L'incontinence d'effort - L'Infirmière Magazine n° 211 du 01/12/2005 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 211 du 01/12/2005

 

urologie

Conduites à tenir

L'incontinence urinaire touche trois millions de Françaises. La majorité souffre d'incontinence d'effort à l'origine d'une gêne quotidienne parfois très handicapante. Pourtant, à peine un tiers des femmes incontinentes consultent alors que des traitements permettent de recouvrer une bonne qualité de vie.

DÉFINITION

L'incontinence urinaire d'effort est une insuffisance passive liée à une diminution de la force de fermeture du sphincter externe. Elle frappe presque exclusivement les femmes et en particulier les femmes jeunes. Elle s'oppose à l'incontinence par impériosité qui est une incontinence urinaire active, secondaire à une hyperactivité vésicale. Parfois, ces deux types d'incontinence s'associent. On parle alors d'incontinence mixte.

SURVENUE

Pour les femmes atteintes d'incontinence urinaire d'effort, une quinte de toux, un fou rire, un éternuement, le port d'une charge, la marche et a fortiori les sauts provoquent une augmentation de la pression intra-abdominale. Lorsqu'elle dépasse la force de fermeture du sphincter, cette dernière entraîne une perte d'urine incontrôlable.

FACTEURS DE RISQUE

Au cours des dix dernières années, différents facteurs de risque ou variables contribuant au développement de l'incontinence urinaire d'effort ont été précisés : accouchement (en particulier en cas de gros bébés), obésité, constipation, prolapsus pelvien, toux chronique. Tous ces facteurs sont en effet susceptibles d'endommager le tissu conjonctif et les structures neuromusculaires internes ou externes à l'urètre(1).

Il est donc nécessaire de prévenir les femmes qui présentent l'un, voire plusieurs de ces facteurs de risque, de la possibilité d'une incontinence urinaire d'effort et de la nécessité de consulter rapidement pour bénéficier d'une prise en charge efficace et préserver ainsi leur qualité de vie. Dans certains cas (constipation, obésité, accouchement), une prise en charge préventive est possible. En cas de grossesse, par exemple, il faut insister sur l'intérêt préventif des séances de rééducation post-partum et inviter les femmes à entretenir régulièrement leur périnée par des exercices spécifiques quotidiens. Il faut également leur conseiller de ne pas forcer pour muscler les abdominaux et d'éviter les sports qui sollicitent à l'excès la paroi abdominale (saut, jogging, équitation, trampoline...).

ENQUÊTE

Les conclusions d'une grande enquête multinationale(2) conduite auprès de milliers de femmes âgées de plus de 18 ans montrent qu'une femme sur trois a présenté un épisode de fuite urinaire à l'effort au cours des douze derniers mois. Environ deux femmes sur cinq (37 %) âgées de 35 à 54 ans ont présenté des symptômes et 18 % ont connu leur premier épisode d'incontinence urinaire d'effort avant 29 ans et 63 % avant 50 ans. Cette enquête remarque également que près de deux femmes sur trois n'ont jamais consulté un médecin et que parmi celles qui ont consulté, une sur cinq a attendu plus de trois ans pour le faire et une sur dix, quatre ans et plus.

IMPORTANTES RÉPERCUSSIONS

L'incontinence urinaire d'effort retentit sur toutes les activités de la vie courante, ce qui entraîne d'importants bouleversements dans la vie des femmes concernées. Celles-ci déclarent devoir mettre en place des stratégies palliatives : porter systématiquement des serviettes hygiéniques, limiter les boissons, éviter les voyages professionnels, les activités physiques collectives, ne pas danser dans les soirées... Elles finissent par perdre confiance en elle, doivent parfois renoncer à leur carrière ou leurs activités sociales et redoutent les rapports sexuels.

Globalement, elles s'isolent et souffrent d'autant plus de cette situation qu'elles éprouvent de grandes difficultés à surmonter leur gêne et à se confier au médecin, voire à évoquer leurs symptômes avec leur conjoint. Il est donc important que les infirmières informent les patientes pour les sortir de leur isolement et les aider à entreprendre une démarche de soins.

DIAGNOSTIC

Le diagnostic de l'incontinence urinaire d'effort est principalement clinique. Il est confirmé par un bilan urodynamique qui permet d'évaluer l'état du sphincter et le fonctionnement de la vessie. Il permet de mettre en évidence les déficits pouvant être corrigés par une rééducation périnéale et ceux nécessitant un traitement chirurgical.

TRAITEMENTS

Actuellement, aucun médicament n'est accessible pour traiter l'incontinence urinaire d'effort. Des essais thérapeutiques sont en cours (duloxetine notamment) dont les premiers résultats semblent prometteurs. Pour l'heure, la prise en charge repose principalement sur la rééducation du plancher pelvien et la chirurgie.

Rééducation périnéo-sphinctérienne. Dépourvue d'effets secondaires, elle est proposée en première intention. La rééducation périnéo-sphinctérienne réclame la participation active de la patiente pendant et entre les séances pour entretenir les résultats obtenus. Elle fait appel aux techniques décrites ci-après.

Travail manuel intravaginal des muscles du plancher pelvien. Base essentielle de la rééducation, il permet au rééducateur (kinésithérapeute, sage-femme) de localiser la zone de contraction des faisceaux musculaires et d'évaluer la qualité de la contraction sur une échelle de 1 à 5. Réalisé au repos et à l'effort, il est important pour vérifier en cours de rééducation que la patiente n'inverse pas les commandes en contractant ses muscles abdominaux au lieu des muscles périnéaux. Il est souvent complété par une phase d'électrostimulation ciblée suivie d'une phase de biofeedback.

Électrostimulation fonctionnelle. Une sonde placée dans le vagin transmet des courants électriques de faible intensité qui provoquent des contractions musculaires (fréquence 50 Hz). Le traitement est passif. La patiente n'intervient pas et le rééducateur n'y a pas recours systématiquement (incontinence urinaire d'effort peu sévère, par exemple). Par ailleurs, il ne peut être utilisé en cours de grossesse, si la patiente porte un pacemaker ou en cas d'hypoesthésie périnéale (diminution de la sensibilité due à un trouble de l'innervation sensitive).

Biofeedback instrumental (rétrocontrôle du travail). C'est la phase active et le deuxième temps fort du traitement. La sonde vaginale produit une microrésistance réglable que le thérapeute augmente progressivement en intensité et durée et contre laquelle la patiente doit contracter son périnée. Elle visualise ces contractions sur un écran, ce qui lui permet de contrôler en temps réel les résultats obtenus.

En moyenne, 15 à 20 séances sont nécessaires pour obtenir des résultats significatifs. Elles doivent être rapprochées (deux par semaine minimum) et suivies, y compris pendant les règles.

Chirurgie. Jusqu'à ces dernières années, la chirurgie de l'incontinence urinaire d'effort était dominée par des interventions lourdes (frondes sous-cervicales notamment). Actuellement, les seules techniques qui présentent un bon rapport efficacité/morbidité sont la colposuspension rétropubienne, les bandelettes sous-urétrales et les injections périurétrales.

Colposuspension rétropubienne. Elle consiste à fixer, par laparotomie ou coelioscopie, les culs-de-sac vaginaux et/ou les tissus périurétraux à diverses structures. Plusieurs techniques sont différenciées en fonction du lieu de fixation des fils : en haut en avant (technique de Marshall-Marchetti Krantz) ; à la face postérieure de la symphyse pubienne (technique de Burch). L'efficacité de ces interventions par laparotomie a été évaluée et le taux de succès approche 90 % dans la première année et 70 % à cinq ans. Néanmoins, elles sont de moins en moins pratiquées au profit des bandelettes sous-urétrales.

Bandelettes sous-urétrales. Elles ont pour but de stabiliser l'urètre en mettant en place un « hamac » urétral ou cervico-urétral. C'est en effet la mobilité cervico-urétrale qui est essentiellement en cause dans l'incontinence urinaire d'effort.

Le TVT (tension free vaginal tape), pratiqué en France depuis 1997, est actuellement la technique de référence dans notre pays. Elle consiste à positionner par voie vaginale une bandelette de Prolène® (matériau synthétique biocompatible) autour de l'urètre juste en dessous du col vésical. Les extrémités de la bandelette sont récupérées par deux petites incisions cutanées (sans incision des muscles) en sus-pubien. Elles ne sont pas fixées. C'est la fibrose réactionnelle qui entraîne le maintien. La bandelette agit comme une ceinture de sécurité. Elle suit les mouvements de la patiente et oppose une résistance en cas d'effort qui bloque la descente de l'urètre et évite les fuites.

Simple, rapide à mettre en oeuvre et pratiquée sous anesthésie locale ou locorégionale (la patiente doit quelquefois participer en fin d'intervention), cette technique peut être pratiquée en première intention lorsque la rééducation bien conduite est inefficace ou en cas d'échec ou de récidive suite à une intervention classique. Les résultats sont satisfaisants dans plus de 90 % des cas.

Plus récent, le TOT (trans obturator tape) consiste à passer la bandelette au niveau du trou obturateur et à rejoindre le vagin afin de déposer la bandelette sous l'urètre. Cette technique a été développée pour éviter les risques (plaie vésicale, digestive et vasculaire) dus au passage rétropubien de l'alène. À efficacité comparable, il semble effectivement moins morbide que le TVT. Néanmoins, des études comparatives et un recul plus important vont être nécessaires pour confirmer ces premiers résultats.

Injections périurétrales. Elles consistent à injecter des substances (silicone, collagène, graisse...) pour combler l'espace périurétral et le rigidifier afin d'obtenir une meilleure continence. Ces techniques qui restent encore expérimentales semblent prouver leur efficacité.

Cependant, en l'absence de recul suffisant et de données comparatives, leur utilisation en première intention doit être réservée aux femmes ne pouvant pas bénéficier d'autres techniques.

1- Voelker R, « International Group Seeks to Dispel Incontinence Taboo », Jama, 1998, vol. 28, 11 : 951-953.

2- Enquête « Stress Urinary Incontinence and Women : Discovering the truth », menée par Wirthlin Worldwide sous l'égide de l'International Continence Society dans neuf pays : France, Allemagne, Italie, Espagne, Suède, Royaume-Uni, Canada, Mexique et Australie.

Source : http://www.prnewswire.co.uk.

Articles de la même rubrique d'un même numéro