Le patient, humain, trop humain ? - L'Infirmière Magazine n° 210 du 01/11/2005 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 210 du 01/11/2005

 

relation au patient

Dossier

Trop souvent, à l'hôpital, le malade est dépossédé de son identité. Mal formés, débordés, blasés, médecins et infirmières peuvent manquer d'humanité. La révolution soignante reste à faire...

« Je ne suis pas une varice ! », clame Nathalie dans la salle de réveil, encore étourdie par l'anesthésie qu'elle vient de subir. Pas du genre à s'en laisser conter, elle ne perdra rien de sa solide personnalité durant les quelques jours que durera son hospitalisation. Cependant, il faut bien l'admettre, ce n'est pas le cas de tout le monde, loin s'en faut. Il semblerait même que l'institution hospitalière agisse bien trop souvent en rouleau compresseur face à des personnes déstabilisées, souffrantes et inquiètes. Entendons-nous bien, il ne s'agit pas ici de remettre en question la dureté du métier de soignant. Surtout pas de nier les agressions dont ils sont de plus en plus souvent les victimes, et qui ont donné lieu, récemment, au lancement d'une campagne contre « l'incivilité à l'hôpital ». Une campagne dont les slogans provocateurs feront grincer des dents. Des phrases comme : « Si on ne vous parle pas, c'est qu'on préfère regarder la télé » ou « Si vous patientez, c'est que d'autres se font masser ». Ainsi donc, les patients seraient de moins en moins patients. Soit ! Et si le chemin, le vrai chemin de la rencontre, se faisait dans les deux sens ; chacun allant vers l'autre, dans le respect de la personne et des différences ?

À ce jeu-là, les soignants ne sont pas toujours les meilleurs. Comment expliquer, par exemple, que Jean, père d'un enfant de dix ans hospitalisé d'urgence pour une forte fièvre et des vomissements, ait été sommé de replier le lit de parents sur lequel il s'était allongé quelques minutes pour se reposer d'une nuit blanche et angoissante ? « C'est le règlement ! », lui assène-t-on sur un ton ne souffrant aucune contradiction.

Pourtant, sa position ne gênait aucunement le déroulement des soins. Mais à 2 heures de l'après-midi, c'est le règlement, un père épuisé et inquiet n'a pas le droit de déplier cette sorte de lit de camp inconfortable. Jean, qu'on ne peut pas soupçonner d'incivilité, s'exécutera donc sans moufter.

Petits chefs

Cet épisode fait bondir Martin Winckler, l'auteur de La Maladie de Sachs, médecin et homme de bonne volonté, prompt à s'insurger contre tout ce qui abaisse l'être humain. Il a rarement vécu la situation de patient hospitalisé. Cela ne l'empêche pas de se forger une opinion éclairée sur pareille situation : « L'hôpital dépersonnalise complètement. Avant 1950, c'étaient des mouroirs. Ce n'est qu'en 1950, avec la création des postes de chefs de services que les médecins, mieux payés, ont eu envie d'y travailler. C'est alors devenu le lieu du pouvoir médical total. Le chef de service y est le seul maître après Dieu : il soigne, enseigne et mène des recherches. C'est exorbitant ! Personne ne peut être bon dans les trois domaines. Antidémocratique et antifonctionnel. On ne s'occupe pas des gens, on s'occupe d'organes. Évidemment, c'est beaucoup plus compliqué de s'occuper des personnes ! », s'insurge l'écrivain-médecin avant d'ajouter : « Quand vous avez peur de mourir, vous êtes bien obligé de faire confiance aux gens qui peuvent vous sauver. En plus, il y a les pressions de la famille qui souhaitent à tout prix que le malade soit guéri, qu'il ne souffre plus. Rappelons que la loi Kouchner permettant le refus de traitement ne date que de 2002. Dans les pays scandinaves et anglo-saxons, c'est explicite depuis les années 50 ou 60. Le problème vient de l'ego : l'individu est toujours réputé savoir moins bien ce qui est bon pour lui que celui qui est au-dessus, le soignant en l'occurrence. » Et, réagissant à l'exemple de la situation vécue par Jean (voir plus haut), il ne s'étonne pas : « C'est ça, la société féodale. On sait tous que plein d'administrations sont bourrées de petits chefs. Le citoyen est un emmerdeur ; les fonctionnaires sont là pour faire régner l'ordre. »

Selon Martin Winckler, la formation des médecins est en partie responsable de cette situation : « On sélectionne les étudiants sur la compétitivité et le pouvoir. Or, cette question de pouvoir pourrit le rapport à la personne. On ne peut pas avoir le pouvoir sans mentir. La plupart des médecins sont entretenus dans l'idée que c'est à eux de décider. Si je propose des méthodes de contraception à une femme, j'estime que c'est à elle de choisir. Même si sa préférence n'est pas la mienne, je ne me sens pas remis en cause », affirme-t-il avec conviction. Ce qui nous amène à la question, ô combien subtile, du consentement éclairé : « Il faut d'abord admettre l'idée que les situations dans lesquelles la décision doit être très rapide sont extrêmement rares. À titre d'illustration, durant une de mes anciennes chroniques sur France Inter, un auditeur très inquiet m'appelle : atteint d'un cancer de l'intestin et devant se faire opérer, il se demandait comment l'annoncer à sa femme. Je lui ai tout simplement expliqué qu'il n'était pas plus malade que la veille, avant l'annonce du cancer ; qu'il devait prendre un peu de temps, s'appuyer sur son entourage. Cela lui permettrait de se sentir plus fort pour annoncer la nouvelle à sa femme et pour faire face. Ces décisions à prendre, ce n'est pas à la minute. Ce n'est pas au chirurgien de décider d'une date d'intervention pour lui. Sauf dans des cas très particuliers, pas question de se laisser bousculer ! Ce qu'on n'accepte pas d'un vendeur de voitures, on ne peut pas l'accepter d'un médecin ! Ce qui rend une personne honorable, ce n'est pas son titre, c'est son attitude. Le plus important, pour nous médecins, c'est de parler aux gens, leur donner le temps de réfléchir en exposant les choses progressivement. Quel que soit leur niveau d'instruction, les gens savent toujours ce qu'ils ne veulent pas. »

Vanité

Une vision du soin, semble-t-il, plus courante outre-Atlantique : « Regardez, dans le feuilleton Urgences (Martin Winckler est également expert en séries américaines, NDLR), quand la personne arrive, on lui fait un bilan de base et... une injection de morphine. C'est une procédure systématique. De cette manière, elle se sent mieux, elle n'a plus mal, on peut lui parler. Notre boulot, c'est d'abord soulager. Trop de médecins sont vaniteux. Cette attitude existe également chez certaines infirmières, dans ce pays où pouvoir et savoir sont intimement liés. » Des propos que ne démentira certainement pas Mariama Guillard, directrice de l'école de sophrologie Équilibre santé et infirmière anesthésiste.

Rééducation des soignants

« Il y a une profonde rééducation à faire chez les soignants. Dans l'institution hospitalière, certaines cultures de services mettent le patient dans une position de démuni. » L'infirmière sait de quoi elle parle, encore outrée par la manière dont elle a été traitée lorsqu'elle a dû passer de l'autre côté de la seringue : « Après des mois de consultations n'aboutissant à aucun diagnostic, un médecin m'a annoncé brutalement que j'étais atteinte d'une double cataracte. Après un monologue, elle me tend mon dossier, pour que je prenne immédiatement rendez-vous pour une intervention avec le chirurgien qu'elle a choisi à ma place sans me demander mon avis. » C'était mal connaître Mariama Guillard : « Le dossier, je ne l'ai pas pris. Elle est restée comme suspendue avec ses papiers dans la main. (rires) "Laissez-moi au moins réaliser que je vais me faire opérer des deux yeux !", lui ai-je lancé. Là, elle est devenue toute calme et m'a regardée, étonnée. Elle s'est mise à me parler comme à un être humain. J'ai enfin pu lui dire que je voulais rencontrer le chirurgien avant de décider. Ni la secrétaire ni le médecin ne savaient plus quoi faire. Un grain de sable était entré dans les rouages de leur routine directive (rires). »

Infantilisation

Consciente que sa profession et ses connaissances font d'elle une privilégiée dans cet univers mystérieux et effrayant pour le commun des mortels, Mariama déplore l'état d'infantilisation où en sont réduits bien des patients : « On décide tout pour vous. Vous devez accepter et obéir. Pourquoi attendre les soins palliatifs pour sourire à une famille ? Si vous n'entrez pas dans le cadre, vous êtes punis tout de suite », s'insurge-t-elle. Et la charge continue : « Les aides-soignantes que l'Assistance publique met derrière ses guichets, qui ne passent plus le bassin, qui ne soulèvent plus les malades, elles ne se tiennent plus ; elles ont le pouvoir mais ne sont ni formées ni contrôlées, lance-t-elle avec vigueur. Je me souviens d'avoir été témoin d'une scène particulièrement choquante : un homme arrive au guichet avec ses deux femmes. Et voilà que, parlant très fort, l'AS se lance dans une diatribe enflammée sur le ton de "Chez nous, monsieur, on n'a pas deux femmes". Elle ne s'arrêtait plus de les agresser devant tout le monde, soutenue par tout le poids de l'institution. »

Un triste épisode qui ne fait malheureusement pas exception. Mariama Guillard, elle-même, a fait les frais d'un certain racisme ordinaire à la naissance de son quatrième enfant. Des représentants du planning familial se sont déplacés jusqu'à sa chambre de maternité, tenant ce discours fort peu politiquement correct : « Madame, il est temps d'arrêter ! » Précision utile à ce stade de la description : Mariama est noire... Outrée, c'est du tac au tac qu'elle les a renvoyés dans leurs buts : « Je suis infirmière et j'ai l'intention d'avoir six enfants ! », supputant que si elle avait été blanche, elle n'aurait pas eu à subir cette intrusion administrative malvenue. « Cette perte d'identité, c'est une certaine culture qui la permet. Heureusement, ce n'est pas pareil partout. Il y a des progrès », concède l'infirmière avant d'enfourcher son cheval de bataille : « Tout savoir et tout pouvoir. Il faudrait qu'on accepte d'être un objet de soins. C'est le système de la punition ou de la récompense ; le bon malade et le mauvais malade. Si on ne rentre pas dans le cadre, la sonnette sonne dans le vide. "Levez-vous, je vais faire votre lit !" sans même demander ni expliquer. La personne est fragilisée, et plutôt que de l'aider à se reconstruire, on l'infantilise. »

Prisonniers

Mariama ne s'est pas laissé faire. Cependant, la difficulté à s'affirmer comme ils le feraient dans d'autres circonstances touche aussi les professionnels de la santé. Ainsi, Parvine Sadeghi, médecin anesthésiste à Miami, s'est trouvée fort démunie face aux exigences de la sage-femme qui l'assistait à la naissance de sa fille. La brave femme ayant décidé qu'expulsion et anesthésie péridurale ne pouvaient pas faire bon ménage, la laissa souffrir tout son saoul à la fin de l'accouchement : « Ça fait plus de quatre ans et je suis encore étonnée de ne pas avoir réagi, raconte la jeune femme. Pourtant, quand j'ai fait mes stages en maternité, je prenais soin d'injecter une dose supplémentaire d'anesthésique au moment de l'expulsion. Là, je n'ai pas osé réclamer quoi que ce soit. »

Professionnel de santé et patient à la fois, une situation qu'a également dû subir Patrice Queneau, chef de service et auteur de Le Malade n'est pas un numéro (voir encadré), opéré quatre fois ces derniers mois : « Je me suis trouvé dans des situations où les décisions thérapeutiques des praticiens étaient difficiles à prendre. Or, l'information et la participation à la décision ne peuvent se faire sans un relationnel très fort. Certaines infirmières ont été parfaites, tant sur le plan technique qu'humain. Pour d'autres, on en était très loin : se faire engueuler parce que votre cathéter s'est bouché, c'est quand même le comble ! Mon credo : un geste technique fait avec compétence doit être la somme de la technicité et du relationnel. Sinon, tout se passe beaucoup moins bien. C'est même moins efficace. Pendant mes hospitalisations, j'ai pensé aux prisonniers. Pourtant, elles se sont déroulées dans des conditions satisfaisantes. »

Patient trop cher !

Si ces conditions d'hospitalisation étaient privilégiées, le médecin a toutefois subi des épreuves comparables à celles endurées par tout un chacun : « Un jour, un cadre infirmier est venu me dire qu'il était temps que je sorte, alors que les médecins du service voulaient que je reste hospitalisé pour la suite de mon traitement par antibiotiques. » « Vous coûtez trop cher ! », entend-il ébahi. Un incident qui s'est produit deux fois. Son analyse : « La faute est à imputer à la pression administrative exercée sur les cadres infirmiers qui, au nom de leur évolution de carrière, sont parfois carrément à la botte de l'administration. Il y a un grave défaut de cohésion entre les équipes médicales et paramédicales. Autrefois, je pouvais choisir mes équipes, personne par personne. Maintenant, on me les impose. Or, énormément de choses sont confiées aux infirmières. Cette qualité relationnelle suppose un minimum de temps. Le temps de la confiance aussi et celui de l'information, de l'adhésion. Si les cadres infirmiers pouvaient échapper à l'épouvantable réunionite en vogue actuellement, elles seraient plus souvent au lit des malades. » Mais ne nous y trompons pas : lorsque Patrice Queneau met en exergue la nécessaire qualité relationnelle des soignants, c'est également à certains médecins qu'il s'en prend. Comme le jour où une interne est venue lui annoncer tout de go qu'il était proche de la septicémie. Soudain harassé par la même peur que n'importe qui dans une telle situation, c'est sa position qui lui a permis de s'adresser directement à son alter ego qui l'a immédiatement rassuré. Un gros coup de stress quand même pour le « patient malgré lui ».

En pyjama

Le sociologue Philippe Bataille nuance toutefois ces constats inquiétants : « L'hôpital, comme l'université, sont des univers normés. Ces normes sont étrangères aux gens qui y entrent. On y perd ses propres repères avant d'en intégrer de nouveaux. Il est normal de ressentir une sorte d'infantilisation lorsqu'on aborde un monde où c'est l'autre qui sait. On aboutit à un système de délégation. C'est un phénomène qu'on constate dans toutes les institutions. À l'hôpital, on vous reconstruit votre identité en vous mettant en pyjama par exemple. Cela transgresse le niveau culturel et les appartenances sociales. Les réactions face à l'hôpital se distribuent en fonction des ressources personnelles. »

À entendre Philippe Bataille, l'hôpital contraindrait simplement les patients à apprendre à se positionner face aux ordres, à la soumission, à la discussion ou à la contestation. Un positionnement qu'il ne conçoit pas comme mortifère : « Le patient bénéficie du temps et du professionnalisme du personnel. Le temps d'hospitalisation, c'est du temps pour soi. Il permet de réfléchir sur soi, sur sa situation personnelle, revisitée à l'aune de l'autre. Certes, la personne hospitalisée est prise dans un jeu de normes qui terrassent un peu l'individu. Pourtant, c'est vraiment le contraire : jamais le sujet n'est autant sujet. L'institution n'aime pas les aspérités, mais plus on essaye de faire taire la personnalité, plus elle finit par suinter », affirme le sociologue, pour qui il n'y aurait donc pas péril en la demeure. Cela ne l'empêche pas de constater que « dans la logique de l'institution, il y a cette idée de ne pas répondre aux besoins personnels ».

Il souhaiterait d'ailleurs que « les moments de relation interindividuelle soient intégrés dans les obligations professionnelles des soignants ». Des soignants qu'il sent en pleine révolution culturelle, au sens constructif du terme : « Cette révolution prolonge la révolution scientifique des deux derniers siècles. Jusqu'ici, tout se constituait autour de l'idéal de guérison, suivant le modèle pastorien. On a fait des prouesses, mais actuellement, il est de plus en plus souvent question de chronicisation. La révolution soignante prend le relais. Les malades sont de plus en plus exigeants. Ils en savent beaucoup sur leurs maladies. La nouvelle approche ne se substitue pas au modèle de guérison, il l'accompagne. Et les soignants sont les supports de cette révolution. »

Plus de papy !

Ainsi donc, les aspirations des soignants seraient porteuses de l'avenir de l'hôpital ? Peut-on souhaiter mieux ? Encore faudrait-il que les plus volontaires et humains d'entre eux puissent trouver la place qui leur permettra de faire changer les choses. Et là, selon son propre aveu, ce n'est pas encore gagné : « Le personnel est coincé entre les lenteurs, les retards, les incompréhensions de l'institution et les exigences des patients. Il est étonnant de constater que, dans les staffs, on voit encore des infirmières qui n'ont pas le droit de parler sauf si on le leur demande. »

Une situation qui, à croire Philippe Bataille, ne devrait pas perdurer : « Le curseur se déplace en fonction de la place donnée au malade. Rien n'arrêtera les aspirations des soignants. On ne peut pas changer le sens de l'histoire. » Ainsi soit-il !

Gageons que le patient Chirac, lors de sa récente hospitalisation au Val-de-Grâce, n'a eu à subir aucune des offenses dont il est question plus haut. On imagine difficilement, en effet, une infirmière s'adressant à lui sur le ton du « Il va arrêter de tourner en rond le papy. Il va être gentil et couper ce méchant téléphone qui nous dérange 25 fois par jour ». Gageons aussi, Dieu merci, qu'il n'a pas été le seul à être soigné par un personnel attentif et intelligent. D'ailleurs, si on commençait déjà, tout simplement, par arrêter d'utiliser les termes papy et mammy pour les personnes ayant passé 65 ans ? On éviterait ainsi de les coller dans cette moyenne molle et anonyme qui ne leur ressemble pas. C'est loin de l'idéal, mais ça serait déjà un début.

Ce qu'il faut retenir

> De trop nombreux soignants sous-évaluent dramatiquement les effets de leur attitude sur les personnes hospitalisées.

> Les racines du mal sont à chercher dans une sorte de toute-puissance médicale. Certains soignants hospitalisés ont été eux-mêmes choqués par l'attitude de leurs pairs en activité.

> Le sociologue Philippe Bataille conclut en prédisant une révolution soignante.

point de vue

CHEF DE QUOI ?

Sur la place du chef de service, les avis de Martin Winckler et de Patrice Queneau divergent très franchement. Au nom d'une même humanisation de l'hôpital, quand le premier milite pour l'abolition du pouvoir détenu par les mandarins, le second estime qu'une restitution de la direction totale des services aux « patrons » améliorerait considérablement la qualité des soins. « L'une des plaintes des chefs de services est leur perte de pouvoir face à l'administration, affirme Martin Wickler. Quand on n'aime que le pouvoir, on se le fait prendre un jour.»

À l'opposé, Patrice Queneau demande que les postes de direction d'établissements soient rendus aux médecins afin de retrouver « un langage commun qui manque cruellement dans certains hôpitaux publics français ».

États-Unis

QUAND LES MÉDECINS S'EXCUSENT

Chaque année, des millions de dollars sont versés par les compagnies d'assurances aux patients mécontents. C'est pourtant dans ce pays de tous les contrastes que s'initie une posture nouvelle du corps médical : apprendre tout simplement à demander pardon en cas d'erreur. Dans un article paru dans le Time Magazine du 15 août dernier, trois pages sont consacrées à cette révolution : « Alors que les hôpitaux et les médecins perdent l'espoir de limiter l'augmentation des prix des assurances liées aux erreurs médicales, s'excuser peut sembler s'apparenter à une sorte de suicide professionnel. En réalité, un collège de représentants de toutes les parties en cause (médecins, administrateurs hospitaliers, assureurs, associations de patients, avocats et politiciens) a estimé que cette nouvelle attitude pourrait avoir des effets bénéfiques. » Pour encourager ce genre de comportement, un certain nombre d'États américains ont fait passer des projets de loi interdisant d'utiliser les excuses d'un médecin contre lui, face à une juridiction civile.

Bibliographie

- La Maladie de Sachs, Les Trois Médecins. Martin Winckler. Pol.

- Le Malade n'est pas un numéro. Patrice Queneau. Odile Jacob.

- La Douleur à bras-le-corps. Patrice Queneau, Gérard Ostermann et Pierre Grandmottet, illustrations de Piem, Med-Line éditions.

- Time Magazine :

http://www.time.com/ time/archive/preview/ 0,10987,1090904,00.html.

- « L'hôpital dégaine l'humour pour contrer les incivilités », Julie Lasterade, Libération, 9 septembre 2005.

terminologie

C'EST QUOI, UN PATIENT ?

« Si les médecins parlent abondamment de leurs patients, le terme est bizarrement absent des index des ouvrages de bioéthique ou du code de déontologie médicale. [...] Dans le terme de patient, dérivé du latin pati, supporter, souffrir (par opposition à l'agent), deux idées sont présentes : la souffrance et la passivité ; le patient est celui qui pâtit et qui subit l'action de l'agent. En outre, de son origine adjectivale, le nom de patient garde l'idée de patience, de persévérance tranquille. Enfin, au XIXe siècle, (Dictionnaire de Littré, 1881), le patient désigne encore le condamné à mort et, par extension, celui qui est aux mains des chirurgiens et enfin seulement le malade. [...] Être un patient, ce sera donc sinon être malade, au moins se mettre entre les mains d'un médecin. »

Jacqueline Lagrée, article « Patient », dans le Dictionnaire de la pensée médicale, Puf, 2003 ; extrait de Les Trois médecins de Martin Winckler, POL, 2004.

Articles de la même rubrique d'un même numéro