serait pour l'instant de la science-fiction ».

1- Henri Altan. L'Utérus artificiel. Éditions du Seuil. Mars 2005.