Une école pour les forts en asthme - L'Infirmière Magazine n° 211 du 01/12/2005 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 211 du 01/12/2005

 

l'hôpital Trousseau

24 heures avec

Depuis six ans, l'école du souffle de l'hôpital Trousseau à Paris aide les enfants asthmatiques à comprendre leur maladie pour mieux gérer leur quotidien.

Il est 14 heures ce mercredi et c'est le calme plat à l'école du souffle. Pas un enfant en vue. Ce qui n'a pas l'air de décourager les deux adultes présentes dans la salle. « Avec les grèves en ce moment, j'ai bien peur qu'un ou deux enfants seulement n'assistent à la séance », lance Nadine, l'infirmière en blouse blanche. Nous sommes à l'hôpital Armand-Trousseau à Paris, dans le service de pédiatrie, pneumologie et allergologie. Le service héberge une école du souffle pour les enfants asthmatiques. Une structure bien particulière qui accueille jusqu'à six « élèves » tous les mercredis.

Qualité de vie médiocre

Aujourd'hui, en France, l'asthme touche plus de 3,5 millions de personnes, dont un tiers d'enfants. Malgré les traitements très efficaces, de récentes enquêtes prouvent que la qualité de vie des asthmatiques reste médiocre. Partant de ce constat, le centre de l'asthme de Trousseau a mis en place un système visant à mieux informer et éduquer les petits patients et leurs familles. Ainsi, les enfants pourront à terme parvenir à gérer leur maladie seuls.

« L'école du souffle est née d'un constat, observe Nadine Laufer, puéricultrice à l'origine du projet avec une équipe d'infirmières. Dans notre service, beaucoup de jeunes enfants viennent pour un bilan sur leurs problèmes respiratoires. La consultation était trop courte pour offrir au patient et à sa famille une information suffisante. Un enfant asthmatique n'était vu que deux fois par an à raison de deux consultations de vingt minutes. L'équipe d'infirmières n'était pas satisfaite. Inspirés par des initiatives étrangères, canadiennes notamment, nous avons travaillé six ans sur le projet. Ce sont les infirmières qui ont tout mis en place. » Très soutenues par le chef de service, le professeur Grimfeld ainsi que son adjointe le professeur Just, les soignantes ont ouvert l'école du souffle en 1999. L'équipe réunit également une kinésithérapeute et une psychologue.

« Ça siffle ! »

À 14 h 30, une petite fille passe sa tête dans l'entrebâillement de la porte. Sabrina a 11 ans. Elle vient pour la deuxième fois à l'école du souffle. Sa maman l'accompagne mais ne restera pas. La petite fille passera trois heures en compagnie de Nadine, l'infirmière, et d'Élisabeth Cauchon, l'institutrice, à parfaire ses connaissances sur sa maladie. Aujourd'hui, le groupe des « moyens », de 9 à 11 ans, se réunit. « Nous leur faisons répondre à un questionnaire éducatif à leur entrée dans le service pour évaluer leur connaissance de la maladie, explique Élisabeth Cauchon, enseignante à l'hôpital Trousseau. À partir de là, on fixe pour chaque enfant un objectif individuel et global. À la fin des cinq séances, nous redistribuons un questionnaire pour évaluer de nouveau ses connaissances. Il y a un module par séance. Aujourd'hui, nous allons évoquer la crise. »

Peur et tremblements

Sabrina, plutôt timide au départ, semble maintenant très à l'aise. Cette jolie brune a fait une crise d'asthme il y a deux jours. Une nouvelle fois, elle a dû aller aux urgences. Comme elle a l'habitude, cet épisode ne semble pas l'avoir traumatisée. « Les premiers signes d'une crise d'asthme chez moi sont que je respire vite, mes côtes rentrent, mon nez se bouche, et dans le cou, ça rentre et ça siffle », peut-on lire sur le questionnaire qu'elle a complété lors de sa première venue ici. Elle souffre d'asthme « depuis qu'elle est née ». Premier exercice de cette séance. Nadine et Élisabeth demandent à Sabrina ce qu'évoque pour elle le mot crise. Elle répond peur, stress, le coeur qui bat très fort, les tremblements... Et l'enseignante de recopier ces mots sur le tableau.

Mêmes médicaments, mêmes réflexes

Arrive Charles-Élie, un garçon de dix ans. Très souriant et espiègle, il s'installe et prend l'atelier en route. Il vient pour la troisième fois. Il énumère à son tour les mots évocateurs d'une crise. L'échange s'établit spontanément avec Sabrina. Car ces séances permettent aussi aux enfants de vaincre un certain isolement. Charles-Élie et Sabrina ont les mêmes médicaments, les mêmes réflexes. Maintenant, Nadine leur explique le fonctionnement des bronches et ce qui se passe lors d'une crise. Les exercices se multiplient : les enfants soufflent avec une paille dans un verre de soupe épaisse ou dans un ballon de baudruche. Ils comprennent ainsi ce qui se déroule dans leur corps au moment d'une crise.

Faire passer certains messages est primordial. « Il est essentiel par exemple qu'ils sachent que l'asthme n'est pas une maladie contagieuse, explique Nadine. Beaucoup de parents n'indiquent pas à l'école que leurs enfants souffrent d'asthme. Nous faisons de l'information et de la prévention dans les écoles du quartier. On leur explique à quoi cela sert de bien respirer ou de se moucher. En venant à l'école du souffle, ces enfants se rendent véritablement compte de ce qu'ils ont. Après la cinquième séance, ils reviennent une fois en fin d'année. Nous organisons un grand atelier avec tous les enfants. Nous réévaluons toutes les connaissances. Les parents sont satisfaits. Leurs enfants en connaissent plus sur la maladie qu'eux ! Ils vont mieux car ils prennent correctement leur traitement. Une vraie prise de conscience s'opère. Ils doivent parvenir à ne pas cumuler les facteurs de risque. Ils ont les moyens d'atténuer une crise car nous leur donnons des "trucs" qui leur éviteront peut-être d'aller aux urgences. En somme, nous leur donnons les clés de la conduite à tenir. »

Sabrina et Charles-Élie partent dans un grand éclat de rire. Avec des images évoquant tous les facteurs déclenchants de leur crise d'asthme, ils forment des familles. On trouve ainsi les plumes, les allergies, les efforts, les émotions, etc. Une manière pour eux de mieux comprendre leur mal et un moyen de le prévenir. Il y a quelques années, un groupe d'enfants a réalisé un jeu des sept familles sur ce principe. Une idée qui a permis de gagner un concours. « Dans la famille allergies, je demande le frère », lance Sabrina à Charles-Élie. Ces jeux permettent des discussions sur la maladie. « Raconte-moi ce qui vous gêne ! » demande Élisabeth. Les enfants s'expriment chacun à leur tour, entre deux fous rires.

À 100 % !

À tour de rôle, Charles-Élie et Sabrina utilisent un pick-flow qui mesure leur capacité respiratoire. « Cela sert à savoir si on respire bien comme il faut », explique Sabrina. À chaque séance, ces enfants asthmatiques ont un nouveau déclic. Aujourd'hui, Sabrina a compris « que les muscles de [ses] bronches se serrent » quand elle a une crise. La fillette peut imaginer ce qui se passe dans son corps. « Venir à l'école du souffle m'apprend des choses sur l'asthme, sur le traitement et la respiration. Ils me montrent ce que je dois faire en cas de crise. J'apprends à me calmer quand je la sens venir. »

Un projet ambitieux

« Avant, je respirais à 50%, témoigne un enfant passé par l'école du souffle, maintenant c'est 100 % ! » Le petit Charles-Élie souligne les bienfaits de son apprentissage. « Maintenant, je sais me contrôler. Quand j'ai une crise, je ne fais plus n'importe quoi. » Pour la psychologue du service, Françoise Lefèvre, ces enfants se sentent soutenus en venant à l'école du souffle. Le groupe a également un effet d'étayage. « Les enfants s'approprient leur maladie et toutes les mesures nécessaires pour y faire face. Lorsque je vois les enfants en groupe, je leur rappelle que leurs poumons savent déjà en partie ce qu'il faut faire pour respirer au quotidien. J'initie les enfants à l'autorelaxation. Il s'agit d'éviter l'état de panique que peut engendrer une crise... Quant aux parents, je les rencontre lors de groupes de parole. Ils peuvent ainsi partager leurs préoccupations. Débloquer parfois certaines culpabilités quand ils sont eux-mêmes asthmatiques. »

Le grand regret des intervenants de cette école du souffle est de ne pas réunir plus d'enfants. Il est souvent difficile de convaincre des parents de l'intérêt du lieu. Pourtant, une cinquantaine d'enfants sont suivis chaque année.

L'objectif, à terme, serait de s'étendre aux adolescents. « Notre souhait serait de faire cela toute la semaine et non juste une journée, regrette Nadine. L'équipe est pluridisciplinaire, mais il est dommage que nous ne puissions réunir tous les professionnels au même moment avec les parents et les enfants. Pourtant, les résultats sont là, les enfants ont compris ce qu'ils avaient. Ils ne sont plus ni stressés, ni anxieux. »

1- École du souffle, service de pédiatrie, pneumologie et allergologie, centre de diagnostic et de traitement de l'asthme, hôpital d'enfants Armand-Trousseau, 26, avenue du docteur Arnold-Netter, 75012 Paris. Tél. : 01 44 73 62 94.