Heureux les fêlés d'Artame...

Sur une photographie présentée à l'exposition « Espiègleries d'anges »(1), un pachyderme vert anis doté de plumes bleutées s'envole. Il s'agit d'une oeuvre de Xavier, photographe et adhérent au club « Artame gallery ». Marie-France Casellas-Menière, la présidente, assistante sociale à l'Unafam depuis 1992, est l'ange gardien de ce club. L'idée de soutenir des plasticiens atteints de troubles psychiques et d'organiser des expositions lui est venue presque immédiatement. « En parlant avec les familles de ces artistes, je me suis rendue compte qu'il fallait créer une structure pour rompre leur isolement artistique et revaloriser leur travail. Les échanges sont indispensables pour un créateur », raconte-t-elle, le regard pétillant. Ses propres travaux de sculpteur ont sans doute favorisé son implication...

art et âme

Sept ans plus tard, le collectif devient une association, affiliée à l'Unafam, et son nom est trouvé. « Artame, c'est l'art et l'âme », explique Marie-France. Les activités se démarquent totalement de l'art thérapie, de l'art psychopathologique ou de l'art handicapé. « Les participants sont des artistes qui ont rencontré la maladie. Ce n'est pas la maladie qui les a rendu artistes », insiste-t-elle. « Artame gallery » s'adresse à des adultes, de tout l'Hexagone, formés dans le domaine des arts plastiques. Un certain nombre d'entre eux ont fait des études artistiques (Beaux-Arts, Arts déco, École Boulle, etc.), d'autres sont autodidactes, tous sont animés par une même volonté : faire de la création leur mode de relation aux autres.

interaction constante

En 2002, le club s'installe dans un local loué à la Maison fédérative de la place des Fêtes, à Paris. Tous les lundis matins, un groupe de quatre à quinze plasticiens se réunit. À tour de rôle, une quinzaine de bénévoles, dont quatre animateurs actifs et des parents d'adhérents, les encadrent. Une dizaine de réguliers forment le noyau du club, pour la plupart des hommes âgés de 28 à 50 ans. Ils viennent cinq minutes ou trois heures, se montrent leurs réalisations ou se mettent à travailler. À l'approche des fêtes de Noël, ils ont préparé, par exemple, des invitations pour les journées « Kado d'Artame » qu'organisait le club. L'occasion de vendre dessins, aquarelles ou marque-pages. Au dos d'une carte de voeux représentant un personnage souriant traversé par une fissure, une phrase de l'artiste : « Heureux les fêlés, car ils laissent passer la lumière. »

Sur une trentaine d'adhérents, la plupart vivent avec peu (allocation aux adultes handicapés, pension d'invalidité, RMI). D'où la nécessité de les aider pour l'achat de matériel, l'encadrement, le tirage des photos, les agrandissements... « Ce qui est important, c'est de dimensionner leur travail. S'ils vendent, les bénéfices sont partagés entre l'association et l'artiste », explique la présidente. Une interaction constante entre les peintres, les sculpteurs, les photographes d'« Artame gallery » et ceux qui les entourent favorise un sentiment de reconnaissance. Cela leur permet de renouer peu à peu avec la société.

tribu itinérante

L'été dernier, Marie-France Casellas-Menière a accueilli avec soulagement la circulaire de la DGAS (Direction générale de l'action sociale) : « Là, on était à la limite de l'asphyxie. Être reconnu comme groupe d'entraide mutuelle, c'est un moyen d'avoir un budget de fonctionnement. » L'important étant de pouvoir ouvrir le club tous les jours, dans un plus grand espace et de dégager un salaire pour un professionnel permanent.

« Nous, on a la méthode constructiviste. On rajoute des briques au fur et à mesure. Ce qui compte, avant tout, c'est la relation », précise-t-elle. Pour la suite, les projets ne manquent pas : galerie-boutique, artothèque, pôle multimédia, antennes régionales...

Depuis la création du club, rencontres, échanges et expositions se succèdent dans différents lieux. L'exposition itinérante « Espiègleries d'anges » réunit des oeuvres d'artistes adhérents à l'association et d'artistes partenaires qui partagent les valeurs d'« Artame gallery » et veulent soutenir sa démarche. En 2005, cette exposition, subventionnée par le Fonds social européen, a déployé ses ailes à Chaville, à Caen, à Nogent-sur-Marne... et dans la région de Gdansk, en Pologne. De février à mars 2006, le conseil général de la Vienne accueillera, à Poitiers, toute l'équipe des anges. Face à une telle performance, Marie-France s'enthousiasme : « Notre action est de susciter toutes les synergies possibles. Cela rebondit et c'est génial. »