À l'HEGP, la dosimétrie fait bonne mesure - L'Infirmière Magazine n° 210 du 01/11/2005 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 210 du 01/11/2005

 

radioprotection

Enquête

De nouvelles règles de protection contre les dangers des rayonnements ionisants ont été introduites en 2003. La dosimétrie opérationnelle devient obligatoire en « zone contrôlée». Comme, par exemple, à l'HEGP.

Un peu plus petit qu'un téléphone portable, le dosimètre opérationnel doit être porté par tout agent en « zone contrôlée ». La mise en place du dispositif a démarré cette année à l'Hôpital européen Georges-Pompidou (HEGP). Il permet à une infirmière d'être alertée tout de suite du risque encouru.

« De récentes dispositions législatives et réglementaires sur la protection des travailleurs contre les dangers des rayonnements ionisants modifient le suivi dosimétrique des personnels travaillant en zones contrôlées ou surveillées, résume Paul Cillard, personne compétente en radioprotection à l'HEGP. La dosimétrie opérationnelle est nouvelle, et complémentaire de la dosimétrie existante. Elle permet à l'agent de gérer lui-même sa propre radioprotection, en adaptant ses pratiques au quotidien. Elle permet à la personne compétente en radioprotection de l'établissement d'établir des stratégies de prévention et de gestion du risque radiologique. » Lorsque le soignant constate une petite exposition sur son dosimètre opérationnel, il peut aussitôt réfléchir à l'origine de cette exposition. Selon les cas, la prévention peut consister à modifier ses pratiques, à améliorer l'organisation du travail ou de l'équipement. L'opportunité de ces corrections peut être discutée avec un ou plusieurs des partenaires de la santé et de la sécurité au travail : le cadre de proximité, la personne compétente en radioprotection, le médecin du travail...

Dès l'ouverture...

Les hôpitaux connaissent de nouvelles inspections à la suite de ces dispositions légales et réglementaires. Un inspecteur de la préfecture vient vérifier si les agents travaillent en respectant les nouvelles lois sur les dosimétries classique et opérationnelle. Il leur demande s'ils ont suivi une formation récente sur la radioprotection, comme la loi le réclame. Il vérifie si les locaux sont conformes. L'HEGP a accueilli plusieurs inspections de ce type récemment.

L'Hôpital européen Georges-Pompidou a ouvert en juillet 2000. Il se devait de répondre aux exigences de la législation lors de son ouverture. L'hôpital neuf est issu des restructurations et fusion des hôpitaux Broussais, Boucicault et Laënnec. « On pouvait prévoir une diversité des procédures dans les équipes », notait le Dr Martine Domart, médecin du travail à l'HEGP lors de la 5e Conférence mondiale sur la santé des soignants. Une rencontre réunit le médecin du travail et les cadres des services utilisant les rayonnements ionisants dans ces hôpitaux et bientôt transférés dans le nouveau.

« Une dynamique de sensibilisation à la radioprotection devait être créée chez les agents concernés, avant qu'ils n'aillent dans le nouvel hôpital, indique le Dr Domart. Cinq groupes de travail, regroupant les services en cinq secteurs, sont créés. Outre les ingénieurs biomédicaux, le coordonnateur de la radioprotection et le médecin du travail, ces rencontres réunissent les utilisateurs des sources de rayonnements ionisants - médecins, cadres, personnels médicotechniques et soignants - des trois hôpitaux initiaux. »

La protection individuelle est prévue : tablier de plomb, lunettes en verre plombé, protège-thyroïde, moufles de protection... Les critères de choix retenus : adaptation à la charge de travail, équipements en nombre suffisant pour le nombre d'utilisateurs, adaptation des équipements à la technique, au poste de travail et à la taille de l'individu, respect des normes européennes... Le recensement des sources de radiations ionisantes et leur cartographie est faite pour l'ouverture de l'hôpital.

Contrôles d'ambiance

Le décret du 31 mars 2003 oblige à redéfinir le « zonage des lieux » et la classification des agents. « L'évaluation des risques permet de déterminer et cartographier des zones à risques en fonction des expositions susceptibles d'être reçues dans des conditions normales de travail, note Paul Cillard. On distingue les zones contrôlées et les zones surveillées en fonction de la source de rayonnements. La zone est déterminée selon plusieurs paramètres : qualité de la source, nature et énergie du rayonnement, irradiation continue, intermittente... » Chaque zone est identifiée par des pictogrammes : trèfles verts pour une zone contrôlée, trèfle gris pour une zone surveillée. Le port du dosimètre opérationnel est obligatoire uniquement en zone contrôlée. Le dosimètre passif est obligatoire quelle que soit la zone.

Ces zones font l'objet de « contrôles d'ambiance » réguliers. « Les résultats, que je mets à jour régulièrement, sont accessibles par tous les soignants concernés sur un serveur Intranet d'informations relatives à la radioprotection, poursuit Paul Cillard. Les zones les plus sensibles sont les services de radiologie et de cardiologie interventionnelles, qui réclament une attention particulière, puis le service de médecine nucléaire. Nous dénombrons 1 007 agents travaillant dans les services où il existe une source radiative. Parmi eux, 500 sont susceptibles d'être exposés : 101 sont classés en catégorie A, 399 en catégorie B. Ce classement ne modifie pas le suivi médical de l'agent. Il permet d'attribuer un dosimètre passif à périodicité trimestrielle et de cumuler sur trois mois l'enregistrement de faibles doses qui passent au-dessus du seuil de détection du dosimètre. » Il s'agit d'un dosifilm porté à la poitrine. Ce film photographique donne l'exposition du corps entier pendant cette période.

Mains surveillées

Anne-Christine Nicklaus est chargée des relations avec les services et des questions logistiques relatives aux dosifilms. Un correspondant par service veille à ce qu'ils soient donnés et récupérés. « Grâce à ma collaboratrice, nous avons pu réduire considérablement le nombre de films non rendus à l'IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire). Nous avons maintenant de bons résultats. »

« Le résultats est égal à 0 pour un grand nombre de films, précise Paul Cillard. En fait, ce 0 n'indique pas une absence d'exposition. Cela signifie qu'elle est inférieure au seuil de détection du film. » Ce seuil a longtemps été de 0,20 mSv. Il existe depuis peu des dosifilms plus précis dont le seuil est de 0,10 mSv. Mieux vaut donc les utiliser, surtout pour les agents ne bénéficiant pas de la dosimétrie opérationnelle.

Bagues dosimétriques et dosimètres poignets font aussi partie de la dosimétrie passive. Ils permettent de mesurer l'exposition des mains, qui peuvent se trouver dans le faisceau primaire de radiation. La limite acceptable pour les mains est plus élevée que celle du corps entier. Mais elle peut être plus facilement atteinte pour certaines procédures. Sa surveillance spécifique reste importante.

Nouveaux dosimètres

De petite taille, le dosimètre opérationnel permet de lire instantanément les mesures d'exposition reçues par l'opérateur. Il se place sous le vêtement plombé de protection individuelle. Tout agent travaillant en zone contrôlée doit désormais le porter, en complément de son dosimètre passif. Avant son entrée en zone, il prend un dosimètre sur le support mural. Il l'initialise en le posant sur la borne de lecture. Il s'identifie en tapant un code personnel et en le validant.

Son nom s'affiche à l'écran. Le dosimètre est prêt. À tout moment, le soignant peut consulter les résultats sur le dosimètre. En sortie de zone contrôlée, l'opérateur met le dosimètre en pause, afin qu'il reste disponible pour un autre agent. « Le transfert des données est automatique, lors du passage devant la borne, ajoute Paul Cillard. L'exposition mesurée est affectée sur le compte de l'agent. Il est aussi possible de paramétrer des alarmes qui informeront l'opérateur d'atteinte de seuils spécifiques. Programmée pour cela, elle sonnera si l'agent est trop près d'une source. »

Une fois ce dosimètre électronique utilisé, les mesures sont transmises par connexions informatiques au service de radioprotection de l'HEGP. « Je regarde, chaque jour, les résultats, affirme Paul Cillard. J'interviens lorsque j'en observe de surprenants. Un jour, une infirmière anesthésiste, exposée d'ordinaire à de très faibles doses, a reçu 19 mSv en un jour. L'ayant contactée, j'ai appris qu'elle avait laissé le dosimètre activé dans son vestiaire pendant ses congés. L'exposition n'était due qu'au cumul de l'exposition professionnelle du jour précédant les congés et de la radioactivité naturelle pendant ceux-ci.(1) L'accompagnement importe. On ne peut abandonner les soignants avec ce matériel sans explication. Le contact, créant la confiance, rend possible la prévention des risques.»

Actions correctrices

La sensibilité de ces dosimètres est supérieure à celle des dosifilms. Analyser les causes de l'affichage des doses supérieures à la normale aide à corriger de mauvaises pratiques.

Ainsi, un aide-soignant travaillait dans un service de radiothérapie utilisant des accélérateurs linéaires très sûrs dans des blockhaus radioprotégés conformes. Son dosifilm avait récemment enregistré une faible exposition liée au passage du port mensuel au port trimestriel. Il travaillait à l'accueil. Dans ce service, un dosimètre opérationnel est proposé quelle que soit sa situation de travail. Paul Cillard constate deux petites élévations des doses chez cet agent. Il le rencontre et lui montre les résultats plus élevés tel et tel jour.

Ce sont les jours correspondant à la mise en place de patients au bloc de curiethérapie pour des repérages sous ampli de brillance. « Montre-moi comment tu fais ! », lui demande Paul Cillard. L'aide-soignant décrit la scène. Puis, il se place derrière le paravent plombé - à demi-protégé par l'écran de protection, les places devant la console étant occupées par les manipulatrices. Le dosimètre opérationnel a permis de découvrir la cause de la surexposition, de rencontrer l'agent, de faire un rappel des bonnes pratiques et d'apporter des actions correctrices ciblées immédiates.

Formation

À l'HEGP, l'installation de la dosimétrie opérationnelle s'est effectuée en un an. « Le service de médecine nucléaire, l'imagerie interventionnelle, la curiethérapie l'utilisent. Je m'efforce de mettre les systèmes en place uniquement après avoir effectué des formations sur site avec l'ensemble des personnels médicaux et non médicaux. Cela me permet de remplir les autres obligations réglementaires telles la formation à la radioprotection, renouvelable tous les trois ans, la rédaction individuelle des fiches d'exposition et la remise de la notice de radioprotection. Nous avons reçu les premiers dosimètres opérationnels il y a un an. Nous en avons une centaine actuellement. Nous en prévoyons cent-vingt. Il nous reste les blocs opératoires à équiper. »

mesure

MSV, KÉZAKO ?

L'unité de mesure de l'exposition aux radiations ionisantes est le millisSievert (mSv). La limite annuelle admissible pour une exposition du corps entier est de 20 mSv pour un agent classé en catégorie A, 6 mSv pour celui classé en catégorie B. En l'absence de source artificielle, un dosimètre opérationnel indique une valeur correspondant à l'exposition à la radioactivité naturelle. Cette valeur varie sensiblement en fonction des régions. Elle est égale à 1 mSv par an à Paris.

juridique

VOS PARTENAIRES

La radioprotection des personnels est clairement déclinée dans le décret 2003-296 du 31 mars 2003. Introduite dans le Code du travail, cette réglementation doit être appliquée par quatre partenaires :

- le chef d'établissement, qui désigne la personne compétente en radioprotection ;

- la personne compétente en radioprotection ;

- le médecin du travail ;

- le CHSCT (comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail), notamment vos représentants.