2006, année éthique - L'Infirmière Magazine n° 212 du 01/01/2006 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 212 du 01/01/2006

 

Profession

Éthique

Pour Emmanuel Hirsch, directeur de l'Espace éthique(1) de l'AP-HP, 2006 s'annonce comme une année foisonnante en matière d'éthique.

« La France est certainement l'un des pays qui a développé la réflexion la plus forte et la plus cohérente en matière d'éthique médicale et soignante. En 2006, plusieurs décrets d'application viendront préciser les grands textes législatifs publiés ces dernières années. Je pense notamment à la loi de bioéthique du 6 août 2004 et à celles relatives à la santé publique du 9 août 2004 et aux droits des malades et à la fin de vie du 22 avril 2005. Cette dernière va modifier de manière substantielle le code de déontologie médicale. Dans les domaines de la bioéthique et de la recherche, d'importantes directives européennes ont également été transposées dans notre droit national », explique Emmanuel Hirsch(2).

Nonobstant cet arsenal, les soignants sont-ils suffisamment accompagnés, informés et formés pour appréhender et pren-dre pleinement part à ces évolutions ? De ce qu'il observe, Emmanuel Hirsch retient que de plus en plus de professionnels souhaitent désormais acquérir une formation à l'éthique afin, notamment, de résister « à l'idéologisation de la précaution ». « Entre réglementations, préconisations et recommandations, nombre de soignants constatent que leur autonomie se réduit. Ils craignent que l'approche au cas par cas des patients ne disparaisse au profit d'un légalisme, voire d'une maximalisme, éthique sans discernement », affirme-t-il ainsi.

le sens de l'histoire

Si les questions éthiques concernent la société dans son ensemble, jusqu'à il y a peu, ce sont les médecins, seuls, qui disaient l'éthique. « Aujourd'hui, d'autres catégories de soignants s'approprient ce champ. Ce n'est pas une révolution, c'est une véritable transformation », estime le directeur. À terme, il ne sera donc pas rare de voir des professionnels possédant une compétence mixte. À savoir une expertise professionnelle doublée d'un cursus leur permettant d'approfondir la réflexion éthique par leurs connaissances juridiques et philosophiques. « C'est le sens de l'histoire. Pour notre part, nous avons mis en place, dans le cadre de nos formations universitaires, des modules dédiés aux avis du Comité consultatif national d'éthique. Il serait intéressant que les Ifsi aient une démarche analogue, non pas tant pour les recommandations émises que pour l'exploitation du matériau qui a permis leur élaboration », souligne-t-il. En attendant, Emmanuel Hirsch promet une année riche en événements éthiques. « Les questions liées aux cellules souches embryonnaires seront assurément l'un des grands enjeux éthiques de 2006. Dans ce contexte, la nouvelle Agence de biomédecine devrait être fortement sollicitée. Les questions auxquelles elle devra faire face sont tellement novatrices que je ne doute pas qu'elles donnent lieu à quelques crises. »

1- Internet : http://www.espace-ethique.org.

2- Professeur d'éthique médicale à la faculté de médecine de Paris-Sud, membre de l'Agence de biomédecine.

TÉMOIN Philippe Svandra, formateur en IFCS.

« Une délibération collégiale »

« On ne s'inscrit pas dans une démarche éthique du jour au lendemain, prévient Philippe Svandra, CSS, formateur à l'IFCS de Sainte-Anne (Paris) et auteur d'un récent livre dédié à la question(1). Au préalable, il est indispensable que cette approche s'appuie sur l'identification, et l'appropriation par toute l'équipe, des valeurs communes qui fondent la culture, l'éthos du service, et ce, dans le respect de la législation et des règles déontologiques. Une décision ne peut être valablement prise et mise en oeuvre que dans le cadre d'une délibération collégiale. Face à un dilemme éthique, le consensus qui doit se dégager ne garantit pas que la solution retenue soit la meilleure, mais il a au moins la vertu d'assurer qu'elle soit la moins mauvaise. Les cadres ont un rôle essentiel à jouer. En tant que médiateurs, ils doivent faire vivre cet espace de débat et veiller à ce que chaque protagoniste puisse s'y exprimer, argumenter... et écouter. »

1- Comment développer la démarche éthique en unité de soins ? Pour une éthique de la responsabilité soignante, éd. Estem, 2005.