Cinquante ans de Croix-Marine

Sous l'impulsion de ses fondateurs, Pierre Doussinet et Alice Delaunay, la Fédération d'aide à la santé mentale Croix-Marine(1) est liée, dès sa création en 1952, à la rénovation des conditions de vie du malade mental. Issue du mouvement de la psychothérapie institutionnelle, qui souhaitait transformer l'hôpital psychiatrique, la fédération était « une des rares associations qui s'occupaient du problème de la réinsertion, de la vie sociale des patients », rappelle Bernard Durand, pédopsychiatre et président de la Fasm Croix-Marine. Dans le même temps, de nombreuses associations se sont fédérées pour former dès les premières années de fonctionnement « un creuset extraordinaire ouvert à toutes les catégories professionnelles ».

Depuis, la situation de la psychiatrie en France a beaucoup changé, et la baisse considérable du nombre de lits explique que « parmi les gens en situation d'exclusion se trouve un grand nombre de malades mentaux ». Dès lors, la croix bleu marine d'origine, devenue Croix-Marine, symbolise le souci de prise en charge de ces malades. Reconnue d'utilité publique en 1986, la fédération s'est fixée pour mission de « faciliter la vie sociale des patients ainsi que la qualité des soins par la participation des soignants, et de permettre une plus grande souplesse dans la mise en oeuvre de différents traitements thérapeutiques ou sociaux », remarque Bernard Durand. Aujourd'hui, 300 associations et 130 établissements, répartis dans quinze coordinations régionales, constituent le tissu vivant de la Fasm Croix-Marine. On y trouve à la fois des associations de petite taille vouées à animer la vie sociale des établissements, et des associations plus importantes, gestionnaires de secteur ou d'établissements. La fédération organise chaque année des journées nationales de formation continue. Elles regroupent environ 800 à 1 000 participants. Cette année, les 54es Journées nationales se sont déroulées les 26, 27 et 28 septembre autour de la notion de risque qui « résonne avec la complexité de la maladie psychique, les avatars de la relation thérapeutique, les exigences éthiques et la perspective paralysante de la responsabilité médico-légale ».

changer la société

En septembre 2004, le docteur Bernard Durand est devenu président de la Fasm Croix-Marine pour trois ans. Devenir psychiatre était pour sa génération un engagement professionnel et militant lié à la volonté de « changer la psychiatrie, voire la société ». Il constate avec regret un déficit militant chez les jeunes psychiatres d'aujourd'hui. « Le militantisme existe encore, mais il s'est développé du côté des familles, avec qui la Fédération est en contact permanent. La Fédération tente de développer un partenariat avec l'Unafam, la Fnap-Psy et les élus locaux en vue de créer des clubs d'entraide », ajoute le président. Clubs d'entraide, proposition jugée « intéressante » du plan de santé mentale de février 2005, « à condition qu'ils ne se positionnent pas à la place des soignants mais dans la continuité des soins », explique Bernard Durand. Un plan de santé mentale qu'il estime « globalement positif car pour la première fois il prend en compte l'articulation des différents points de vue : soin, accompagnement social, prévention, formation des personnels. Il répond assez bien aux préoccupations des professionnels et aux besoins des patients. » Néanmoins, de nombreuses incertitudes budgétaires demeurent : « 65 millions d'euros d'apport annuels réels sont peu de chose au regard des chiffres avancés par Philippe Douste-Blazy à la presse », nuance le président.

continuité des soins

La Fasm Croix-Marine, est décidée à promouvoir, notamment à travers la revue Pratiques en santé mentale, l'ouverture au champ médicosocial (comme en témoigne la nomination au poste de vice-présidente de la fédération d'Annick Hennion, directrice générale de l'oeuvre Falret). « L'un des enjeux majeurs de la santé mentale réside dans la manière dont pourra s'organiser une réelle continuité des soins grâce à l'articulation et à la complémentarité du secteur psychiatrique et des dispositifs médicosocial et social », conclut Bernard Durand.