Décompresser grâce à la psycho-oncologie - L'Infirmière Magazine n° 211 du 01/12/2005 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 211 du 01/12/2005

 

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Mieux vivre

Douleur et mort omniprésentes, pression du travail : dans les services d'hémato-oncologie, le stress menace constamment les soignants. La psycho-oncologie peut les aider à surmonter les moments difficiles.

En pleine nuit, lorsque le ballet incessant du corps soignant se transforme en un doux silence, lorsque les soins sont prodigués enfin dans une certaine sérénité, retentit brutalement la sonnette d'un patient. Il est au stade terminal de sa maladie. Un traitement palliatif a été prescrit. Sa famille est présente, complètement démunie. Vous savez qu'il est proche de

la fin et que malgré tout, vous devez tenir des propos rassurants. Et puis, il décède. Soutenir la famille tout en contenant votre propre douleur est une évidence. Mais lorsque la pression disparaît, vos sentiments ressurgissent. Vous pleurez, auprès des autres membres de l'équipe, vous sentant paradoxalement seule. Cette situation, toutes les infirmières exerçant dans des unités d'onco-hématologie l'ont connue.

symptômes alarmants

Leurs difficultés sont multiples : annonce du diagnostic, culpabilité générée par l'administration de traitements vitaux mais particulièrement toxiques, sentiment d'« impuissance thérapeutique », confrontation aux deuils, etc. À toutes ces souffrances s'ajoutent la surcharge de travail, le curatif privilégié au palliatif, l'importance du transfert favorisé dans certains cas par le jeune âge des malades,

les hospitalisations itératives, la fréquence de certains problèmes éthiques. Par ailleurs, les chimiothérapies, les radiothérapies et les transfusions palliatives, les transferts de malades en réanimation, les inclusions de patients en phases avancées dans des protocoles thérapeutiques pré-AMM, la fréquence de prises en charge de certains symptômes comme la douleur, la répétition des deuils contribuent à ces maux.

Les soignants en oncologie sont particulièrement exposés au syndrome d'usure et d'épuisement, le burn-out. Réaction à un stress professionnel chronique, ce syndrome se manifeste par des troubles physiques, une perte de l'appétit, des troubles du sommeil, une irritabilité, une agressivité, une nervosité, voire parfois une asthénie. Ces modifications ont pour conséquence une diminution de la satisfaction au travail, un désinvestissement professionnel et un épuisement émotionnel.

accompagnement adapté

La psycho-oncologie peut aider les soignants à surmonter ces moments pénibles. Créée au début des années 80, cette discipline, issue de la psychologie médicale, de la psychiatrie et de l'oncologie, présente deux axes. L'un est centré sur les comportements associés aux facteurs sociaux, qui influencent le risque de cancer et leur prévention. L'autre s'oriente vers les effets du cancer sur la psychologie et les émotions des patients, de leur famille, de leurs soignants. Dans cette situation, elle permet par un accompagnement adapté, d'aider les patients mais aussi leur famille à traverser l'épreuve que représente le cancer, en limitant autant que possible les séquelles psychologiques. D'autre part, elle s'intéresse aux souffrances des soignants suscitées par la pathologie de leur patient.

Les acteurs de la psycho-oncologie sont des psychiatres et des psychologues cliniciens. Ils travaillent en synergie avec l'équipe pluridisciplinaire d'onco-hématologie composée d'infirmières, d'aides-soignantes, d'oncologues ou d'hématologues. But affiché ? Permettre aux soignants de mieux se connaître, d'améliorer leur bien-être au travail, d'optimiser la communication au sein du service, d'obtenir une meilleure reconnaissance de leurs difficultés.

identifier les situations préjudiciables

Déroutés par certaines situations éprouvantes, les soignants mettent en place des mécanismes de défense, afin de se préserver de la souffrance du patient et de se protéger de leur propre angoisse. Selon les études disponibles à ce jour, identifier ces comportements instinctifs mais aussi inconscients contribuerait à diminuer ces souffrances. Ce travail se fait principalement au cours de groupes de parole, menés par un psycho-oncologue au sein du service, où les soignants pourront exprimer leurs difficultés, qu'elles soient d'ordre pratique, psychologique, relationnel. Ce travail repose sur l'écoute de l'autre, sur le partage avec d'autres membres de l'équipe afin de corroborer son « ressenti ». Il tend vers l'acceptation de l'expression des affects du malade comme du personnel soignant, sur la déculpabilisation de ses sentiments négatifs, sur l'acceptation de ne pas savoir répondre à certaines questions, notamment celles concernant la mort, et sur le non-jugement des apparences. Il est important que tout membre de l'équipe soignante tente d'identifier les attitudes, les paroles, les situations, qui contribuent à lui être préjudiciables afin de réduire le stress dans sa relation au patient et d'enrichir le rapport à l'autre par une implication totale, car dénuée de projection.

relaxation

Concernant le stress organisationnel pour lequel la psycho-oncologie n'a aucune compétence, d'autres mesures sont à prendre en compte. En dépit de la pénurie infirmière qui entraîne une augmentation de la charge de travail, la prévention de ces difficultés doit reposer sur l'amélioration des conditions de travail, sur la mise en place de formations spécifiques de communication, sur la participation de ce personnel à des voyages professionnels mais aussi l'institution de pauses dédiées à la relaxation (massage sur le lieu de travail, etc.). Aussi s'impose un constat : la psycho-oncologie a un vrai rôle à jouer dans la prise en charge des souffrances des soignants. Elle est donc à consommer sans modération.

zoom

- Livres de chevet

> Face à la maladie grave, Martine Rusniewski, Dunod, Paris, 1999.

> Psycho-oncologie, le cancer, le malade et sa famille, Darius Razavi, Nicole Delvaux, Masson, Paris, 2002.

> La prise en charge psychologique d'un patient atteint de myélome, Marie-Pierre Ollivier, Les Dossiers infirmiers, 2004.

> Les soignants face au stress, Françoise Boissière, Lamarre, Rueil-Malmaison, 2002.

> S'asseoir pour parler, Robert Buckman, Masson, Paris, 2001.

En savoir plus

Formation

L'École de formation européenne en cancérologie (Efec) propose différentes formations : pratiques en psycho-oncologie, soins infirmiers en cancérologie (soins oncologiques de support). Catalogue des formations sur le site de la Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer (http://www.fnclcc.fr). Renseignements (FNCLCC) : 01 44 23 04 04.

Associations

> Société française de psycho-oncologie (SFPO).

Tél./fax : 01 45 87 86 31. Mél : psycho-onco@wanadoo.fr.

> European Society for Psychosocial Oncology (Espo).

Tél. : 00 44 (0)161 446 3680 (Angleterre)

> International Psycho-Oncology Society (Ipos).

Internet : http://www.ipos-society.org.

Médias

> Revue francophone de psycho-oncologie (organe officiel de la SFPO).

Rédactrice en chef : Marie-Frédérique Bacqué, éditions Springer.

Lectorat : oncologues, psychologues, psychiatres, infirmières.

> Il faut parler savoir.

Film de Nicole Dattée-Landry et Annie Gauvain-Piquard (IGR), réalisé par Alain Casanova et Monique Saladin. Renseignements : 01 48 01 09 44.