L'hôpital, c'est à la maison ! - L'Infirmière Magazine n° 211 du 01/12/2005 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 211 du 01/12/2005

 

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Horizons

Le CHU de Grenoble a été l'un des premiers établissements à organiser l'hospitalisation de patients à leur domicile. Avec une vingtaine de collègues infirmières, Serge Courgoulet fait vivre cet hôpital hors les murs.

Lorsqu'en 2003, après quinze ans d'exercice, j'ai cessé mon activité d'infirmier libéral pour rejoindre le CHU de Grenoble, j'espérais, à terme, pouvoir intégrer un poste en HAD », confie Serge Courgoulet. Voeu exaucé ! Depuis près d'une année maintenant, Serge sillonne de nouveau les rues de la capitale du Dauphiné et de sa proche banlieue.

parcours singulier

Créé en 1969, le service d'hospitalisation à domicile (HAD) de l'établissement, rattaché au département de médecine gériatrique et communautaire, est l'un des plus anciens de l'Hexagone. Au total, il compte 80 places. Cinquante-huit d'entre elles sont réservées aux adultes, douze à la maternité et dix à la pédiatrie, chaque secteur fonctionnant de manière totalement autonome.

« Le parcours de Serge est assez atypique. Rares, en effet, sont les infirmières qui dans son cas choisissent de réintégrer un service hospitalier », souligne Corinne d'Almeida, cadre du service. Horaires de travail à rallonge, paperasse administrative, gestion comptable qui prend des heures... auront pourtant eu raison de l'attachement de Serge à son indépendance. « Pour autant, après ma décision, je n'envisageais pas de travailler ailleurs que dans le public », précise-t-il.

Vers 7 h du matin, branle-bas de combat dans les couloirs et les bureaux du service. Avant de partir en tournée, chaque infirmière vient chercher le dossier personnel des patients, son matériel et un véhicule. Sur un serveur informatique, Serge vérifie que ses patients n'ont pas eu de problème particulier durant la nuit. Un infirmier d'astreinte prend, en effet, le relais à partir de 22 h jusqu'au premier service. Une fois sa sacoche et une caisse, chargée de matériel, calées dans le coffre, c'est parti.

casse-tête

Première plaie de la journée : la circulation. En moyenne, Serge, comme ses collègues, passe deux heures par jour au volant. Soit plus d'un tiers de son temps de travail ! « C'est un vrai casse-tête, admet Corinne d'Almeida, et nous devons prendre en compte ce paramètre lorsque nous faisons les plannings. » Pas question, dans ces conditions, d'oublier ne serait-ce qu'un tube de prélèvement. Sinon, c'est au bas mot une heure de perdue. Rigueur et sens de l'organisation sont donc de mise.

Le premier patient de la journée habite Échirolles. Peu après 8 h, Serge se gare dans une petite allée aux maisons proprettes. Comme son patient est encore sous la douche, il en profite pour passer sa blouse, sortir les champs et enfiler des gants. Guillaume arrive sur sa chaise roulante et se hisse sur un lit médicalisé qui trône au milieu de la salle à manger, coincé entre un canapé et un meuble bas imposants. « Il faut s'adapter à l'environnement », glisse Serge. Paraplégique depuis plus de vingt ans à la suite d'un accident de la route, Guillaume souffre d'une méchante escarre dans le dos qu'il est maintenant nécessaire de mécher. « Je regrette de n'avoir pas connu l'HAD plus tôt, dit-il. Je ne supporte plus les chambres d'hôpital ni le centre de repos qui est trop loin pour que ma famille vienne régulièrement me voir. L'HAD, ça respecte mon rythme de vie. Globalement, on peut choisir nos horaires. Alors qu'à l'hôpital on ne sait jamais à quel moment seront prodigués les soins. Du coup, on n'entreprend rien. » Serge mettra plus de vingt minutes à nettoyer et à panser la plaie.

à l'aise dans sa pratique

Au sortir, l'infirmier souligne que l'expérience est certes un atout pour travailler en HAD, mais qu'il faut surtout être sûr de ses capacités et de sa technique. « Aujourd'hui, les soins sont très complexes, comme, par exemple, la pose de sonde de nutrition parentérale. Au domicile, nous sommes seuls, même si l'on peut toujours contacter un collègue ou le médecin coordonnateur », signale-t-il.

« En HAD, fait remarquer Corinne d'Almeida, les professionnels doivent pouvoir maîtriser toutes les situations, qu'elles aient trait aux soins ou à l'environnement familial. C'est nécessaire pour eux et pour les patients. Personne ne doit se sentir en difficulté. »

Serge file maintenant vers sa deuxième consultation. Atteint d'un cancer généralisé, le patient bénéficie également de l'intervention de l'équipe mobile de soins palliatifs du CHU. « Par moments, c'est difficile. Entrer dans une maison, c'est aussi pénétrer dans l'intimité des gens. Lorsque certains me demandent "J'en ai encore pour combien de temps ?", c'est dur », confie Serge. D'autant que pour l'heure, en l'absence de supervision, seule la réunion hebdomadaire du staff peut permettre aux infirmiers de lâcher un peu de pression.

les fêtes à la maison !

Un peu plus tard, Serge sonne chez Camille. Un gros chien frétillant l'accueille. « J'ai bénéficié de l'HAD juste avant Noël dernier. Même en étant alimentée par voie parentérale, c'était bon de passer les fêtes à la maison après des semaines à l'hôpital, se souvient Camille. Il me semble que les infirmiers d'HAD prennent davantage d'initiative et font mieux le lien avec mon médecin. » Serge s'apprête à changer un grippeur - l'opération réclame une parfaite asepsie - et a effectué des prélèvements.

« Je ne comprends pas que l'HAD ne soit pas davantage développée. De nombreux patients pourraient bénéficier du dispositif. Ils seraient bien mieux chez eux qu'à l'hôpital. Et en terme purement médical, ça diminue nettement le risque d'infections nosocomiales. De surcroît, le coût de journée est bien moins onéreux qu'une hospitalisation », note Serge. Aujourd'hui, avec ses 20 infirmières, équivalant à 17 temps pleins, le service « adultes » parvient à prendre en charge une quarantaine de patients, en moyenne. « Du fait de l'accroissement des maladies chroniques évolutives, des traitements de chimiothérapie et des soins palliatifs, on ne peut guère faire plus aujourd'hui. Il est courant que l'infirmière passe 1 h 30 chez un patient et, parfois, une demi-journée pour certaines chimiothérapies », indique Corinne d'Almeida. Comme partout, le passage aux 35 heures a également pesé sur la charge de travail. Le temps réservé aux transmissions a été rogné et les infirmières font un peu plus de week-ends. Malgré tout, travailler en HAD demeure un objectif pour nombre de professionnels. Mais les places y sont chères. Lorsqu'un poste se libère, 15 candidatures parviennent au service. Et, une fois intégrées, les infirmières restent souvent jusqu'à la retraite ! « Contrairement à d'autres unités, nous n'avons pas de soucis pour recruter des infirmières. On privilégie des professionnelles dotées d'au moins cinq ans de pratique et d'une expérience variée : chirurgie, gériatrie, oncologie et hématologie », observe Corinne d'Almeida.

De retour au CHU, en début d'après- midi, Serge se hâte d'aller déposer ses prélèvements au laboratoire et en profite pour récupérer des résultats d'examens. Après la rédaction des transmissions, il enfourchera son vélo pour regagner son domicile.

zoom

Sous quelles conditions ?

« L'hospitalisation à domicile (HAD) est prescrite par un médecin hospitalier ou un médecin exerçant à titre libéral. Elle permet de dispenser au domicile du malade, pour une période limitée mais révisable en fonction de l'évolution de son état de santé, des soins médicaux et paramédicaux continus et nécessairement coordonnés. Le dispositif concerne des malades atteints de pathologies graves, aiguës ou chroniques, évolutives et/ou instables qui, en l'absence d'un tel service, seraient hospitalisés en établissement de santé. »(1)

Pour qu'un patient soit admis en HAD, il est nécessaire de recueillir son accord, celui de sa famille et son médecin traitant. Il est également nécessaire que son état et les soins qui vont lui être dispensés soient réalisables et compatibles avec ceux pratiqués en HAD. Durant la période de prise en charge, un proche doit être présent au domicile. Dès lors que le malade est intégré au dispositif, seuls les professionnels de l'unité d'HAD (IDE, aides-soignantes, assistantes sociales, kinésithérapeute...) et le médecin traitant interviendront au domicile. Toutefois, exceptionnellement, des paramédicaux peuvent être appelés à remplacer les personnels de l'HAD.

1- Circulaire DH/EO/2000/295 du 30 mai 2000 relative à l'hospitalisation à domicile.

contact

- CHU de Grenoble

Hôpital Albert-Michallon

Avenue du Maquis du Grésivaudan

38700 La Tronche

Tél. : 04 76 76 55 41

http://www.chu-grenoble.fr