Surveillance du traitement anticoagulant - L'Infirmière Magazine n° 210 du 01/11/2005 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 210 du 01/11/2005

 

Maladies veineuses

Thérapeutiques

Certaines affections fréquentes chez les personnes âgées multiplient les risques de thrombose veineuse profonde. D'où l'importance à donner aux traitements anticoagulants préventifs et curatifs.

L'âge représente un des plus importants facteurs de risque de thrombose veineuse profonde (TVP) après la chirurgie. Parallèlement, les trois quarts des patients victimes d'embolie pulmonaire (EP) sont « non chirurgicaux ».

Ainsi, certaines affections particulièrement fréquentes avec l'avancée en âge exposent à un risque élevé de maladie veineuse thrombo-embolique (MVTE) : infarctus myocardique récent, insuffisance cardiaque (risque multiplié par 3 à 5), accident ischémique cérébral, néoplasies (risque multiplié par 2 à 3), à un niveau moindre, les pathologies inflammatoires et/ou infectieuses, l'insuffisance respiratoire, la déshydratation et les troubles du rythme cardiaque.

Les patients âgés polypathologiques cumulent souvent plusieurs facteurs de risques, particulièrement s'ils sont exposés à des pathologies aiguës intercurrentes. Ces dernières modifient la coagulation, réduisent l'activité physique et favorisent la décompensation ventriculaire gauche : il s'agit là de ce que l'on appelle la « cascade gériatrique ». Ainsi, la pneumopathie simple chez une personne très âgée devient compliquée si l'on ne prévient pas la maladie veineuse thrombo-embolique : asthénie + fièvre = alitement + déshydratation = thrombose veineuse profonde.

traitement préventif

Il faut d'emblée distinguer la prévention de la MVTE en chirurgie où elle repose sur des recommandations claires et validées, et la prévention en médecine où elle est moins bien codifiée.

Bien établie, la prévention en chirurgie fait appel aux héparines de bas poids moléculaire (HBPM) par voie sous-cutanée. Il s'agit d'une prévention efficace avec un bon rapport bénéfice/risque. Bien que d'efficacité moindre, la compression pneumatique des membres inférieurs peut également être utilisée en prévention chez les patients présentant un risque hémorragique important.

La prévention en médecine s'avère plus complexe car chaque situation est « nouvelle » et l'on retrouve une grande hétérogénéité dans les études. Il est donc primordial d'évaluer bénéfices et risques. On peut se référer à un tableau décisionnel (voir tableau).

traitement curatif

Le traitement initial nécessite le recours à une héparine. Par rapport à l'héparine non fractionnée par voie intraveineuse, les héparines de bas poids moléculaire offrent le meilleur rapport bénéfice/risque dans le traitement des thromboses veineuses profondes.

De plus, ce traitement peut se faire en ambulatoire du fait de la simplicité d'administration et de l'absence d'adaptation posologique. En effet, les héparines de bas poids moléculaire s'utilisent à doses fixes calculées en fonction du poids du malade. Elles ne nécessitent aucune surveillance particulière autre que la numération hebdomadaire des plaquettes. En dehors de l'insuffisance rénale, il ne faut en aucun cas mesurer l'activité anti-Xa, car l'adaptation de la dose d'héparines de bas poids moléculaire à ce paramètre biologique peut conduire soit à un défaut d'anticoagulation, soit à un surdosage.

insuffisance rénale

En revanche, en cas d'insuffisance rénale, fréquente chez les personnes âgées - où la fonction rénale est aisément calculée par la formule de Cockcroft : clearance de la créatinine = [(140 - âge) x poids]/créatinémie -, il est recommandé de mesurer au moins une fois l'activité anti-Xa à l'initiation du traitement.

Exemple de traitement d'une thrombose veineuse profonde par héparines de bas poids moléculaire : tinzaparine (Innohep®) ou fraxiparine (Fraxodi®) : une injection par jour par voie sous cutanée à la dose de 0,1 ml/10 kg de poids.

Le relais par les anticoagulants par voie orale doit être le plus précoce possible pour limiter le risque de thrombopénie induit par l'héparine. On utilise les médicaments qui inhibent l'action de la vitamine K (anti-vitamine K ou AVK). On préférera les AVK à demi-vie longue comme la warfarine (Coumadine®) ou la fluindione (Previscan®) en raison d'un taux sérique plus stable.

La surveillance du traitement par anti-vitamine K se fait par la mesure de l'International Normalized Ratio (INR) et non sur la mesure du taux de prothrombine (TP) ou temps de Quick (TQ) dont les normes sont très variables d'un laboratoire à un autre. La mesure de l'INR est faite initialement toutes les 48 heures puis hebdomadaire une fois la stabilité obtenue. On considère que le traitement par anti-vitamine K est efficace quand l'INR se situe entre 2 et 3. Il est très important de poursuivre le traitement par héparine jusqu'à obtention de 2 INR consécutifs dans cette zone thérapeutique.

statut nutritionnel

Chez les malades âgés, des règles rigoureuses de surveillance doivent être respectées pour maintenir l'International Normalized Ratio entre 2 et 3. En effet, la situation des patients polypathologiques est fragile. Il sera d'autant plus primordial d'évaluer le bénéfice/risque d'un traitement par anti-vitamine K chez un sujet chuteur, dénutri ou polymédiqué. N'oublions pas que les interactions médicamenteuses sont fréquentes avec les anti-vitamines K et peuvent être à l'origine d'un surdosage en anticoagulant avec augmentation des risques de complications hémorragiques (anticonvulsivants, anti-inflammatoires non stéroïdiens...)

Une évaluation globale est donc nécessaire avant tout traitement « anticoagulant » chez le sujet âgé. On n'insistera jamais assez sur le statut nutritionnel du patient qui interfère directement avec le transport des molécules thérapeutiques (dosage de l'albumine sérique).

en cas d'infection

Une surveillance rapprochée de l'International Normalized Ratio sera nécessaire en cas de pathologie intercurrente, notamment une infection en raison de la modification du métabolisme du traitement.

La durée du traitement sera de six mois pour un premier épisode thrombo-embolique et de deux ans en cas de récidives. En revanche, dans le cas des thromboses veineuses profondes de siège sous-poplitée, trois mois de traitement anticoagulant semblent suffisants.