Entourer pour soulager la fin de vie - L'Infirmière Magazine n° 210 du 01/11/2005 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 210 du 01/11/2005

 

Soins palliatifs

Du côté des réseaux

Aide psychologique, retour à domicile : le réseau soins palliatifs Essonne Sud (Spes) met tout en oeuvre pour un accompagnement plus humain des personnes atteintes de maladie grave.

Spes, créée en 2001, s'est fixé pour objectif l'organisation d'un réseau de soins pluridisciplinaires autour du patient atteint d'une maladie grave ou en phase terminale pour son retour à domicile. Cinq permanents parmi lesquels un médecin et deux infirmières coordonnent la structure qui comprend une permanence téléphonique 24 heures sur 24, une aide et un accompagnement psychologiques pour le patient et son entourage. Outre son rôle de coordination et d'interface entre les hospitaliers et les libéraux, le réseau propose également aux professionnels de santé une expertise, des formations, des groupes de parole.

moins seules

Le troisième colloque du Spes, qui s'est tenu le 20 octobre dernier, fut l'occasion de revenir sur les apports du réseau. Corinne Mulot, infirmière libérale à Milly-La-Forêt, a ainsi décrit la prise en charge à domicile d'une personne âgée. L'évolution de l'objectif de guérison vers l'acceptation de son impossibilité, les réunions au domicile avec les membres du réseau et la famille, la collégialité des décisions, les soins de confort prodigués à la patiente en fin de vie... « Spes a favorisé les échanges, les réflexions, les confrontations de connaissances, a-t-elle conclu. Nous, infirmières, nous sommes senties moins seules. » Un point d'autant plus important que celles-ci sont souvent les premières appelées « quand ça va mal ». Sa consoeur, Mélanie Wicks de Maisse, en a témoigné. Appelée au domicile d'un patient en cours de chimiothérapie, elle s'est trouvée confrontée à la douleur d'un homme et au stress consécutif de son entourage sans pouvoir soulager la situation. Des difficultés de communication avec le service d'origine, qui n'avait pas prescrit les calmants nécessaires, le recours à différents prescripteurs par l'épouse du patient, enfin le manque de formation de l'infirmière aux injections d'interferon rendaient la situation chaotique. Une première fois, le recours au réseau de soins palliatifs proposé par l'infirmière a été écarté par le patient qui ne se sentait pas concerné par une prise en charge qu'il imagine propre à la fin de vie. Les séances suivantes furent tout aussi douloureuses et le patient finit par accepter l'intervention du réseau. Les dernières séances ont été prises en charge sans difficultés, grâce à la coordination du réseau, à sa permanence téléphonique, à la présence dans le réseau d'un médecin connaissant le dossier médical et apte à prescrire le traitement destiné à lutter contre les effets secondaires du traitement.

suicides

Mais les interventions de ce colloque ont également concerné l'actualité, notamment la loi relative aux droits des malades et à la fin de vie du 22 avril 2005. Certains aspects du texte ont semblé satisfaisants, d'autres insuffisants. Pour l'avocat Gilles Antonowicz, représentant pour l'occasion l'Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), « la loi renforce en effet les droits des malades, sécurise les médecins et inscrit officiellement le droit au "laisser-mourir" ».

Obligation est désormais faite aux médecins d'éviter toute « obstination déraisonnable » dans les investigations ou la thérapeutique et un décès provoqué indirectement par des traitements dispensés pour lutter contre la douleur ne peut engager la responsabilité du médecin. Le souhait du malade pourra être pris en compte s'il a été exprimé hors situation d'urgence, rédigé au préalable ou relayé par une personne de confiance. Pourtant, cet avocat regrette également que l'idée d'une dépénalisation de l'euthanasie n'ai pas été retenue et que la question de l'assistance au suicide n'y soit pas abordée. « Or, a-t-il rappelé, chaque année, 50 cancéreux se défenestrent, 3 000 à 4 000 personnes de plus de 65 ans se suicident, et le taux de suicide chez les plus de 70 ans est supérieur à 50 % ! »

quelle collégialité ?

Édouard Ferrand, réanimateur anesthésiste à l'hôpital Henri-Mondor de Créteil, a souligné les changements attendus. Selon lui, la crainte du médico-légal, qui conduisait jusqu'à 50 % des médecins à modifier l'information donnée aux proches du malades et 23 % à modifier l'information délivrée au patient, devrait s'estomper. La reconnaissance du double effet des traitements analgésiques ou hypnotiques permettra de différencier l'intention de soulager la douleur de celle de donner la mort. Il a aussi évoqué la possibilité désormais d'interrompre tout traitement, « y compris donc l'alimentation, l'hydratation ».

Enfin, la loi détermine outre le respect du droit du patient, la collégialité du processus de décision. Un point qui a soulevé nombre d'interrogations : des infirmières s'inquiètent du peu d'écho de leur parole au sein du service ; la nécessité de protocoles écrits et de prise de décision motivées dans le dossier ont été signifiés. Même si, selon la loi, ce sont les médecins qui prennent la décision.

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