Agoraphobes revigorés... - L'Infirmière Magazine n° 212 du 01/01/2006 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 212 du 01/01/2006

 

Phobie sociale

Du côté des associations

« Peur irraisonnée, intense et persistante des situations sociales. » À ceux qui souffrent de ce mal, l'association Médiagora propose un soutien moral et informatif.

« En 1990, j'ai commencé à avoir brutalement des crises de panique. À l'époque, j'ignorais ce que c'était, raconte Annie Gruyer, présidente de l'association Médiagora Paris. J'ai traversé une période de coma social. J'avais peur des autres et de l'extérieur. Je vivais recluse et désemparée dans l'appartement familial. On a commencé par me donner du magnésium, puis des anxiolytiques. Ensuite, j'ai consulté un analyste. Tout cela ne m'a pas du tout aidé. Au contraire, cela m'a enfoncée. Un jour, j'ai vu un programme télé sur la phobie sociale et j'ai compris que je n'étais pas seule à souffrir. Ce mal relève de la médecine et de la science et non d'une mystérieuse fatalité. J'ai commencé à être suivie par un psychologue comportementaliste. En six mois, j'ai repris le bus toute seule. En deux ans, j'étais à nouveau autonome. »

années gâchées

Annie Gruyer, la petite trentaine, relate son histoire et cette phobie sociale qui a gâché plusieurs années de sa vie. Nombreux sont ceux qui souffrent de ce mal et ignorent qu'ils peuvent être soignés. « En 1990, quand cela m'est tombé dessus, j'ai été confrontée à l'incompréhension familiale, se souvient-elle. J'avais honte. »

parler librement

Au début des années 1990 émerge une certaine vulgarisation de la psychiatrie dans la presse écrite ou à la télévision. Les Contes d'un psychiatre ordinaire et La Peur des autres, sont deux ouvrages phares pour les patients atteints de phobie sociale. À la même époque se crée la Fnap psy. Les patients commencent à devenir acteurs dans le dispositif de soins.

Médiagora voit le jour en 1995 à Lille. C'est Annie Gruyer qui crée l'antenne parisienne. D'autres antennes suivent : Rouen, Lyon, Rennes, Toulouse, etc. « Je voulais mettre mon énergie au service de l'association bénévole et dans quelque chose que je connaissais bien : les troubles anxieux. Il fallait que les années de souffrance que j'avais traversées servent ! Je voulais transmettre mon expérience pour que des gens n'aient pas le même parcours de combattante que moi. Qu'ils ne gâchent pas leur vie. Cette structure devait être faite par nous. Les patients devaient en être les acteurs. »

Médiagora est faite par et pour des personnes souffrant de troubles anxieux et phobiques. Les troubles phobiques les plus gênants socialement sont les troubles agoraphobiques, la phobie sociale et les TAG (troubles anxieux généralisés). Tous les quinze jours, l'association se réunit dans un local de La Pitié-Salpêtrière. Pendant trois heures, chacun peut s'exprimer librement. « Ce n'est pas un lieu de rencontres et de loisirs, explique Annie Gruyer. Pour tous les malades, c'est un moment privilégié de liberté où tout le monde peut se manifester sans la peur du regard de l'autre. Nous sommes tous concernés par les mêmes problèmes. Nous bénéficions d'une vraie dynamique de groupe. Parfois, jusqu'à soixante-dix personnes sont présentes et, à chaque fois, la magie de ces moments opère. Certaines personnes errent véritablement depuis des années et, en venant à cette réunion, elles réalisent ce qu'elles ont vraiment. »

réunions thérapeutiques

Pour beaucoup de patients, venir à ces réunions présente une véritable dimension thérapeutique. « C'est incroyable, explique la présidente. Des personnes confrontées à une forte phobie sociale vont se mettre à parler devant tout le monde. On insiste pour leur dire que, s'ils tremblent ou s'ils bégayent, cela n'a aucune importance. Nous leur répétons qu'ils sont entourés de gens bienveillants. »

Chaque réunion est thématique. Les sujets sont divers : l'humour comme thérapie ou l'autorité et la soumission dans le milieu du travail par exemple. L'idée est de réfléchir ensemble. Des petits groupes d'une quinzaine de personnes sont constitués. Chaque groupe comporte un animateur et un rapporteur.

En plus de ces rencontres, l'association édite un journal trimestriel : Le Paris des Phobiques. Une permanence téléphonique est assurée deux fois par semaine. Aujourd'hui, Médiagora a atteint certains de ses objectifs. « De plus en plus de thérapeutes encouragent leurs patients à venir nous rencontrer !, lance Annie Gruyer, dans un large sourire. C'est une belle victoire. Nous avons donc un rôle de relais social. Les choses ont beaucoup évolué grâce à des associations de patients comme la nôtre. Nous avons une vraie revendication. »

développer les réseaux

À long terme, l'un des objectifs est de créer des réseaux avec d'autres structures. Une collaboration a été entamée avec l'Inserm. En octobre 2005, Médiagora a organisé son premier colloque qui réunissait autant de patients que de thérapeutes. « Il est essentiel, conclut Annie Gruyer, que les infirmières soient informées, tout comme l'ensemble des professionnels de santé. On confond trop souvent le trouble mental avec la personne. Mais, nous ne voulons surtout pas être considérés comme des plaintifs. Notre démarche bénévole est complètement citoyenne. Nous avons une vraie utilité. »

en savoir plus

Médiagora Paris :

C/o Fnap Psy

3, rue Évariste-Galois

75020 Paris

Tél. : 01 42 82 70 60

http://mediagora.free.fr