Du bon usage des usagers - L'Infirmière Magazine n° 209 du 01/10/2005 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 209 du 01/10/2005

 

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Horizons

Acteurs désormais incontournables, les représentants d'usagers sont très sollicités. Un habit souvent trop grand pour eux. D'où une formation unique proposée à Nantes pour donner les clés d'un univers complexe !

Discret, calme, le contraire d'une « grande gueule »... Patrick, jeune retraité devenu usager du système de santé par la force des choses (son fils souffre de troubles psychiques), s'apprête à assister à la troisième et dernière journée de cette formation unique en France, ouverte en 2002 et intitulée « Participation des usagers au fonctionnement du système de santé ». Ce programme, imaginé par la Direction régionale des affaires sanitaires et sociales (Drass des Pays-de-la-Loire en collaboration avec le Cnam, Conservatoire national des arts et métiers), est destiné à « éclairer les citoyens sur leurs droits en matière de santé et sur la représentation des usagers du système de santé », peut-on lire sur la plaquette de présentation. Plus précisément, il est taillé sur mesure pour les bénévoles des associations regroupant les malades et les familles de patients. Ces derniers sont invités rapidement à prendre des responsabilités au sein de leur association, et ainsi devenir représentant des usagers.

C'est le cas de Patrick et des huit autres usagers présents. Qu'ils soient impliqués dans des associations locales ou nationales, comme l'Union nationale des familles de malades psychiques (Unafam) pour Patrick, Vaincre la mucoviscidose ou encore l'Association des polyarthrites de France, ils sont pris dans un engrenage associatif, que tous constatent. « Localement, notre groupe est tout petit, témoigne une bénévole de l'Unafam. Alors, on est projeté tout de suite sur le devant des institutions ! » Il faut alors des outils pour faire au mieux, quand par exemple, raconte une des participantes, « l'association vous sollicite pour aller au pied levé à une grande réunion de préparation du schéma régional d'organisation des soins (Sros) au cours de laquelle on vous demande l'avis des usagers ! » Une expérience franchement désagréable pour cette bénévole, vécue ou appréhendée par les autres usagers.

« révolution culturelle »

Depuis les ordonnances Juppé de 1996, qui instituent l'obligation de nommer des usagers au conseil d'administration des établissements publics, et surtout la fameuse loi du 4 mars 2002, qui consacre l'usager comme acteur à part entière du système de santé, la tendance est à la réunionite aiguë. « Dès que vous devenez administrateur d'un hôpital, l'Agence régionale de l'hospitalisation ou la Drass vous tombent dessus pour participer à des réflexions, note Claude Finkelstein, présidente de la puissante Fédération nationale des associations d'(ex)-patients en psychiatrie, et intervenante au cours de la formation du Cnam. Réfléchir sur les grandes orientations, sur cinq ans, comme c'est le cas pour les Sros, est très lourd pour de simples usagers. On leur demande d'être des experts sans leur en donner les moyens. » Cette formation est donc conçue pour pallier ce décalage.

Une grande partie du programme est ainsi consacrée au droit des malades et des usagers du système de santé, animée par une avocate spécialisée en droit médical. On aborde aussi (très rapidement) la prise de parole en public, des notions d'éducation et de promotion de la santé, l'organisation des politiques de santé, leur financement, les réformes actuelles (plan Hôpital 2007)... Sans oublier la participation et l'implication du représentant d'usagers. Sujet ô combien sensible, tant cette mutation culturelle engagée autour de la place centrale de l'usager, au statut évoluant de celui d'objet à celui de sujet acteur de son avenir médical, soulève des blocages parmi les professionnels de santé (cf. encadré ci-dessus).

Monique Guillouët, infirmière pendant 25 ans avant de devenir directrice de l'unité de santé publique du Cnam des Pays-de-la-Loire, et initiatrice de cette formation innovante, emploie même les termes de « révolution culturelle dans l'avenir de l'hôpital et de l'usager ».

Cet après-midi-là, le thème de « la participation et l'implication du représentant d'usagers » fait écho aux préoccupations des bénévoles. Débordante d'énergie, inlassable défenseuse des malades et de leurs familles, militante depuis huit ans et aujourd'hui présidente de la Fédération nationale des associations d'(ex)-patients en psychiatrie (32 associations, 4 500 usagers), Claude Finkelstein n'est pas la dernière à pointer les difficultés pour faire valoir le point de vue de l'usager auprès des professionnels.

partenaire, pas opposant

Ainsi, elle avoue parler davantage de « commission de réconciliation que de commission de conciliation », quand elle évoque cette instance d'expression des problèmes (hors médicaux) créée en 1996, aujourd'hui remplacée par la commission des relations avec les usagers et de la qualité ! C'est dire le fossé qui sépare les professionnels et le public... Mais, si cette administratrice des hôpitaux parisiens de Sainte-Anne et de Maison-Blanche entend bien exploiter toutes les prérogatives attribuées au patient et à sa famille, elle oeuvre dans une logique de partenaire, pas d'opposant. Pour faire passer ce message aux professionnels médicaux et paramédicaux, la présidente de la Fnap-Psy estime que le représentant doit aller à la rencontre des services et des professionnels. « On peut ainsi expliquer qu'on n'est pas là pour créer du conflit, mais pour le bienfait de l'usager et de l'hôpital. En veillant à ce que l'usager soit considéré avant le reste. Sans usager, pas d'hôpital ! » À l'entendre au cours de cette session, ce n'est pas chose facile, tant l'univers hospitalier est hermétique aux usagers. « Il y a une logique de l'institution qui est à côté de celle de l'usager. Au cours des conseils d'administration, vous entendez parler de poste budgétaire, de bâtiment à rénover, du tarif de la cantine... Mais très peu de l'usager. En plus, l'organisation interne ne prend pas en compte le fait que nous sommes des bénévoles. L'ordre du jour n'est parfois reçu que trois jours avant la réunion, et il peut arriver de recevoir deux invitations pour des conseils d'administration se déroulant le même jour et à la même heure ! Mais, malgré tout, le fait d'être présent change déjà beaucoup. Certaines choses ne sont plus dites. Je dirais même que je préfère un représentant potiche que pas de représentant du tout ! » Pas certain que les bénévoles présents goûtent cette position politique, car leur souci est plus d'avoir les clés pour mener le mieux possible une mission qu'ils subissent souvent, simple bénévole devenu porte-parole, que de faire de la figuration.

témoignage

« Les usagers dérangent en fait »

La « révolution » qui octroie à l'usager une place centrale dans le système de santé a un nom : loi du 4 mars 2002. « Il y est prévu la participation de l'usager à toutes les décisions concernant la politique de santé, explique Monique Guillouët, directrice de l'unité de santé publique du Cnam des Pays-de-la-Loire et initiatrice de cette formation. Et puis, on parle du droit de l'usager. Le droit notamment d'être informé avant qu'on lui fasse subir un examen par exemple. Tout professionnel doit obtenir de sa part son consentement éclairé. Cette obligation d'information pour tout geste médical est ressentie comme un coup de tonnerre ! Peu d'infirmières sont au courant.

Cela dépend beaucoup de la bonne volonté du cadre. Il faut dire que les usagers dérangent en fait. Les professionnels ont peur que l'usager soit un adversaire. Mais, après 150 bénévoles formés au Cnam, on se rend bien compte qu'ils adhèrent tout à fait à cette notion de partenaire et qu'ils ne sont pas là pour s'opposer au professionnel, ni pour faire à sa place.

En réalité, les professionnels ne sont pas prêts à remettre en cause leurs pratiques. Pourtant, cette évolution de fond est inéluctable.

On constate aussi que là où un travail de partenariat est vraiment engagé, on avance plus vite. On travaille aussi avec les infirmières, en établissements ou libérales, autour de cette nouvelle donne. Par exemple, au cours de formations sur la maladie d'Alzheimer ou la sclérose en plaques, on fait intervenir des associations. »

contact

- Cnam, unité de santé publique, 25, boulevard Guy-Mollet, BP 31115, 44311 Nantes cedex 3.

Mél : m.guillouet@cnam-paysdelaloire.fr.

Internet : http://www.cnam-paysdelaloire.fr.

Tél. : 02 40 16 10 67.