Kawkab témoigne | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 211 du 01/12/2005

 

Obésité

Du côté des patients

Confrontée à des problèmes de poids, Kawkab nous confie son expérience à l'ISP de Palavas, ses victoires, ses doutes aussi...

« Ce n'est pas parce que tu es grosse que ta vie s'arrête là. Il y a des gens pour t'aider et si tu as vraiment envie de maigrir, tu peux y arriver ! » Kawkab Ziraoui, 18 ans, est une ravissante jeune femme, souriante et prête à mordre la vie à pleines dents. Elle a accepté, sans la moindre hésitation, de nous raconter son séjour à l'Institut Saint-Pierre de Palavas (Hérault), spécialisé notamment dans la prise en charge des grands obèses.

divorce

En CP, Kawkab Ziraoui était déjà plus grosse que les autres. Elle n'en avait pas conscience. « Je ne me voyais pas aussi énorme. Je n'osais pas me peser et quand j'y étais obligée, je n'y croyais pas. Je suis allée jusqu'à 106 kg ! »

Après un travail de huit mois avec la psychologue de l'ISP, « on a pensé que c'était dû au divorce de mes parents. Personnellement, je n'ai aucun souvenir de cette période. Ma mère m'a dit que j'avais beaucoup pleuré et cherché mon père. Ma prise de poids correspond à cette période-là. J'avais 5-6 ans. » Durant l'absence de sa mère, Kawkab grignote sans cesse devant la télé. « C'était comme un casier à remplir, mais jamais assez plein. »

À 16 ans, la corpulence de Kawkab (dont elle se servait pour s'imposer et impressionner) commence à lui poser problème. Au lycée, elle subit les moqueries, ne fait pas de rencontres. « Je vivais par procuration ». Aussi, quand sa mère lui parle de l'ISP, elle se dit qu'il est temps...

Les règles en vigueur à l'Institut sont strictes : présence obligatoire aux séances avec la psychologue, la diététicienne ; respect des éducateurs, des professeurs ; pratique d'activités sportives ; retour dans la famille un week-end sur deux. En retour, l'ISP s'engage, sur une période de trois ans après la sortie de l'établissement, à un suivi assuré par l'équipe médicale, en concertation avec le médecin traitant.

À son arrivée (septembre 2003), Kawkab pèse 100 kg pour 1,67 m. « C'est lors des deux premiers mois que l'on perd le plus de poids (8 kg de graisse). Ensuite, il faut puiser dans les réserves, c'est le plus dur... » À l'ISP, on pratique les sports les plus variés. Course, natation, foot, hockey, rugby, ping-pong, gymnastique, balnéothérapie... Ça tombe bien, Kawkab adore ! Ce n'est pas le cas de tout le monde, mais les éducateurs sont là pour motiver les troupes. Le groupe est solidaire et s'entraide, les ados se lancent des défis, battent des records... La diététicienne calcule le nombre de calories par jour et par personne, et est à l'écoute des demandes de chacun : « Au début, nous avions faim. Il a fallu quelques jours d'adaptation, puis on s'est rendu compte que ce qu'on nous servait suffisait. À présent, je sais exactement ce que je devrais manger, quelle quantité et comment... »

complicité

Des liens se créent entre les jeunes, mais aussi avec l'équipe. Kawkab évoque les moments de déprime, son besoin de parler, d'être conseillée, la présence réconfortante de l'équipe de nuit, les séances passionnantes avec Natacha, la psychologue, les bons conseils de Dorothée la diététicienne, le suivi des médecins, les rigolades avec les moniteurs, les professeurs dont les cours sont adaptés au niveau de chacun...

pas encore prête

Kawkab est une des rares personnes à avoir pu rester huit mois au centre. À sa sortie, elle sait qu'elle peut compter sur le soutien de sa famille et de « l'équipe ». Finis les complexes : elle pèse 76 kg ! Ses parents et amis la complimentent, ils ne la reconnaissent pas, elle est devenue belle : « C'était à la fois gentil et vexant car ça voulait dire qu'avant je n'étais pas belle ! ». Sa transformation fait des jalouses, à présent les garçons la regardent.

Novembre 2005, un an et demi a passé. Kawkab a repris 9 kg. L'été au Maroc, un changement de lycée, des trajets fatiguants, moins de sport, le ramadan, la flemme de cuisiner... Parfois, elle se fait vomir mais comprend vite que ça ne la fera pas maigrir. « J'avais honte, je me cachais pour que personne ne m'entende. À l'Institut, ils sont totalement contre. Ce sont des films et certaines émissions à la télé qui m'en ont donné l'idée. Aussi, des gens m'ont dit "fume des joints, tu maigriras", mais c'est faux ! »

Kawkab affirme n'être pas encore tout à fait prête à se prendre en charge. L'équipe d'encadrement lui manque, elle a encore besoin d'eux, de Natacha, avec qui elle aime tant parler... Les rendez-vous se sont espacés, elle a perdu la volonté : « j'ai pensé qu'ils m'avaient oublié, mais je réalise qu'en fait, c'est à moi de les contacter maintenant ».

jamais « comme avant »

Kawkab le sait à présent : elle mange pour combler quelque chose, « sans doute la perte du père ». Elle sait que sa famille la soutient. « Mon frère a proposé de m'épauler en pratiquant un sport avec moi... En tout cas, il n'est pas question que je redevienne "comme avant" ».