Dénoncer les dysfonctionnements - L'Infirmière Magazine n° 209 du 01/10/2005 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 209 du 01/10/2005

 

Hôpital

Juridique

La diffusion des « feuilles d'événements indésirables » dans les établissements hospitaliers facilite la dénonciation, pour l'infirmière, de tout incident, indépendamment de sa nature.

Si l'obligation de signaler un dysfonctionnement interne relevait traditionnellement, au sein de l'équipe de soins, de la compétence du cadre infirmier, la généralisation des « feuilles d'événements indésirables » a étendu cette obligation à l'ensemble du personnel. Quant à l'obligation de signalement judiciaire, elle s'impose à tous, quels que soient son rôle et ses missions.

rédaction du rapport d'incident

Traditionnellement, il incombe à l'infirmière cadre de rédiger le rapport d'incident (ou rapport circonstancié). Ainsi, ledit rapport devra être établi dans tous les cas où :

- survient un événement inhabituel ;

- existe une situation dangereuse ou susceptible de l'être ;

- survient un incident.

Ainsi, à chaque fois qu'un événement ou un incident peut être à l'origine d'un dommage pour quelque personne que ce soit, un rapport doit être dressé. À titre d'exemple, devra faire l'objet d'un rapport : l'état défectueux d'un lieu, le mauvais fonctionnement d'un appareil, la faute ou l'erreur commise par un membre du service, le vol d'objet, de matériel ou de médicaments, ou encore l'agressivité particulière d'un malade.

Le rapport doit être établi dans les plus brefs délais. Il doit être complet, précis en relatant les lieu, date, heure, identification, mesures prises, témoignages, etc. Enfin, le rapport doit rester objectif. Il s'agit d'un acte administratif qui doit être remis au directeur par la voie hiérarchique habituelle.

Aujourd'hui, dans le cadre des démarches de qualité à l'hôpital, la pratique des fiches d'événements indésirables tend à se généraliser dans les établissements. Une telle pratique permet aux infirmières de signaler elles-mêmes tout événement qu'elles considèrent comme anormal, et ce, alors même que la situation ne leur permet pas d'en parler avec leur cadre, ou que cette dernière ne souhaite pas rédiger de rapport. Certaines de ces fiches d'événements indésirables, qui prennent souvent la forme de formulaire à remplir, sont parfois dotées de double, qu'il convient de conserver. Si le formulaire est rédigé sur papier simple (sans double), mieux vaut en faire une photocopie et la conserver, avant de transmettre l'original. Ainsi, ne pas dénoncer un dysfonctionnement à sa hiérarchie, lorsque la qualité des soins est en cause, peut entraîner une sanction disciplinaire. En fonction du dommage, cette sanction peut aller du simple avertissement à la révocation ou au licenciement.

signalement judiciaire

Selon l'article 434-1 du Code pénal, le fait, pour quiconque, d'avoir connaissance d'un crime dont il est encore possible de prévenir ou de limiter les effets, ou dont les acteurs sont susceptibles de commettre de nouveaux crimes qui pourraient être empêchés, et de ne pas en informer les autorités judiciaires peut être puni jusqu'à trois ans d'emprisonnement. Dans le même sens, l'article 434-3 du Code pénal oblige celle ou celui qui a eu connaissance de mauvais traitements ou privations infligés à un mineur de quinze ans et moins ou à une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison d'une maladie, d'une infirmité, d'une déficience mentale ou physique ou d'un état de grossesse, à en informer les autorités judiciaires ou administratives, sous peine de trois ans d'emprisonnement.

Ces obligations légales qui vont bien au-delà des simples obligations réglementaires de dénonciation administrative d'un dysfonctionnement, concernent toute personne, s'imposent à tout citoyen, quels que soient son statut et ses fonctions. Et en cas de non-respect, les sanctions peuvent être lourdes. En outre, le Code de procédure pénale oblige les fonctionnaires qui, dans l'exercice de leurs fonctions, acquièrent la connaissance d'un crime ou d'un délit, d'en donner avis sans délai au procureur de la République, et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs.

Il est évident que les situations de danger ou de maltraitance des enfants et/ou des adolescents concernent tous les citoyens, et en premier lieu ceux qui sont en relation directe avec eux. À ce titre, rappelons que l'article 5 de l'ancien décret du 11 février 2002 relatif aux actes professionnels et à l'exercice de la profession d'infirmier (nouvel article R. 4311-5 du Code de la santé publique), prévoit que dans le cadre de son rôle propre, l'infirmière accomplit les actes ou dispense les soins visant à identifier les risques et à assurer le confort et la sécurité de la personne et de son environnement et comprenant son information et celle de son entourage et notamment le dépistage et l'évaluation des risques de maltraitance : il s'agit à ce titre de soins relevant du rôle auto- nome de l'infirmière, c'est-à- dire engageant sa responsabilité propre, sans qu'elle puisse être partagée.

CE QU'IL FAUT RETENIR

Tout agent hospitalier, quel que soit le poste qu'il occupe, est tenu de dénoncer les dysfonctionnements propres à son service auprès de sa hiérarchie, à partir du moment où ces dysfonctionnements portent ou risquent de porter atteinte à la qualité des soins. Cette obligation purement réglementaire peut prendre la forme d'une véritable obligation imposée par la loi pénale, au titre du signalement judiciaire.

Articles de la même rubrique d'un même numéro