Six girls contre le sida - L'Infirmière Magazine n° 210 du 01/11/2005 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 210 du 01/11/2005

 

Le Cidag de Bobigny

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Alors que la « grande cause nationale », dédiée cette année à la lutte contre le sida, passe totalement inaperçue, l'équipe du Centre d'information et de dépistage anonyme et gratuit (Cidag) de Bobigny continue de mener bataille.

C'était un temps où les articles de la presse locale reprenaient volontiers le nom qu'elle s'était choisi : « les sida girls ». C'était un temps où l'épidémie de sida frappait vite et fort. C'était au tournant des années 80-90. Aujourd'hui, avec encore quelque 6 000 nouvelles contaminations par an, ce temps est loin d'être révolu. Une personne sur deux ne découvre sa séropositivité qu'avec les premiers signes de la maladie, près de 500 personnes sont décédées des suites de l'infection l'an passé.

L'information, la prévention et le dépistage précoce demeurent donc plus que jamais des enjeux de santé publique. Et ce sont bien là les objectifs quotidiens de l'équipe d'infirmières et de secrétaires médico-sociales du Cidag de Bobigny, sis dans les murs de l'hôpital Avicenne.

les jeunes, cibles prioritaires

Et si plus personne ne les appelle les « sida girls », leur engagement et leur dynamisme n'ont pas varié d'un iota depuis plus de quinze ans. En 1989, la structure, qui dépend de la direction de la prévention et de l'action sociale du Conseil général de la Seine-Saint-Denis, fut l'une des premières du département à obtenir l'agrément de la Ddass pour organiser le dépistage anonyme et gratuit de l'infection à VIH. Sitôt installée, l'équipe, à l'époque deux infirmières et une secrétaire, se lance à corps perdu dans sa nouvelle mission. « Les jeunes étaient notre cible prioritaire. Nous avons écumé les collèges de notre secteur, pris contact avec les chefs d'établissements et les infirmières scolaires. Pour l'équipe, l'expérience était formidable. Mais, au fur et à mesure, nous nous sommes aperçues que notre démarche avait ses limites », explique Catherine Hérrouin, IDE aujourd'hui responsable de la structure et de ses deux antennes situées à Aulnay-Sous-Bois et Villemomble. Au regard du travail fourni en amont et de l'énergie déployée durant les interventions, la satisfaction est, en effet, bien maigre. « Dans l'ensemble, les élèves n'étaient pas intéressés par le sujet et nous avions parfois le sentiment d'être un alibi pour certains enseignants. Ils devaient traiter le sujet, grâce à nous, c'était fait ! Malgré tout, on espère qu'il reste quelque chose chez les jeunes que nous avons tenté de sensibiliser ces années-là », déclare Catherine. L'équipe des « sida girls », qui s'est étoffée entre-temps, décide alors de changer de tactique ! Désormais, s'inspirant du modèle de la formation par les pairs, elles s'attellent à identifier les jeunes volontaires qui ont envie de s'investir autour d'un projet de prévention, pour essaimer ensuite leurs connaissances. Elles font une découverte : c'est avec les élèves estampillés « en échec scolaire » que le travail s'avère le plus constructif !

effet boule de neige

« Nous travaillons avec des groupes d'une demi-douzaine de personnes. Nous consacrons une ou deux séances à cerner et à structurer leur projet. Puis, en fonction des objectifs qu'ils se sont fixés, nous établissons le contenu d'un programme de formation afin de mettre à jour leurs connaissances sur le VIH et sur les IST », explique Pénélope Bouley, IDE. À partir de là, toute l'équipe entre en scène à l'aide de supports et d'outils qu'elle a conçus en collaboration avec des élèves de terminale. Via des jeux de rôles, le fonctionnement du Cidag et toutes les étapes d'un dépistage sont aussi expliqués. Les groupes sont également formés aux techniques d'animation. À l'issue de ces ateliers, chaque « stagiaire » se voit remettre un diplôme d'animateur de santé, option, par exemple, « préservatif ambulant » ! « Ce travail est une sorte de contrat moral. De notre côté, nous nous engageons à leur transmettre ce que l'on sait ; du leur, ils s'engagent à informer leurs camarades et leur entourage », indique Wanda Éthévenet, IDE. Et ça marche.

une centaine de diplômes

En moyenne, chaque année, le Cidag délivre une petite centaine de diplômes. Les scolaires ne sont pas les seuls à bénéficier de cette initiative ; n'importe quelle association ou groupe peut en profiter. « Si l'on part du principe qu'un groupe a la capacité de toucher une cinquantaine de personnes, l'effet boule de neige est garanti », souligne Catherine. Lors du 1er décembre et de Solidays, le Cidag fait volontiers appel à son réseau pour animer des actions de prévention. Hors les murs, l'équipe n'hésite pas non plus à surprendre. « Nous pouvons décider, avec des partenaires comme Aides et la ville de Bobigny, de planter un stand dans une galerie marchande et d'arpenter les allées des magasins », signale Catherine.

lieu ouvert

Objectif : parler de prévention et de dépistage, mais également faire en sorte que le Cidag soit aussi identifié comme lieu ressource. « Il faut que les gens sachent qu'ils peuvent venir nous voir comme ils vont à la bibliothèque : pour s'informer, apprendre, se cultiver », aime à dire Sylvie Laurent, une des trois secrétaires médicosociales. « Mais s'ils vont ailleurs, c'est bien aussi. On ne prêche pas pour notre seule paroisse ! », prévient Catherine. Au quotidien, le dépistage du VIH reste une des missions essentielles du Cidag. Et dans ce registre, le travail en équipe prime. Si besoin, elle peut être épaulée par une assistante sociale et une psychologue. Une des originalités de la prise en charge : les infirmières peuvent participer activement à la consultation. « Ce qui doit être abordé l'est, mais nous avons gommé l'aspect solennel pour éviter de stresser davantage les patients. L'entretien s'effectue sous la forme d'un bavardage. Au bout de quelques minutes, on voit la personne se détendre, être plus réceptive à l'information, mais aussi plus disposée à livrer des éléments sur elle-même », note Pénélope. Lors du prélèvement, ce dispositif permet aussi de reprendre des points insuffisamment développés ou d'en aborder de nouveaux. Cet échange permanent permet à la personne de cheminer dans sa réflexion. « Le dépistage n'est pas un acte banal, il doit s'inscrire dans une stratégie de prévention ou de prise en charge. Notre rôle est de consolider cette démarche. Et si nous avons choisi de travailler de manière ludique et de "désacraliser" l'intervention des soignants, nous demeurons des professionnelles », conclut Catherine.

en savoir plus

- Il existe sept Cidag en Seine-Saint-Denis. Celui de Bobigny est inclus dans un dispositif de centres départementaux de dépistage et de prévention sanitaire.

Les Cidag sont chargés de mettre en oeuvre des actions de prévention et de proximité. Leurs activités s'articulent autour des consultations de tuberculose, d'IST et du dépistage des infections VIH, VHB et VHC.

Renseignements (Cidag d'Avicenne) : 01 48 30 20 44.