Tout miser sur la banque - L'Infirmière Magazine n° 211 du 01/12/2005 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 211 du 01/12/2005

 

Fabienne Sanson

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Infirmière en orthopédie, Fabienne Sanson a contribué à la création de la banque de tissus osseux de l'hôpital Cochin (Paris). De la petite pièce de 20 m2 aux locaux modernes actuels, elle mesure le chemin parcouru...

Après mon bac, je voulais devenir commissaire de police. Mais pour des raisons familiales et financières, j'ai arrêté le droit après deux années de fac. » Un changement de cap qui, alors qu'elle ne s'en doute pas encore, entraînera Fabienne Sanson vers l'aventure de la création de banque de tissus osseux à Cochin. Après avoir abandonné le droit, elle décide de quitter Caen et de se lancer dans des études d'infirmière à Paris. « Quelques stages en médecine et en réanimation m'ont convaincue que ce que j'aimais, c'était l'orthopédie, car on n'y côtoie pas la maladie de la même façon et on a la chance de rapidement voir les bénéfices des soins. » En 1987, elle termine major de sa promotion, ce qui lui permet de choisir le poste qu'elle désire.

face à la mort

C'est donc en orthopédie-traumatologie, à l'hôpital Cochin (AP-HP, Paris XIVe), que Fabienne travaille jusqu'en 1996. Ce service pratique des prothèses totales de hanche, de la reprise de prothèse de hanche, de genou et de la chirurgie tumorale (résection et reconstructions, voire parfois amputation et désarticulation). Avant, précise Fabienne Sanson, les moyens de co-construction n'existaient pas. Les progrès enregistrés dans la chirurgie tumorale ont permis de rendre les amputations plus rares. Jusque-là, chaque établissement avait sa petite banque de tissus osseux et subvenait aux besoins du service. Et puis, de nouvelles réglementations ont imposé des règles de bonnes pratiques concernant les prélèvements de tissus. C'était la fin des petites banques locales et la création de banques de tissus à part entière.

« Quand en 1996, le Dr Laurent Vastel me demande de l'aider à créer une structure qui deviendra la banque de tissus osseux de l'hôpital Cochin, je décide de me lancer. Pour moi, c'est un vrai challenge car tout est à faire : la seule chose que nous avions alors était un congélateur au bloc. J'ai commencé dans une pièce de 20 m2 au deuxième sous-sol. Aujourd'hui, la banque se trouve dans des locaux modernes de 130 m2 à l'hôpital Cochin. Prospection du matériel, gestion de budget, formation aux prélèvements osseux, à la préparation de l'os, à la reconstruction d'un corps... Si la partie gestion ne m'a pas posé de problème, la confrontation avec le corps de patients décédés de morts souvent violentes, et jeunes, que l'on doit ouvrir pour effectuer un prélèvement osseux a été difficile. Il faut parvenir à se déconnecter pendant le prélèvement et à se focaliser sur la finalité de ce travail, c'est-à-dire la greffe. »

sécurité, traçabilité

La banque de tissus osseux de Cochin est dirigée par le Dr Vastel, et comprend Fabienne Sanson, son bras droit, une pharmacienne biologiste garante de la qualité, ainsi qu'une secrétaire à mi-temps. La pharmacienne s'occupe, avec l'aide de Fabienne, de la rédaction et la mise à jour du livre des procédures garantissant les bonnes pratiques en matière d'assurance qualité. « Depuis que la banque existe, je fais office de cadre », poursuit Fabienne Sanson. Et les responsabilités sont multiples : gestion budgétaire de la structure, mise en place de conventions de collaboration avec les établissements souhaitant établir un partenariat avec la banque, suivi des greffons osseux (ou allogreffes). « Ces conventions impliquent que l'établissement s'engage à prélever suivant nos protocoles agréés, tandis que nous nous engageons à leur fournir le matériel adapté, à faire le bilan de sécurisation, et à leur fournir les têtes fémorales dont ils ont besoin. »

Le bilan de sécurisation assure une sélection des donneurs faite à partir d'une fiche de critères d'exclusion et l'obtention des résultats des bilans sérologiques et bactériologiques. Lorsque tous les critères sont remplis, la tête fémorale arrive alors à la banque et est mise en « quarantaine » dans un congélateur en cryoconservation jusqu'à réception des résultats des bilans sérologiques et bactériologiques. S'ils sont satisfaisants, elle est rendue anonyme par un code et mise en stock dans un autre congélateur. Dernière étape, la préparation des commandes des allogreffes, dans le respect des conditions de transport des tissus humains. Qualité, sécurité et traçabilité sont les valeurs incontournables de la banque.

sur les lieux

Fabienne coordonne aussi les prélèvements osseux dans le cadre des prélèvements multi-organes et de tissus. « Au début, j'étais d'astreinte 365 jours par an, sauf les vacances. En cas d'appel, cela signifiait aller dans l'établissement avec deux chirurgiens formés, et nos deux valises contenant le matériel de prélèvement et de reconstruction. Aujourd'hui, je forme et j'encadre des infirmières, ce qui m'a permis de faire une liste d'astreintes.

L'intérêt d'aller sur les lieux du prélèvement avec nos chirurgiens est de démystifier ces prélèvements visuellement impressionnants. Comme nous sommes les derniers à intervenir sur le corps - l'équipe de l'établissement sort souvent exténuée de dix heures de travail de prélèvement d'organes et de tissus au bloc -, nous venons en équipe afin de les suppléer. J'explique en même temps la finalité de notre travail. Nous avons mis au point une méthode unique de reconstruction du corps. De cette étape délicate dépend notre reconnaissance : une bonne reconstruction corporelle incitera davantage les infirmières coordinatrices à demander les tissus aux familles. »

une structure reconnue

« Ce poste m'a permis de prouver que j'étais capable de monter une structure et de la faire évoluer, estime Fabienne. La structure s'agrandit et je vais bientôt recruter une infirmière afin de pouvoir davantage me consacrer au travail de recherche clinique au niveau de l'assurance qualité. Notre structure est connue et reconnue au sein de notre établissement ainsi qu'à l'extérieur. L'une de nos victoires a été d'obtenir l'agrément de l'Afssaps depuis 2000. »

moments clés

- 1983 : Fabienne obtient son baccalauréat de technicien série sciences médico-sociales.

- 1987 : elle obtient le diplôme d'infirmière.

- De 1987 à 1996 : elle exerce dans le service d'orthopédie-traumatologie des Pr Tomeno et Kerboull (Cochin), secteurs public et privé.

- 1991 : naissance de son fils.

- Depuis 1996 : travaille pour la banque de tissus osseux du groupe hospitalier Cochin.

- Depuis 2000 : intervient dans les Ifsi et dans les congrès.

- Juin 2000 : obtient le diplôme interuniversitaire de formation des assistants de recherche clinique, faculté de médecine de l'hôpital Saint-Antoine.