Voeux d'enfant - L'Infirmière Magazine n° 210 du 01/11/2005 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 210 du 01/11/2005

 

Cancer

Éthique

L'autonomie du mineur malade fut au centre des débats de la conférence Actualité cancer.

Les dimensions de l'autonomie de la personne malade sont contenues dans la loi du 4 mars 2002. Mais qu'en est-il pour les enfants et les adolescents ? Cette question a été abordée lors de la conférence Actualité cancer, organisée par la Ligue contre le cancer, en septembre dernier. « Un mineur est sous la tutelle de ses parents. Toutefois, en certaines circonstances, les autorités judiciaires peuvent se substituer à l'autorité parentale s'il y va de l'intérêt de l'enfant », précise maître Mario Stasi, membre du Conseil consultatif national d'éthique.

Dans la pratique, un enfant peut exprimer ses préférences et prendre certaines décisions, à la condition qu'elles n'affectent ni son état de santé ni la bonne marche du traitement. « Ce n'est pas parce que l'enfant est mineur que l'on doit systématiquement tenir compte de la parole de ses parents », souligne Daniel Oppenheim, psychiatre et psychanalyste au département d'oncologie pédiatrique de l'Institut Gustave-Roussy (Villejuif).

pour lui, pas contre lui

Un flou entoure toutefois la question de l'âge auquel un enfant peut être considéré comme « apte à exprimer sa volonté ». La loi indique qu'il doit être consulté à partir de treize ans dans toute affaire qui le concerne. Pour autant, cette disposition ne signifie pas qu'il décidera in fine. Pour le Dr Daniel Oppenheim, « l'enfant peut refuser un traitement, si ses raisons sont bonnes. Par exemple, parce qu'il sait que le traitement qu'on lui propose a peu de chances de réussir. »

Quant aux mauvaises raisons qui, le plus souvent, sont liées à des causes provisoires - l'enfant ou l'adolescent ne comprend pas pourquoi on lui propose tel traitement ; il n'a pas ou plus confiance, il est dépressif, en révolte, il exprime une opposition envers ses parents - elles sont toutes légitimes et doivent être discutées, en tenant compte de son avis. L'essentiel est de ne pas laisser l'enfant dans sa détresse. « Ce qui se joue dans le temps du traitement, laisse une trace dans l'avenir, souligne le médecin. Mieux vaut que les choses se soient passées dans le respect de tous, pour que plus tard, il garde le souvenir que le traitement s'est fait pour lui, pas contre lui. »

essais thérapeutiques

S'agissant des essais thérapeutiques, la loi du 9 août 2004 précise que le mineur doit être informé sur le déroulement, les contraintes et les bénéfices de la recherche à laquelle il lui est proposé de participer(1). À l'instar d'un majeur, il peut l'interrompre à tout moment, sans justification. S'il refuse de participer à cet essai, c'est son choix qui prévaut, comme le stipule le Code de la santé publique en son article L1122-2 : « Le consentement du mineur ou du majeur protégé par la loi doit être recherché lorsqu'il est apte à exprimer sa volonté. Il ne peut être passé outre à son refus ou à la révocation de son consentement. »

1-À lire : Mon enfant et la recherche en cancérologie, livret d'information et d'aide à la décision à l'usage des parents. Disponible à l'Espace éthique de l'AP-HP. Tél. : 01 44 84 17 57.

TÉMOIN

France Corroyer, infirmière coordinatrice de greffe de moelle osseuse à l'hôpital Robert-Debré (Paris). « Avions-nous entendu sa plainte ? »

« Je me souviens d'une petite fille de sept ans qui souffrait d'un lymphome de Burkitt. Elle recevait des chimiothérapies dont elle subissait très fortement les effets indésirables, confie France Corroyer. Malgré l'arsenal thérapeutique, nous n'arrivions pas à soulager sa douleur. Un jour, alors que je devais lui donner ses soins, elle a fait une crise de nerfs et s'est mise à crier qu'elle ne voulait plus qu'on la touche, qu'elle voulait mourir. Ce moment très pénible a suscité chez moi beaucoup d'interrogations, d'autant que les enfants n'utilisent pas le mot "mort". Que voulait-elle exprimer ? Voulait-elle vraiment mourir ou dire qu'elle souhaitait que la douleur s'arrête ? Vivait-elle la distance - nécessaire - des soignants comme un manque d'écoute ? Avions-nous entendu sa plainte depuis plusieurs jours ? Je n'étais pas là pour lui faire du mal et pourtant, la simple toilette la faisait souffrir. Cette fillette a guéri, mais cette expérience m'a rappelé combien il fallait savoir rester à l'écoute de l'enfant. »