Vous avez dit CMS ? - L'Infirmière Magazine n° 208 du 01/09/2005 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 208 du 01/09/2005

 

structure de soins

Enquête

Administrés par les communes, les 150 centres municipaux de santé (CMS) occupent une place originale dans l'offre de soins. Ils emploient actuellement quelque mille infirmières. Découverte avec le CMS de Malakoff, Hauts-de-Seine.

« Lorsque mon mari a été muté à Paris, nous avons emménagé à Malakoff. J'étais alors jeune diplômée. En passant devant un bâtiment, j'ai lu l'inscription "Centre municipal de santé". D'emblée, cela ne m'évoquait rien. J'ai poussé la porte et demandé à m'entretenir avec un responsable. L'infirmière-chef m'a dit alors : "Vous tombez bien, on manque de personnel !" J'ai quasiment commencé sur le champ », se souvient Joëlle Gendron. Si l'on excepte une escapade à Djibouti pour suivre, une nouvelle fois, son militaire d'époux, Joëlle aura fait toute sa carrière dans l'établissement communal. « Quand je suis revenue d'Afrique, où j'avais travaillé durant deux ans au service pédiatrique de l'hôpital civil, j'ai même attendu pendant un an qu'un poste se libère, car je n'envisageais plus de travailler ailleurs qu'ici. »

Aujourd'hui, on estime à un petit millier le nombre d'infirmières exerçant dans les quelque 150 centres municipaux de santé recensés dans l'Hexagone. Généralement implantés dans les grandes villes ou dans leur périphérie immédiate, la plupart ont ouvert leurs portes dans l'entre-deux guerres. Comme les centres mutualistes et associatifs, les CMS, via le Comité national de liaison des centres de santé (CNLCS), sont adhérents du Regroupement national des organismes des centres de santé (RNOGCS), signataire d'une convention spécifique avec la Sécurité Sociale. Convention qui a été reconduite dans le cadre de la loi 99-1140 du 29 décembre 1999.

Soins de qualité pour tous

Situé dans le centre de la ville, le CMS de Malakoff, baptisé Dr Maurice-Ténine, a accueilli ses premiers patients en 1939. Et si l'architecture de la bâtisse, résolument années 30, n'a pas bougé d'un iota, la prise en charge des patients et l'offre de soins n'ont, elles, cessé d'évoluer au fil des décennies. Les équipes soignantes qui s'y succèdent depuis plus de 65 ans se transmettent l'esprit qui avait animé les fondateurs, médecins, élus locaux, représentants de patients et militants mutualistes : proximité et qualité. L'axiome nourrit l'idée d'une médecine pour tous, grâce notamment au tiers payant pratiqué pour l'ensemble des actes.

Personnel administratif compris, qui représente environ 25 % des effectifs, la structure communale salarie aujourd'hui une centaine de personnes. Si la médecine générale et les soins infirmiers demeurent le coeur de l'activité du centre, une quarantaine de spécialités médicales et paramédicales y sont aujourd'hui offertes. Une aubaine supplémentaire pour la population, car à Malakoff, comme ailleurs en région parisienne, nombre de spécialistes ont dévissé leur plaque ou n'ont pas trouvé de successeur après leur départ. Même constat, ou presque, s'agissant des infirmières libérales. Mais, souligne Michel Limousin, médecin généraliste et directeur du centre, « notre vocation n'est pas de suppléer la médecine de ville ou de nous substituer à l'hôpital. Ce qui nous guide, c'est notre désir commun de travailler différemment et de mettre nos compétences au service du patient, en organisant notamment la permanence des soins. Ici, il n'y a pas de concurrence. Et si chacun est maître de sa consultation, chacun sait également qu'il peut s'appuyer sur le plateau technique et médical performant et sur toute l'équipe. »

« Dossier médical partagé »

Visiblement, les patients le savent aussi. À l'exemple de Geneviève qui fréquente le CMS depuis plus d'un demi-siècle. À 75 ans, il ne lui viendrait même pas à l'idée de consulter ailleurs. « Ici, j'ai tout ce qu'il me faut, et j'ai parfaitement confiance, alors pourquoi changer ? », déclare-t-elle. D'autant que son dossier médical la suit depuis le premier jour. « C'est un peu l'idée du dossier médical partagé avant la lettre, avec pour premier objectif que les soignants coopèrent entre eux », précise le Dr Limousin. Avec une file active de près de 20 000 personnes en 2004, le centre Ténine affiche quasiment complet. Difficile d'accueillir plus de malades avant le prochain réaménagement des bâtiments, programmé d'ici à deux ans. L'ouverture de nouvelles consultations n'est pas à l'ordre du jour. Le dernier médecin généraliste recruté a rempli son agenda en moins de trois semaines. La demande de la population est donc très forte pour cette offre de soins. Malakoff compte à peine 30 000 habitants.

Diversité et autonomie

Du côté du service de soins infirmiers, l'activité bat son plein, mais on respire cependant. Avec la récente embauche d'un quatrième IDE, l'équipe est enfin au complet. Mais il aura fallu plus d'un an pour recruter un soignant. Et si, comme partout, la pénurie de professionnels fait son oeuvre, elle n'explique pas tout. En réalité, la grande majorité des IDE ignorent l'existence de ce type de structure ou méconnaissent leur fonctionnement et leurs missions. Un constat vérifié avec Ludovic Cochetel, le « petit nouveau » qui, s'il se souvient d'avoir effectué un stage dans un CMS au cours de ses études, avoue ne pas avoir gardé de ce bref passage un souvenir impérissable. De surcroît, son désir de travailler en psychiatrie l'a naturellement conduit à prendre un poste à l'hôpital.

Après quatre ans d'exercice aux urgences de nuit à Sainte-Anne (Paris) son engouement du début s'est pourtant épuisé... et lui aussi. « Je n'en pouvais plus », résume-t-il simplement. Comme il venait d'être père, les horaires de nuit étaient également devenus un problème difficilement gérable. Parmi les propositions qu'il a alors étudiées, celle du CMS lui est apparue comme la plus séduisante, tant à titre personnel que professionnel. « J'ai accroché sur la diversité du travail et des soins, et aussi avec la relation qu'on pouvait avoir avec les patients, explique-t-il. L'autonomie offerte m'a aussi décidé à sauter le pas. » De fait, depuis la création d'un service de soins infirmiers à domicile (Ssiad), géré par un autre service de la ville, l'équipe d'IDE, divisée par deux, est maintenant supervisée par un médecin généraliste. « Je considère que les infirmiers sont des professionnels responsables et qu'ils savent ce qu'ils ont à faire. Dès lors, je n'interviens que sur des aspects médicaux et sur le choix d'options thérapeutiques. Et une fois par mois, nous faisons le point sur le fonctionnement du service », indique le Dr May.

Une ambiance de travail qui sied parfaitement à Bernard Jaquet. Arrivé « par hasard » et sûr de vouloir partir au bout d'un an, il achève sa 26e année de service au centre. « Moi, j'ai besoin d'air. Si je n'avais pas été infirmier, j'aurais volontiers été facteur ! Jusqu'à la mise en place du Ssiad, j'ai fait beaucoup de soins à domicile, et sans les contraintes administratives et comptables de l'exercice libéral. Certains pourraient penser qu'on se sclérose dans ce type de structure. Je n'ai pas du tout ce sentiment. Être infirmier dans un CMS est sans doute moins prestigieux que de travailler dans un service de pointe de CHU, mais la question qui m'anime aujourd'hui, c'est de savoir si je suis utile à la population. Et la réponse est oui ! C'est bien là l'essentiel », conclut l'infirmier.

Laboratoire de biologie

Au quotidien, le travail des IDE est aussi divers que varié. À tour de rôle, ils effectuent chaque jour des prélèvements au domicile d'une douzaine de patients. Une tâche prisée par tous car « elle préserve de la routine ». Le CMS dispose d'un laboratoire de biologie de tout premier ordre ; en 2004, il a traité quelque 26 000 ordonnances. C'est d'ailleurs cette activité rentable, avec la radiologie, qui permet à l'établissement d'équilibrer son budget, les soins infirmiers étant chroniquement déficitaires. « On s'en est fait une philosophie », plaisante Bernard Jaquet. Avec ou sans rendez-vous, l'équipe assure toute la journée, y compris les week-ends, une permanence de soins ainsi que la prise en charge des urgences. Chaque IDE a d'ailleurs suivi une formation spécifique. En outre, le CMS s'est équipé de matériels adaptés : lit et défibrillateur.

Accueil des étudiants

De son côté, Joëlle a fait des soins et pansements en phlébologie une spécialité. Elle assiste le médecin à chacune de ses consultations. « C'est assez technique, mais les patients, notamment les plus âgés, apprécient beaucoup de se faire soigner près de chez eux. Au moindre problème, ils savent aussi qu'ils peuvent venir à n'importe quel moment », explique l'infirmière. À deux ans de la retraite, Joëlle commence à former ses collègues afin de transmettre son savoir-faire. Pour sa part, Jacqueline Lavie, qui annonce douze ans d'ancienneté, n'a pas l'intention de retourner à l'hôpital. « Au départ, j'ai été un peu déroutée, mais j'ai vite aimé la façon dont on travaillait ici. La qualité des contacts avec les patients et la polyvalence réclamée par ces tâches me conviennent parfaitement. À terme, j'espère que l'on améliorera encore l'accueil des patients avec le réaménagement et la modernisation du service », dit-elle. En début d'après-midi, Jacqueline filera au centre administratif et médical Henri-Barbusse, situé à l'autre bout de la ville, pour assurer une permanence de deux heures sur rendez-vous. Entre autres missions, l'équipe accueille régulièrement des étudiants en soins infirmiers des Ifsi alentour. Le manque de lieux de stage joue aujourd'hui en faveur des CMS. « C'est pour nous l'occasion de nous faire connaître auprès des futurs professionnels », commente le Dr Limousin. Certes, les centres municipaux semblent souffrir d'un déficit d'image et ils peinent parfois à recruter. Mais, une fois embauchées, les IDE n'ont plus envie d'en partir. Il doit y avoir de bonnes raisons !

VRAI-FAUX

> Il est nécessaire de résider sur la commune pour être usager d'un centre municipal de santé (CMS).

FAUX. Les CMS sont accessibles à l'ensemble de la population, dans les mêmes conditions qu'à l'hôpital. Il suffit de présenter sa carte d'assuré social.

> Pour travailler dans ce type de structure, il faut abandonner son statut d'hospitalier public.

FAUX. Par le biais du dispositif de détachement, un infirmier de la fonction publique hospitalière peut passer d'un secteur à l'autre. Le détachement peut être renouvelé tous les trois ans. L'IDE peut également demander une mutation dans le secteur de la fonction publique territoriale tout en conservant ses acquis : grade, échelon, ancienneté et salaire. Attention : la nature et le montant des primes peuvent varier.

> Au sein d'un CMS, on peut accéder à des fonctions d'encadrement.

VRAI. À condition, cependant, d'avoir obtenu un diplôme de cadre. Ce préalable étant obligatoirement doublé d'un concours sur titre. Le plus souvent, il s'agit d'un entretien. Tout comme les IDE, les cadres de santé peuvent exercer par voie de détachement ou de mutation. Attention : les postes ne sont pas très nombreux.

> Chaque CMS détermine son organisation et ses orientations.

VRAI. Il n'y en a pas deux identiques. Le fonctionnement est déterminé par la municipalité en fonction des priorités qu'elle s'est fixées, de ses moyens et des besoins de la population. Les CMS conventionnés par la Sécurité sociale évoluent dans un cadre législatif contenu dans la loi du 19 décembre 1999.