Faugeras, foyer de vie - L'Infirmière Magazine n° 210 du 01/11/2005 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 210 du 01/11/2005

 

handicapés mentaux

Reportage

C'est au coeur de la Corrèze, à Faugeras, qu'un lieu de vie accueille depuis 1970 des personnes handicapées mentales. En trente ans, ce foyer occupationnel s'est adapté au vieillissement de ses résidents, et s'est ouvert à la mixité. Visite.

Les brumes d'automne se sont dissipées depuis Limoges. La route qui mène au domaine de Faugeras serpente le long des collines de Corrèze. « Le foyer occupationnel » situé sur la commune de Condat-sur-Ganaveix, est à cinq minutes d'Uzerche (une étape pittoresque sur l'autoroute A20, ou sur la ligne du corail Paris-Toulouse). L'air des bois, tiédi par un soleil encore généreux pour la saison, passe par la fenêtre de la voiture. Respirer profondément pour faire disparaître les peurs, les préjugés sur le handicap mental. Hélène Bost-Hourticq, la présidente de l'association qui administre l'établissement, le répète inlassablement : « Tout être humain a un potentiel. Il faut le hisser vers le haut. » Depuis son adolescence, elle mène ce combat pour son frère...

Petit château

Des petites tours, une toiture d'ardoises, une façade blanche se distinguent à travers le feuillage. « Qui a maison à Uzerche a château en Limousin. » Les résidents de Faugeras n'échappent pas au dicton local. Leur demeure est un petit château construit au XIXe siècle sur un domaine de quatorze hectares. Ce cadre exceptionnel ne doit pas faire oublier le combat des familles. « L'association est née du drame que vivaient les familles ayant un enfant atteint d'un handicap mental profond. À l'époque, il y avait une grande pénurie de structures adaptées pour les accueillir, rappelle Hélène Bost-Hourticq. En 1959, le premier établissement que notre regroupement de familles a créé était un petit pavillon de banlieue à Roppe près de Belfort. Le centre de pédagogie curative de Roppe accueillit 16 à 18 enfants, ou adolescents, de sexe masculin. C'est en 1970 que l'opportunité d'acquérir une propriété en Corrèze s'est présentée. »

Les familles sont animées par le souci permanent d'apporter un bien-être affectif, moral et physique, un projet de vie pour chaque résident. Le « foyer à vie », pour reprendre la terminologie de la loi de 1975 sur le handicap, est vite rebaptisé « foyer de vie » par l'association du domaine de Faugeras. Sa mission : accueillir les personnes atteintes d'une déficience mentale suffisamment importante pour qu'un placement en centre d'aide par le travail (CAT) ou en atelier protégé ne soit pas envisageable.

« Les conditions au départ n'étaient pas faciles. Les lieux n'étaient pas fonctionnels. La salle de réunion où nous sommes, était une chambre de six lits », se souvient Albine Vergnes, aujourd'hui cadre éducatrice spécialisée, engagée à Faugeras en mai 1975. « À son ouverture en 1970, le prix de journée était de 50 francs par jour. Nous avions volontairement décidé d'un montant peu élevé pour que ce soit supportable par les familles. Mais cela donnait peu de moyens matériels et humains », témoigne Hélène Bost-Hourticq. Depuis, Faugeras a vu passer les saisons, les projets, les lois : celles de 1975 puis celle du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médicosociale, celle de 1982 sur la décentralisation, qui donne la compétence aux départements pour les financements des prises en charge des personnes handicapées en foyer occupationnel. Et les enfants du centre de Roppe sont devenus des adultes, des personnes âgées.

Mixité

En 1983, les granges de Faugeras sont aménagées, conçues spécialement par rapport aux pathologies des résidents. « Le projet associatif a évolué en fonction du contexte institutionnel et aussi de ses résidents, explique Hélène Bost-Hourticq. En 2003, nous avons ouvert un bâtiment spécialement conçu pour nos résidents les plus âgés. » Les chambres sont toutes de plain-pied, la superficie est adéquate pour que les lits puissent être déplacés aisément. « On peut même les installer sur la terrasse », note Hélène Bost-Hourticq, intarissable. Un bassin de balnéothérapie y est aussi installé. Cette année-là, la mixité entre aussi au foyer. Ce qui était interdit dans les années soixante-dix.

Aujourd'hui, 56 personnes, originaires de 21 départements différents, vivent à Faugeras, dont six femmes. Leurs chambres sont réparties en trois secteurs définis en fonction de la gravité de leur handicap. Sur les 56 places du foyer, deux sont consacrées au placement d'urgence. Des cuisines en passant par les aides médicopsychologiques (AMP), les aides-soignantes, les éducateurs spécialisés, jusqu'à la direction, 56 personnes travaillent à Faugeras. L'équipe soignante se compose de deux infirmières (1,80 ETP), d'un médecin généraliste (salarié 0,16 ETP) et d'un psychiatre (0,10 ETP) ainsi que d'un psychologue. « Un kiné vient aussi le mardi et le jeudi pendant deux heures », note le directeur, Daniel Devaud.

Épanouissement

« L'objectif principal de l'association de Faugeras est la recherche d'un épanouissement de la personne handicapée mentale, d'une harmonisation et d'une joie de vivre. » La devise est déclinée sur le terrain. « Nous élaborons un projet individualisé en fonction des capacités, mêmes faibles, et des intérêts de chacun », observe Véronique Soubion. La deuxième cadre éducatrice spécialisée engagée en juillet 2004 énumère les activités réalisées par les résidents (49 en 2004) : balnéothérapie, massage, équithérapie, cuisine, théâtre, musique, sports adaptés (VTT, randonnée, piscine, foot), informatique, peinture, couture... Sans compter les sorties organisées à Paris en juillet dernier, ou les vacances à Oléron...

Les idées et les envies ne manquent pas. Dans ses cartons, Faugeras a le projet d'une ferme pédagogique ! Le foyer suscite l'émulation et le bien-être. Le photographe Jean-Louis Courtinat en fait la preuve en images(1). Il a rencontré pendant près d'un an les habitants de Faugeras. Interrogez donc leurs regards.

1- Les photos de Jean-Louis Courtinat feront l'objet d'un livre aux éditions Delpire, intitulé La Raison du plus faible, publication prévue en mars 2006. Les photos seront aussi exposées à l'Unesco, à Paris, lors de la semaine du handicap. Le foyer de Faugeras a aussi fait l'objet d'un reportage audiovisuel. Sa diffusion est prévue le 24 novembre prochain sur France 3.