Les patients Attrap'(la)lune

Samedi, quatorze heures, dans les locaux prêtés par la commune de Meythet, en Haute-Savoie. Aujourd'hui, au programme : chorale ! En attendant Claire, la « prof » de chant, les usagers savourent un thé et quelques biscuits. « Qu'avez-vous chanté, la semaine dernière ? », demande une bénévole. Les nouveaux, qui hésitent à chanter, tendent une oreille discrète. « L'Aigle noir de Barbara », répondent en choeur deux des habituées. Claire est arrivée. La séance commence. D'abord, quelques exercices d'échauffement. Puis, les voix s'élèvent, des fausses notes fusent. Mais l'ensemble est harmonieux... et de toute façon, peu importe la qualité de la musique, seule compte la joie d'être ensemble.

hésitations

Timidement, un nouveau approche à pas de velours et s'assoit au fond de la salle. Il hésite. Puis, se rétracte. Tant pis, ce sera peut-être pour la prochaine fois. En attendant, la coordinatrice discute avec ceux qui sont restés à « l'accueil ». Certains terminent leur dessin pour le cours de peinture.

« Nous sommes partis d'un constat simple ! », remarque Corinne Chazottes, la coordinatrice de l'association Attrap'Lune(1), « les personnes en souffrance psychique se sentent souvent très seules et exclues. » Et l'accès aux autres structures de loisirs n'est pas toujours évident et ne permet pas forcément de tisser de nouvelles relations. Dans les clubs de sports ou les centres de loisirs traditionnels, les gens ne sont pas là pour se faire des amis, mais avant tout pour pratiquer un sport ou une activité. Difficile, donc, pour une personne isolée de faire des rencontres. Le club de loisirs Attrap'lune se veut un « repère » pour rompre l'isolement et favoriser le lien social qui pourra permettre éventuellement l'accès aux structures de loisirs classiques. Il propose tous les samedis après-midi des activités culturelles ou sportives « aux personnes en souffrance psychique ».

lieu chaleureux

L'idée avait germé dans les têtes de travailleurs médicosociaux depuis 1999. Aucun club de loisirs de ce type n'existait dans la ville, ni dans le département. Après avoir visité d'autres structures et après maintes sollicitations auprès d'organismes publics pour des subventions, l'association voit le jour en mars 2004. « Nous souhaitions mettre en route les activités à l'automne 2004, mais nous ne savions pas comment faire car nous n'avions pas de financement ! », précise Corinne Chazottes. Puis, grâce à une aide européenne, Attrap'Lune accueille ses premiers usagers le 6 novembre 2004. Et cette subvention « de démarrage » accordée par le fonds social européen dans le cadre de son soutien aux micro-projets associatifs a permis la création d'un poste de coordinatrice à temps partiel. Un poste clef qui a permis de créer « un fil conducteur, un repère et une présence rassurante auprès des adhérents comme des bénévoles ». Présente lors de toutes les activités, la coordinatrice gère l'accueil avec l'aide d'un bénévole. Cette année, les usagers ont pu découvrir de nombreuses activités : théâtre, aquarelle, lecture de contes, chants, jeux de société, participation aux événements de la ville comme le carnaval ou la fête de la fraternité. Les plus anciens sont devenus des fidèles !

échanges fructueux

Adhérente depuis novembre 2004, Monique se sentait particulièrement isolée et très seule. « Je ne savais pas où m'inscrire. J'ai adhéré à Attrap'Lune et j'ai trouvé ce lieu très convivial. J'ai beaucoup aimé apprendre à peindre et à chanter », confie-t-elle. Gisèle est fidèle au club depuis janvier dernier. « J'apprécie le côté humain de l'association et j'aime bien être en groupe. » Quant à Yolande, elle a aussi adhéré pour « se couper » de la solitude. « J'ai aimé découvrir des activités que je ne connaissais pas ! » Et tout le monde y trouve son compte. Les animateurs bénévoles se sont eux aussi sentis comblés par les échanges avec les usagers. Michèle, qui encadrait l'activité « aquarelle » et qui ne connaissait pas ce type de public, a beaucoup appris. « L'activité, c'est un prétexte. On passe beaucoup de temps à parler. On s'est tous attachés les uns aux autres. Quand je ne viens pas, cela me manque ! » Claire, professeur de musique dans un collège, souhaiterait devenir art-thérapeute. « Je suis exigeante. Nous fonctionnons comme une vraie cho- rale ! », souligne-t-elle.

Seul bémol, la bourse du FSE n'a été accordée que l'année de démarrage. L'association ne pourra donc pas pérenniser le poste de coordinatrice l'année prochaine mais fonctionnera uniquement avec des bénévoles.