« L'avenir, c'est le foyer logement » - L'Infirmière Magazine n° 210 du 01/11/2005 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 210 du 01/11/2005

 

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Questions à

Deux ans après les milliers de morts causées par la canicule, Pascal Champvert dénonce le « retard » français en matière de service aux personnes âgées. Et se bat, avec son association l'Adehpa, pour de meilleures conditions de logement pour nos aînés.

Pourquoi avoir créé l'Adehpa ?

Pour que notre société soit plus à l'écoute de la réalité vécue par les personnes âgées et les professionnels. Cela implique non seulement une prise de conscience des responsables politiques, mais une sensibilisation de la société toute entière. Ainsi, au printemps dernier, nous avons créé l'association Avvec (Association vivre et vieillir ensemble en citoyens). Cette nouvelle structure associative regroupe tous les directeurs membres de l'Adehpa, mais aussi les personnes âgées et les familles qui font partie de la Fnapaef (Fédération nationale des associations de personnes âgées en établissements et leurs familles).

Ensemble, professionnels et usagers ont élaboré 13 propositions présentées aux pouvoirs publics. Nous avons également établi une plate-forme commune avec la Fnapaef, le CNRPA (Comité national des retraités et des personnes âgées) et les quatre fédérations santé des grands syndicats : CGT, CFDT, FO et CFTC.

Quels sont les besoins des personnes âgées ?

Avant tout, de vivre dignement. Ce sont les besoins de tout individu. Aussi, vivre en ayant la certitude d'être partie intégrante de la société. Or, notre société promeut un racisme de l'âge. Un vieux ne vaut pas autant qu'un jeune ! Et encore moins s'il est très vieux ou handicapé.

Dans un établissement pour handicapés de moins de 60 ans, il y a 2,5 à 3 fois plus de personnel que dans un établissement pour les plus de 60 ans. Et beaucoup de responsables trouvent encore malheureusement cela parfaitement légitime. Une personne âgée très handicapée qui vit seule et bénéficie d'un accompagnement à domicile devrait pouvoir être aidée à se coucher à 23 heures si elle ne souhaite pas dormir avant, par exemple. Si on ne le fait pas aujourd'hui, c'est bien parce que les raisons sont économiques.

La notion de besoin est très difficile à poser, surtout dans le cas des personnes âgées. Aujourd'hui, celles-ci ne s'autorisent même pas à penser qu'elles auraient besoin de certaines choses. Mais le niveau d'exigence augmente et ne cessera pas d'augmenter. La société devra s'adapter. Les professionnels devront savoir s'ils se placent du côté des personnes âgées et des familles pour améliorer le service rendu ou du côté des financiers pour expliquer qu'on ne peut pas faire mieux. Dans une démocratie comme la nôtre, les financiers vont d'abord tenir un double discours : ils défendront officiellement la qualité mais ils feront discrètement en sorte que cela ne coûte pas trop cher. Aux professionnels de soutenir celles et ceux pour lesquels ils s'engagent...

Les besoins ne sont donc aujourd'hui pas couverts...

Bien sûr que non ! Les structures sanitaires et médicosociales en France comptent deux ou trois fois moins de personnel que les mêmes établissements des autres pays européens. Ce retard évident s'est manifesté de façon spectaculaire par les décès de 15 000 personnes en août 2003. C'est le manque de personnel qui a tué !

Comment voyez-vous l'avenir des établissements et des usagers ?

La classe politique devra tenir compte des demandes des personnes âgées, des familles et des professionnels. Si ces demandes s'expriment fortement, les moyens iront en augmentant... plus ou moins vite. Il faut souhaiter que cela soit au plus vite. C'est pourquoi nous devons être actifs. Et nous regrouper.

Les structures héritées de l'hospice telles qu'elles existent aujourd'hui sont appelées à disparaître. Il faut repartir du droit au logement de tout citoyen. Des personnes, même âgées ou handicapées, ont le droit d'avoir un logement propre. Il n'est pas envisageable que toutes les personnes âgées handicapées vivent dans des domiciles banalisés. Surtout à cause de l'isolement.

L'avenir des établissements réside dans les domiciles collectifs comparables à ceux qui existent au Danemark et en Suède, avec un espace privatif d'au moins 40 m2 pour les Danois, 35 m2 en Suède, alors que celui-ci est de 18 m2 seulement en France ! L'avenir, ce sont les foyers logements. Ils sont populaires. Parce que les personnes se sentent chez elles dans leurs meubles. Elles peuvent avoir leur chien ou leur chat. Elles ont une sonnette à la porte. À l'heure actuelle, on le fait pour les personnes valides, mais il faudrait le permettre aussi aux non-valides, handicapés ou très handicapés. Avec, bien entendu, des services adaptés et deux ou trois fois plus de personnel...

Pascal Champvert Président de l'Adehpa

Pascal Champvert est directeur de trois établissements et d'un service à domicile pour personnes âgées dans le Val-de-Marne. Il est aussi président de l'Adehpa (Association des directeurs d'établissements d'hébergement pour personnes âgées). Cette structure regroupe 1 700 directeurs d'établissements dans toute la France.