Le Mitrofanoff - L'Infirmière Magazine n° 211 du 01/12/2005 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 211 du 01/12/2005

 

urologie

Conduites à tenir

Intervention chirurgicale urologique, le Mitrofanoff est destiné aux personnes souffrant d'atteintes médullaires. Il favorise l'autonomie et améliore de façon notable la qualité de vie de ces patients.

Le Mitrofanoff est une intervention chirurgicale urologique développée dans les années 1960 par le chirurgien français du même nom. Il consiste à créer un conduit entre la vessie et la peau grâce à l'appendice ou à un morceau d'intestin grêle. Cette stomie se situe dans la fosse iliaque droite ou au niveau de l'ombilic. Ce conduit continent sera utilisé pour les sondages intermittents.

POPULATION CONCERNÉE

Le Mitrofanoff concerne les blessés médullaires (tétraplégiques, triplégies ou paraplégiques) mais aussi les patients souffrant d'atteintes médullaires congénitales (spina bifida). Une intervention chirurgicale des membres supérieurs est parfois nécessaire pour aider à la préhension afin de faciliter les auto-sondages.

OBJECTIFS

> Protection du haut appareil urinaire en facilitant la vidange vésicale. Celle-ci se faisant presque exclusivement par sondages intermittents, les blessés médullaires sont fragilisés et plus exposés aux infections urinaires. Une vidange vésicale correcte, empêchant la stagnation des urines, permet de limiter ces infections basses et d'éviter une surinfection rénale.

> Développement de l'autonomie du patient et amélioration de sa qualité de vie. La dépendance à une tierce personne pour des transferts n'est plus utile, le sondage intermittent sur un Mitrofanoff se faisant en position assise. Le patient augmente son autonomie et la resocialisation est plus aisée.

LES DIFFÉRENTES PHASES

Avant l'intervention chirurgicale.

- Calendrier mictionnel sur 72 heures (bilan entrées/sorties des liquides).

- Bilan d'urodynamie (cystomanométrie) .

- Examen cytobactériologique des urines.

- Bilan sanguin complet préopératoire et consultation d'anesthésie.

- Évaluation de l'autonomie du patient avant l'intervention chirurgicale faite en collaboration avec l'ergothérapeute.

- Préparation psychologique pour l'intervention mais aussi pour le changement de l'image du schéma corporel.

- Pour les patientes, un entretien au préalable est indispensable pour définir avec elles l'emplacement de la future stomie (fosse iliaque droite ou ombilicale). Il est conseillé de pratiquer si possible une stomie au niveau de la fosse iliaque droite pour permettre une césarienne en cas de grossesse.

Intervention chirurgicale. Elle nécessite une hospitalisation d'une durée moyenne de quinze jours . Le patient est hospitalisé dans un service d'urologie. L'intervention se fait sous anesthésie générale.

Après l'intervention.

Suites opératoires immédiates.

- Le patient est porteur d'une sonde à demeure (à conserver trois semaines) dans le conduit du Mitrofanoff et une autre au niveau des voies naturelles.

- Une sonde nasogastrique d'aspiration douce s'il y a eu une intervention sur l'intestin grêle.

- Une perfusion permettant l'administration d'antalgiques.

Suites postopératoires.

- Retrait de la sonde nasogastrique au bout de quatre à cinq jours si bonne reprise du transit digestif.

- Reprise progressive d'une alimentation adaptée à l'évolution du transit intestinal.

- Arrêt de la perfusion.

- Évaluation de la diurèse rigoureuse jusqu'aux retraits des deux sondes à demeure.

Suites postopératoires à J 15. Le patient est dirigé vers un centre de rééducation.

RÔLE DE L'INFIRMIÈRE EN CENTRE DE RÉÉDUCATION

Il se définit dans une logique biopsychosociale.

Soins techniques.

Plaie. Les soins sont réalisés stérilement selon la prescription médicale jusqu'à l'ablation des fils et la cicatrisation complète. La plaie sera alors recouverte d'un pansement sec. On établit une surveillance de la cicatrisation et une prévention des risques infectieux (surveillance des points de suture, propreté, inflammation, suppuration).

Orifice du Mitrofanoff. Le soin est réalisé quotidiennement selon la prescription médicale. Surveiller la cicatrisation de la stomie, le risque infectieux, le maintien de la sonde urinaire et l'état cutané (position de la tubulure changée régulièrement).

Lavages vésicaux. Destinés à diminuer les mucosités qui peuvent obstruer la sonde, ils fluidifient les urines, surtout s'il a été nécessaire de pratiquer une entérocystoplastie d'agrandissement.

La surveillance de la diurèse est essentielle (la quantité, l'aspect, l'odeur, la couleur, la présence ou l'absence de dépôts, de mucus ou de sang).

Un bilan liquidien entrées/sorties doit être réalisé.

Tous ces éléments sont importants pour une bonne évaluation de la vidange vésicale et dans le but de favoriser la protection de l'appareil urinaire.

Évaluation de la douleur. La surveillance se fait à l'aide de l'EVA (échelle visuelle analogique) afin d'évaluer l'efficacité des antalgiques.

Éducation. L'infirmière doit veiller à ce que le patient respecte bien son apport hydrique d'au moins 1,5 l/jour. L'ablation de la sonde à demeure est réalisée par le médecin, qui pratiquera aussi le premier sondage dans l'orifice du Mitrofanoff, afin d'apprécier le passage de la sonde et la charrière à utiliser.

Les hétéro-sondages suivants seront pratiqués par l'infirmière. Cela permettra de revoir avec le patient le déroulement du soin ; cette démonstration durera le temps suffisant et sera adaptée au patient. Progressivement, avec l'aide de l'infirmière, le patient s'appropriera le soin pour devenir complètement autonome dans l'acte.

Règles d'hygiène. L'infirmière doit éduquer le patient sur le respect des règles d'hygiène, leurs logiques et leurs objectifs, sachant que celles-ci sont poussées à l'extrême le temps de l'hospitalisation mais qu'au quotidien, le patient les allègera.

Hygiène des mains. L'infirmière explique la fréquence (avant de préparer le matériel, avant et après le soin) et sa durée (au moins 30 secondes). Il est primordial de lui apprendre les différentes étapes du lavage simple des mains, en commençant par les espaces interdigitaux, les doigts, les mains et en finissant par les avant-bras.

Hygiène de la stomie. Elle se fait à l'aide d'un désinfectant. La désinfection se fait du plus propre au plus sale, c'est-à-dire du pourtour de la stomie vers l'intérieur.

Gestuelle. Le maniement stérile de la sonde n'est pas une gestuelle simple. L'infirmière prend le temps de l'apprendre au patient en ne procédant pas à l'introduction de la sonde dans un premier temps. Elle l'aide à ritualiser le geste et à se l'approprier.

Gestion des déchets. L'infirmière apprend au patient le tri sélectif des déchets.

- Déchets non contaminants : à jeter dans les poubelles ménagères (emballages).

- Déchets potentiellement contaminants : à jeter dans les poubelles à incinérer (sondes et compresses usagées, poches à urines).

Calendrier mictionnel. C'est la traçabilité qualitative et quantitative des entrées/sorties des liquides de la personne, mais aussi l'indicateur pour évaluer et adapter les apports hydriques et les sondages. On y lit : la date, les heures de prise de boissons, leur quantité, les heures de sondages, la quantité d'urines recueillies, leur aspect, l'heure et la quantification des fuites.

VERS L'AUTONOMIE ET UNE MEILLEURE QUALITÉ DE VIE

Possibles conséquences psychologiques. L'infirmière a un rôle très important dans la relation d'aide. Cette relation débute avant même l'intervention. Le patient a beaucoup d'interrogations et sollicite régulièrement les soignants. Il a besoin que lui soient expliquées les différentes étapes de cette intervention et l'autonomie qu'elle lui apportera. Les réponses peuvent être individuelles mais il est nécessaire d'avoir recours à des schémas et parfois à des entretiens avec d'autres patients ayant déjà bénéficié de cette intervention.

Quelles interrogations ?

- La découverte de la plaie chirurgicale.

- L'esthétique de l'orifice avant la cicatrisation complète.

- La difficulté pour le malade d'admettre que l'urine peut « sortir par là ! ».

- La peur du changement corporel (déformations, écoulements éventuels, rejet des autres...).

- Le regret d'avoir réalisé l'intervention pendant la période de cicatrisation (fuites).

DIAGNOSTICS INFIRMIERS PRÉVALENTS

- Incontinence urinaire.

- Anxiété.

- Perturbation de l'image corporelle.

- Risque élevé d'infection.

- Incapacité partielle à effectuer un soin d'hygiène.

QUELS PATIENTS, QUEL SUIVI ?

Rythme de la surveillance.

- À court terme : 15 jours de rééducation.

- À moyen terme : la première année, consultation trimestrielle.

- À long terme : une fois par an.

Ce travail a été effectué à partir de l'expérience vécue par huit patients de 1997 à 2002.

Patients.Huit patients, cinq filles et trois garçons ; âge moyen : 19 ans.

Pathologies : quatre tétraplégies post-traumatiques, trois tétraplégies d'origine médicale et une paraplégie avec achondroplasie (membres supérieurs courts).

Chirurgies effectuées.

- Tunnels confectionnés avec l'appendice (tunnel de Mitrofanoff) : 4/8.

- Tunnels confectionnés par iléum (tunnel de Monti) : 3/8.

- Tunnel de Monti modifié : 1/8.

- Iléocystoplastie d'agrandissement associés : 3/8.

- Iléocystoplastie d'agrandissement antérieure : 1/8.

- Suspension du col vésical : 1/8.

- Transplantation musculaires et tendineuses aux MS : 1/8.

- Stomies placées au niveau ombilic : 4/8.

- Stomies placées au niveau fosse iliaque droite : 4/8.

Complications postopératoires.

- Iléus prolongé : 1/8.

- Sténoses de stomies réopérées : 2/8.

- Fuites par stomie dont une temporaire : 2/8.

Résultats des sondages. Toutes les stomies sont fonctionnelles :

- Autonomie : 7/8.

- Continence entre les sondages 7/8.

Degré de satisfaction. Selon notre étude, après deux années, les adolescents sont à 100 % satisfaits de l'opération et, depuis, ils peuvent réaliser des activités qu'ils ne pouvaient pratiquer avant :

- Pouvoir se sonder soi-même.

- Ne plus avoir à faire de transfert pour un sondage.

- S'absenter de chez soi une journée entière.

- Voyager, prendre un avion.

- Travailler à plein temps.

- Porter des vêtements qu'ils aiment.

- Poursuivre des études en faculté.

- Inviter un ami à passer la nuit.

- Grossesse.

BILAN

L'intérêt primordial d'un Mitrofanoff est d'aider le patient à acquérir le maximum d'autonomie. Le principe de Mitrofanoff est bien adapté pour la gestion du dysfonctionnement vésico-sphinctérien d'origine neurologique. Enfin, la chirurgie peut être réalisée chez ces patients à haut risque sans complication majeure. Et l'intervention est réversible au niveau vésical.

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