Diabète et grossesse - L'Infirmière Magazine n° 211 du 01/12/2005 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 211 du 01/12/2005

 

endocrinologie

Cours

Préexistant ou gestationnel, le diabète en cours de grossesse nécessite une prise en charge multidisciplinaire à la fois préconceptionnelle, pré et postnatale. La sévérité de ses complications impose un parfait équilibre glycémique durant toute la période périconceptionnelle. Une exigence qui nécessite le soutien et l'accompagne- ment éducatif des soignants.

Au cours des dernières décennies, d'importants progrès ont été réalisés dans la compréhension du rôle délétère de l'hyperglycémie maternelle sur le foetus. Ces progrès, associés à l'amélioration de la surveillance foetale et de l'accompagnement éducatif des femmes, ont considérablement amélioré le pronostic de ces grossesses à risque. Celles-ci peuvent être le fait d'un diabète préexistant à la grossesse mais aussi et surtout d'un diabète gestationnel directement lié à la grossesse et se développant au cours des premiers mois de gestation. Il convient donc de différencier les deux situations car elles relèvent chacune d'une approche et d'une prise en charge spécifiques.

DIABÈTE PRÉGESTATIONNEL

Contrairement au diabète gestationnel dont on établit le diagnostic en cours de grossesse, le diabète prégestationnel, qu'il soit de type 1 (insulinodépendant) ou de type 2 (non insulinodépendant), est connu avant la conception. Cela permet d'établir une stratégie susceptible de limiter les risques liés aux retentissements de l'hyperglycémie maternelle sur la grossesse (voir encadré p. V) et de sécuriser au maximum son déroulement pour la mère et pour le foetus. « Les grossesses de femmes diabétiques régulièrement suivies avant et pendant la gestation se traduisent par une réduction des malformations et de la mortalité néonatale avoisinant désormais celles de la population non diabétique », constate le Pr André Grimaldi, chef du service de diabétologie au CHU de La Pitié-Salpêtrière. En revanche, un défaut de surveillance diabétologique et une prise en charge tardive des femmes diabétiques enceintes constituent des facteurs de mauvais pronostic. « Les femmes diabétiques en âge de procréer doivent savoir que la présence du diabète leur impose d'engager toute une préparation préalable à l'arrêt de la contraception », estime le Dr Michel Benchimol, praticien hospitalier dans le service de gynécologie obstétrique de l'hôpital Jean-Verdier, à Bondy.

Une grossesse soigneusement préparée. La préparation commence avant même d'arrêter la contraception. « C'est une règle d'or, la femme diabétique dont le diabète n'est pas stabilisé doit impérativement équilibrer durablement sa glycémie avant de lever la barrière contraceptive », confirment tous les spécialistes.

Normaliser la glycémie durablement. L'objectif est d'obtenir une normalisation durable de la glycémie moyenne autour de 0,80 g/l (soit une glycémie comprise entre 0,6 et 0,9 g/l à jeun et inférieure ou égale à 1,20 g/l deux heures après les repas). « La grossesse n'est autorisée que si et seulement si l'équilibre glycémique est stable au moins depuis trois mois, explique le Dr Emmanuel Cosson, diabétologue, praticien hospitalo-universitaire (service d'endocrinologie,hôpital Jean-Verdier). Dans le cas contraire, il existe un risque de tératogénie (malformations foetales) important. Raison pour laquelle nous exigeons une hémoglobine glycosylée (HbA1c) à 6,5 %(1) dans les trois mois qui précèdent l'arrêt de la contraception. »

Un postulat qui impose d'optimiser les schémas d'insulinothérapie des diabétiques de type 1 et de remplacer, chez les diabétiques de type 2 mal équilibrées, les hypoglycémiants oraux par une insulinothérapie. Celle-ci peut être mise en place soit par voie sous-cutanée conventionnelle de type « basal-prandial » (basal : insulinothérapie de base réalisée par l'injection d'une ou deux insulines retard ; prandial : injection d'insuline rapide avant chaque repas), soit par pompe portable. « Dans notre service, commente le Dr Cosson, le schéma le plus fréquemment utilisé est une injection d'insuline rapide le matin et le midi et l'injection d'un mélange (rapide + semi-lente) le soir. »

En période préconceptionnelle, certains diabétologues systématisent le passage à l'insuline d'emblée en prévision de la grossesse car les hypoglycémiants sont contre-indiqués durant la gestation (les sulfamides présentent un risque tératogène). « Toutefois, précise le Dr Benchimol, certaines femmes DNID parfaitement équilibrées avant la grossesse parviennent à se passer de traitement durant la gestation. Pour cette raison, en accord avec les endocrinologues avec lesquels nous les suivons, nous préférons laisser les femmes sous hypoglycémiants oraux avant la conception, ce qui nous permet ensuite de n'introduire l'insuline qu'en cas de nécessité. » En l'absence de consensus sur cette question, chaque praticien reste en effet juge de la marche à suivre au cas par cas. « Personnellement, précise le Dr Cosson, lorsque le déséquilibre glycémique résulte principalement de l'hygiène de vie, je préfère dans un premier temps optimiser les antidiabétiques oraux en expliquant à la patiente qu'il est impératif qu'elle normalise son HbA1c avant de concevoir son enfant. Dans la majorité des cas, les patientes sont très motivées et tout rentre dans l'ordre dans les trois mois suivants. Dans le cas contraire, j'instaure une insulinothérapie préconceptionnelle à base d'insuline humaine(2) et ne donne le "feu vert" pour la grossesse qu'une fois la glycémie durablement équilibrée. »

Traiter les complications. Par ailleurs, les complications du diabète doivent être correctement évaluées, voire dépistées, prises en charge, et traitées sachant que certaines (rétinopathie de grade 4, macroangiopathie sévère) contre-indiquent formellement la grossesse. « Au-delà de l'équilibre glycémique, il est également indispensable de prendre sérieusement en charge ou au moins de stabiliser les complications avant de débuter une grossesse », confirme le Dr Benchimol. Ceci est très important car toute complication présente en cours de grossesse (rétinopathie, néphropathie...) aura tendance à s'aggraver en raison de l'instabilité glycémique qui caractérise cette période (la grossesse favorise tout d'abord l'hypoglycémie puis l'hyperglycémie). Ces prérequis respectés, la grossesse doit ensuite faire l'objet d'une surveillance diabétologique et obstétricale rapprochée.

Une prise en charge gestationnelle rigoureuse. Sur le plan diabétologique, la grossesse contraint la femme diabétique à réaliser six à huit autocontrôles glycémiques en pré et post-prandial par jour. Ces contrôles lui permettent de vérifier son état glycémique et d'adapter son traitement immédiatement, soit par la prise d'une collation (hypoglycémie), soit par l'injection d'une dose d'insuline rapide (hyperglycémie), soit encore, en adaptant la dose d'insuline du lendemain. Pour la plupart des femmes, notamment celles qui passent des hypoglycémiants à l'insulinothérapie, cette surveillance nécessite un apprentissage et une éducation thérapeutique. Celle-ci est indispensable pour leur permettre de maîtriser à la fois la réalisation et l'interprétation des glycémies capillaires et des examens d'urine et l'adaptation du traitement.

« La prise en charge éducative est assurée par des infirmières spécialisées soit en consultation de "conseil infirmier", soit en hôpital de jour, soit en hospitalisation complète d'une semaine environ », explique le Dr Benchimol. Dans la plupart des cas, l'hospitalisation à visée éducative ne s'impose qu'en présence de difficultés particulières (problème de compréhension lié à la langue ou aux habitudes culturelles, notamment). « Toutefois, indique Roseline Bellin, infirmière de l'équipe d'éducation et de conseil infirmier (service de diabétologie, hôpital Jean-Verdier), il est souvent possible d'éviter l'hospitalisation en faisant appel à la participation d'un interprète proche de la patiente (conjoint ou personne de son entourage). »

Quelles qu'en soient les modalités pratiques, cet apprentissage de l'autogestion du traitement et des contrôles glycémiques s'inscrit dans un contexte pluridisciplinaire englobant tous les acteurs de la prise en charge : endocrinologue, gynécologue, sage-femme, pool infirmier.

Si nécessaire, cette prise en charge peut éventuellement être relayée à domicile par l'HAD ou les infirmières libérales. Les patientes doivent consigner les résultats des contrôles glycémiques pluriquotidiens dans un carnet de suivi permettant au diabétologue, au gynécologue et à l'infirmière d'éducation d'assurer une surveillance continue du diabète.

Un suivi diabétologique rapproché est instauré tous les 15 jours. Outre le contrôle des résultats glycémiques, cette visite permet au diabétologue de vérifier régulièrement le poids et la pression artérielle et de réaliser un examen des urines par bandelettes à la recherche d'une infection urinaire. Si la bandelette est positive, un dosage de l'albuminurie et un examen cytobactériologique urinaire doivent être réalisés. De façon plus espacée (tous les deux mois), l'HbA1c, l'uricémie (taux d'acide urique dans le sang) ou la créatininémie sont également contrôlés.

Par ailleurs, un examen systématique du fond d'oeil en début de grossesse et vers la 26e-28e semaine doit être réalisé dans le but de dépister une rétinopathie. En cas de rétinopathie préexistante à la grossesse, cette surveillance doit être intensifiée et un traitement par Aspégic® 100 mg instauré de la 11e à la 34e semaine d'aménorrhée. Ce traitement est également recommandé en cas d'hypertension artérielle, deux fois plus fréquente chez la femme diabétique. Enfin, à partir du deuxième trimestre, une supplémentation systématique en fer et en acide folique s'impose pour favoriser la fermeture du tube neural et diminuer le risque de spina bifida.

Parallèlement à la surveillance diabétologique, la femme diabétique enceinte doit bénéficier d'un suivi obstétrical qui, à la surveillance standard commune à toutes les femmes, doit associer : une échocardiographie foetale par un cardiopédiatre vers 24 à 26 semaines d'aménorrhée afin de dépister une hypertrophie septale ; un contrôle du rythme cardiaque foetal deux à trois fois par semaine à partir de 32 semaines d'aménorrhée. Par ailleurs, l'accouchement doit être systématiquement programmé.

Un accouchement planifié. « Actuellement, confirme le Dr Benchimol, nous avons tendance à anticiper l'accouchement et à le déclencher à 39 semaines car il existe, au terme de la grossesse, un risque accru de mort foetal in utero. Nous réalisons préalablement une estimation du poids de l'enfant afin d'apprécier le risque de macrosomie (lire p. VI) et de déterminer la pertinence d'une césarienne. » En dehors d'une souffrance foetale et/ou d'une macrosomie, la césarienne n'est pas systématique. En revanche, elle s'impose si le poids du foetus est supérieur à 4,3 kg, car la macrosomie des enfants de femmes diabétiques prédomine à la partie haute du tronc et expose à une dystocie des épaules rendant l'accouchement par voie basse impossible, voire mortel pour l'enfant. Durant l'accouchement, la surveillance glycémique au doigt est réalisée toutes les demi-heures et l'équilibre glycémique contrôlé par une insulinothérapie IV ou à la seringue électrique.

DIABÈTE GESTATIONNEL

Le diabète gestationnel (DG) est un diabète apparu ou découvert au cours de la grossesse. Il peut s'agir d'un diabète antérieur à la grossesse mais méconnu jusqu'alors ou le plus souvent, d'une intolérance au glucose apparaissant à partir de la 26e semaine de grossesse du fait de l'insulinorésistance physiologique provoquée par la sécrétion de l'hormone lactogène et de l'hormone de croissance placentaire. En général, l'insulinorésistance est alors compensée par un hyperinsulinisme. Toutefois, chez certaines femmes, les cellules bêta-pancréatiques ne produisent pas suffisamment d'insuline et il se développe une hyperglycémie potentiellement grave qu'il est important de dépister.

Dépistage systématique ou ciblé ? Si, à l'inverse du diabète préexistant, le taux de malformation foetale n'est pas influencé par le diabète gestationnel, le risque de macrosomie et de dystocie des épaules est le même. Lorsque le diabète n'est pas dépisté, cette complication peut donner lieu à un accouchement non préparé associé à un traumatisme obstétrical parfois irréversible (fracture de la clavicule, paralysie du plexus brachial, décès). Il est donc important d'insister pour que le diabète gestationnel soit dépisté. D'une part pour le prendre en charge, bien que son traitement ne diminue que faiblement le taux de dystocie, mais surtout pour alerter les médecins, prévoir l'accouchement et mettre en place une prise en charge spécifique susceptible de limiter, voire de prévenir les complications postnatales et maternelles(3). « En l'absence de consensus sur cette question, il était auparavant admis de soumettre au test de dépistage du diabète gestationnel les femmes présentant un risque de développer une insulinorésistance en cours de grossesse », explique le Dr Benchimol. Ces femmes étaient ciblées à partir des facteurs de risque suivants : antécédents familiaux de diabète ; âge > 35 ans ; surcharge pondérale avec BMI (index de masse corporelle) > 25 ; antécédents personnels de diabète gestationnel ; antécédents obstétricaux particuliers (macrosomie, pré-éclampsie, malformations, mort foetale in utero...) ; prise de poids excessive en cours de grossesse ; apparition d'une glycosurie ; apparition d'un hydramnios (augmentation de plus de deux litres de la quantité de liquide amniotique), d'une macrosomie foetale.

« D'une sensibilité relativement médiocre, cette méthode permet de dépister les diabètes les plus graves et les plus à risque de complication mais écarte toutes les femmes chez lesquelles le DG n'occasionne aucune manifestation clinique et toutes celles (environ 30 à 40 %) qui présentent effectivement un DG mais n'ont par ailleurs, aucun facteur de risque, commente le Dr Benchimol. C'est ce qui nous a conduit, en marge des querelles d'experts, à suivre les recommandations françaises du Collège national des gynécologues obstétriciens en faveur du dépistage systématique du DG entre 24 et 28 semaines d'aménorrhée. En outre, pour toutes les femmes qui présentent des facteurs de risque évidents et qui pourraient être atteintes d'un diabète jusqu'alors méconnu, nous anticipons le dépistage et réalisons les tests dès la première consultation en tenant compte des normes glycémiques standard. Si ce premier test est négatif nous le réitérons à distance. »

Les chiffres confirment l'intérêt de ce choix. Depuis que cette procédure de dépistage est mise en oeuvre dans ce service, le taux de prévalence du DG est passé de 6 % à 17 %, ce qui permet à un plus grand nombre de femmes d'accéder à la prise en charge et de bénéficier d'un suivi spécifique auquel elles n'auraient pas eu accès dans le cadre d'un dépistage strictement ciblé.

Prise en charge. La prise en charge du diabète gestationnel repose sur l'hygiène alimentaire, l'insulinothérapie et la surveillance rapprochée de la grossesse.

Hygiène alimentaire. Le traitement de première intention est hygiéno-diététique et doit être adapté à chaque cas après une enquête alimentaire tenant compte du poids prégestationnel et de la prise de poids depuis le début de la grossesse. Elle s'appuie sur les principes suivants : privilégier les glucides de faible index glycémique et les fibres (ils doivent représenter 50 % de la ration journalière) ; réduire les sucres rapides ; répartir la ration énergétique totale en trois repas et trois collations ; en cas d'obésité ou de prise de poids dépassant 1,8 kg par mois, le niveau énergétique quotidien peut être réduit d'un tiers sans descendre en dessous de 1 600 Kcal. Après quinze jours de ce traitement, l'équilibre glycémique est évalué par une glycémie à jeun et post-prandiale. Si les objectifs sont atteints, le régime est poursuivi et la patiente est revue toutes les deux à quatre semaines en consultation diabétologique. En revanche, si le régime est bien suivi mais les glycémies à jeun supérieures à 0,95 g/l (5,3 mmol) et/ou, si les glycémies mesurées deux heures après un repas sont supérieures à 1,20 g/l (6,7 mmol), une insulinothérapie doit être instaurée, justifiant une prise en charge éducative similaire à celle proposée en cas de diabète prégestationnel.

Insulinothérapie. « Le schéma d'insulinothérapie proposé comporte une injection d'insuline rapide avant chaque repas si les glycémies post-prandiales sont élevées et une injection d'insuline d'action intermédiaire au dîner ou au coucher si la glycémie au réveil est élevée », indique le Dr Benchimol. Chez la femme obèse, les doses d'insuline doivent être augmentées rapidement de deux en deux, voire de quatre en quatre jusqu'à obtention des objectifs glycémiques.

Surveillance. Comme pour le diabète prégestationnel, la surveillance obstétrique est multidisciplinaire et coordonnée entre l'obstétricien, le diabétologue, le diététicien, la sage-femme et les infirmières chargées de l'éducation des patientes. De même, outre le suivi obstétrique classique, il est nécessaire de mettre en place une surveillance échographique afin d'apprécier la croissance, la vitalité et la morphologie foetales (mesure des circonférences, estimation du poids, mesure du septum interventriculaire, appréciation de la quantité de liquide amniotique). En cas de suspicion de macrosomie (poids foetal compris entre 4,3 et 4,5 kg) une césarienne est programmée à 39 semaines.

Dans le cas contraire, un déclenchement peut être programmé à 38-39 semaines mais certaines équipes reviennent sur ce principe dans la mesure où aucune mort foetale in utero n'est enregistré au terme des grossesses associées à un diabète gestationnel pur. « Actuellement, confirme le Dr Benchimol, en l'absence d'indication de césarienne pour macrosomie, nous avons effectivement tendance à accompagner la patiente au terme de sa grossesse en assurant une surveillance monitoring et biologique régulière (deux fois par semaines). Dans la majorité des cas, l'accouchement se déroule tout à fait normalement. Seules les femmes qui bénéficiaient d'une insulinothérapie sont accouchées sous insuline par pompe associée à une perfusion de glucosé, ce qui permet de maintenir un bon équilibre glycémique durant le travail. »

PRISE EN CHARGE POSTNATALE

L'enfant né de mère diabétique ou ayant développé un diabète gestationnel doit bénéficier d'une surveillance postnatale renforcée, en particulier dans les 24 premières heures. Il convient en effet, surtout lorsque l'équilibre glycémique gestationnelle n'a pas été satisfaisant, d'être particulièrement attentif au risque d'hypoglycémie néonatale. Une première glycémie par prélèvement capillaire doit être réalisée à une heure de vie puis renouvelée toutes les deux heures. Elle doit être supérieure à 0,40 g/l (2,2 mmol). En cas d'hypoglycémie, une solution de malto-dextrine et un biberon de lait doivent être administrés. Des hypoglycémies récidivantes justifient la prise en charge du nourrisson dans un service de néonatologie et l'administration par voie parentérale d'apports glucidiques éventuellement associés à du glucagon. L'allaitement maternel est conseillé car il contribue au retour à la normale de la tolérance au glucose à distance de l'accouchement. Les femmes ayant développé un diabète gestationnel doivent être surveillées durant quelques jours afin de vérifier la normalisation de la glycémie. Si une hyperglycémie persiste, il peut s'agir d'un diabète prégestationnel ou d'un DID révélé par la grossesse et la prise en charge diabétologique doit être poursuivie ou réinstaurée rapidement. À long terme, il est clairement établi que le DG est à haut risque de récidive en cas de nouvelle grossesse. « De plus, insiste le Dr Benchimol, la majorité des femmes présentant un DG développent un DNID permanent dans les années suivantes (50 % à 10 ans, 60 % après 15 à 20 ans). » Ces risques sont les mêmes pour toutes les femmes, qu'elles aient eu ou non besoin d'une insulinothérapie pour traiter leur DG.

« Il est donc nécessaire, conclut le Dr Benchimol, d'inscrire la surveillance post-partum de ces femmes dans la durée, de contrôler régulièrement leur tolérance au glucose et de mettre en oeuvre des mesures préventives : normalisation du poids, maintien d'une activité physique régulière, prise en charge des cofacteurs de risque. Quant aux enfants, ils sont eux aussi exposés à un risque accru de diabète et d'obésité dans l'enfance justifiant une surveillance régulière et surtout une éducation nutritionnelle dès le plus âge. » Autant dire qu'avant, pendant et après la grossesse, la problématique du diabète confère aux soignants un rôle majeur d'information, d'éducation, de surveillance et d'accompagnement qui, au-delà des soins, recouvre une dimension préventive spécifique.

1- Cela signifie pour un diabète insulinodépendant, des fluctuations glycémiques comprises entre 0,60 g/l et 1,60 g/l.

2- D'après les recommandations, les analogues de l'insuline ne doivent pas être prescrits au cours de la grossesse faute d'un recul suffisant avec ces nouvelles insulines suspectées de présenter un risque tératogène, pour l'heure non démontré. Des études randomisées sont en cours pour valider ou non ce risque scientifiquement. En pratique, les femmes sous antidiabétiques oraux passent, si nécessaire, à l'insuline humaine, avant et pendant la grossesse. La question du choix se pose principalement pour les femmes DID traitées initialement avec des analogues de l'insuline. En l'absence de consensus, il revient à chaque médecin de fixer la conduite à tenir.

3- Après la naissance, l'hyperinsulinisme foetal accroît le risque d'hypoglycémie, d'hypocalcémie, de polyglobulie, d'hyperbilirubinémie, de cardiomyopathie hypertrophique et de détresse respiratoire. Les complications maternelles sont rares et moins fréquentes qu'au cours du diabète prégestationnel. Néanmoins, la survenue d'hydramnios, d'infections urinaires et surtout d'hypertension artérielle est plus fréquente en cas de DG.

En savoir plus

> Guide pratique du diabète, André Grimaldi et col., Médiguides, Masson.

> Association française des diabétiques : http://www.afd.asso.fr.

> Association de langue française pour l'étude du diabète et des maladies métaboliques : http://www.alfediam.org.

Retentissements du diabète sur la grossesse

L'hyperglycémie maternelle (HGM) présente un risque pour le foetus tout au long de la grossesse. Ainsi, dès la conception et au cours de l'organogenèse, elle peut être responsable de fausses couches précoces et de malformations.

Plus tard, elle peut également causer des morts in utero. « Celles-ci surviennent le plus souvent en fin de grossesse et justifient à elles seules le renforcement de la surveillance foetale à partir de 32 semaines d'aménorrhée », explique le Dr Benchimol. Au cours du développement foetal, l'HGM est responsable d'un hyperinsulinisme foetal réactionnel à l'origine d'hypoxie tissulaire, de retard de maturation pulmonaire, de cardiomyopathie avec hypertrophie septale mais surtout, de macrosomie foetale.

Enfin, lors de l'accouchement, l'HGM majore le risque d'hypoglycémie insulinique sévère du nouveau-né.

Macrosomie

La macrosomie est une anomalie caractérisée par une augmentation de toutes les parties du corps. Plus le foetus est confronté à l'hyperglycémie maternelle, plus il stocke de graisses, lesquelles ont tendance, dans ce cas, à se concentrer au niveau supérieur du corps, exposant à un risque majeur de dystocie des épaules (blocage des épaules dans la filière génitale) aux complications redoutables.

Retentissements de la grossesse sur le diabète

Lorsque le diabète est plus ou moins bien équilibré, les modifications biologiques consécutives à la grossesse peuvent entraîner un déséquilibre métabolique présentant un risque d'hypoglycémie, d'acidocétose, de rétinopathie et de néphropathie.

Ces risques sont essentiellement encourus par la mère à l'exception de l'acidocétose qui comporte également un risque majeur de mort foetale in utero. Des crises d'hypoglycémie surviennent dans 12 à 20 % des cas en début de grossesse. Elles sont consécutives à la diminution physiologique des besoins en insuline à cette période de la gestation et exposent à un risque neurologique maternel sérieux (coma, convulsions...).

De plus, la répétition des crises majore le risque de survenue d'une crise sévère. Moins fréquent (environ 3 % des grossesses) le risque d'acidose est majoré chez les femmes particulièrement sujettes aux infections et aux vomissements et prenant des traitements corticoïdes et bêta-mimétiques. Sa recherche par bandelettes urinaires doit être systématique car elle survient pour des glycémies modérément élevées. La rétinopathie se développe en cours de grossesse dans 10 à 20 % des cas. Il s'agit le plus souvent de formes mineures.

En revanche, en cas de rétinopathie préexistante, le risque d'aggravation est très important et expose la patiente à des séquelles lourdes, justifiant une surveillance ophtalmologique régulière tout au long de la grossesse. Le risque de développer une néphropathie avec protéinurie > 3 g/l, est lui aussi accru en raison de l'augmentation physiologique du débit de filtration glomérulaire. Le plus souvent transitoire, cette néphropathie expose néanmoins à l'apparition d'une HTA.

O'Sullivan contre OMS

Le dépistage du DG peut être réalisé selon deux modalités distinctes : l'une en deux temps (O'Sullivan), l'autre en un temps (OMS). La méthode en deux temps ou test de O'Sullivan consiste à doser la glycémie le matin (à jeun ou non) après la prise orale de 50 g de glucose. Si ce test est positif (glycémie > 1,30 (7,2 mmol), il détermine une population éligible pour un test de confirmation diagnostique reposant sur une hyperglycémie provoquée par voie orale (HGPO) après absorption de 100g de glucose. Le diagnostic de DG est confirmé en présence de deux valeurs positives. « Cette méthode de référence est actuellement la plus employée, explique le Dr Benchimol, mais elle tend à être remplacée par une méthode plus simple, proposée par l'OMS, qui associe en un seul temps le dépistage et le diagnostic. » Elle consiste à réaliser un dosage de glycémie à jeun puis deux heures après l'absorption de 75 g de glucose. La seule réserve concerne les critères de positivité du test sur lesquels il n'existe actuellement aucun consensus. Ainsi, selon que le praticien est plus ou moins sévère ou restrictif dans les critères de positivité des tests (seuil de glucose toléré), les mêmes femmes peuvent être considérées diabétiques ou non. Par exemple, pour l'OMS, le test est positif en cas de glycémie à jeun > 7 mmol (1,26 g/l) et de glycémie post-charge > 7,8 mmol (1,40 g/l).