Le CRIPPM exalte une « profession passion » - L'Infirmière Magazine n° 212 du 01/01/2006 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 212 du 01/01/2006

 

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Après l'annonce d'une hausse importante des quotas d'étudiants infirmiers, il a fallu trouver les candidats... En Île-de-France, région qui forme un quart des infirmières en France, une mission a vu le jour pour les attirer.

Sur les murs du stand qu'occupent les deux infirmières du Centre de ressources et d'information sur les professions paramédicales (CRIPPM) d'Île-de-France, une affiche attire le regard. « L'Île-de-France a besoin d'infirmiers et d'infirmières. Pourquoi pas vous ? » Le message passe bien. Ce 19 octobre, au salon organisé par le Centre d'information et de documentation jeunesse (CIDJ) de Paris sur les métiers de la santé et du social, les arrêts au stand du CRIPPM sont fréquents. Un lycéen aimerait savoir comment on devient infirmier militaire. Une jeune femme souhaiterait valoriser son expérience de garde d'enfants pour devenir puéricultrice. Beaucoup - les plus jeunes - s'arrêtent un instant, prennent à la volée les plaquettes disponibles, sur le métier d'infirmière ou celui de manipulateur radio(1), et repartent.

pas à pas

Mercedes Chaboissier, responsable du CRIPPM, et sa collègue, Hélène Archambault, sont habituées. Depuis septembre 2003, quand la Drass et l'ARH(2) d'Île-de-France décident de créer cette cellule particulière, elles sont très sollicitées pour informer les candidats potentiels à l'entrée en Ifsi. Un chantier vital pour les établissements de santé de la région parisienne : « 6 000 postes d'infirmières, d'infirmières spécialisées et de cadres de santé manquaient en 2000, soit 10 % du personnel hospitalier et des services médicosociaux d'Île-de-France », explique Mercedes Chaboissier. Le ministère de la Santé décide alors d'augmenter le nombre d'étudiants à l'entrée dans les Ifsi sur tout le territoire. Plus 43 % en 2000 et encore + 14 % en 2003. « Les instituts de formation ont dit alors qu'ils voulaient bien augmenter leur quota d'étudiants, mais il fallait les aider à recruter. D'où la création du centre de ressources et d'information sur les professions paramédicales », précise la responsable du centre, enseignante en Ifsi et en IFCS, puis directrice d'un organisme de formation continue sur les métiers de la santé et de l'IFCS Montsouris de 1998 à 2003.

« profession passion »

Un plan d'urgence est décrété et court jusqu'à juin 2006. Le CRIPPM est chargé de créer une dynamique autour de cette problématique du recrutement. Progressivement, dans un esprit consensuel. Question de méthode et de stratégie. Les besoins pour réformer un système de formation qui ne marche plus, avec des chiffres montrant une déperdition importante des étudiants entre le début et la fin de leur cursus, sont tels qu'il vaut mieux privilégier le pas à pas que le branle-bas de combat. La priorité est donc à l'information.

Le plan de communication imaginé veut valoriser le métier. « Infirmier, infirmière, profession passion », comme le résume une affiche produite par la Drass et l'ARH. « Nous avons opté pour des outils modernes, plus incitatifs qu'informatifs, fait observer Mercedes Chaboissier. Ce type de message ne crée pas la motivation mais peut déclencher un réflexe d'information. » Après, il ne faut pas être en panne d'arguments. « On cherche à valoriser le métier, souligne Hélène Archambault, qui a été directrice d'un Ifsi pendant douze ans. Mais c'est difficile de passer derrière les médias. Et derrière les conseillers d'orientation des lycées généraux qui en découragent beaucoup. Cette position influence notamment les hésitants. On se demande comment attirer davantage les filières générales. »

Le CRIPPM a donc cherché à rapprocher les Ifsi et les lycées. « Pour que les seconds cernent mieux les exigences de la formation », souligne Mercedes Chaboissier. Parmi les résultats : le programme de la filière SMS (sciences médico-sociales), qui présente seulement 30 % de réussite au concours d'entrée dans les Ifsi, devrait être certainement modifié.

Plus largement, le centre de ressources et d'information des professions paramédicales s'est fait une place d'intermédiaire entre les formateurs, les lycées, les instances officielles... pour « sensibiliser l'ensemble des acteurs à cette problématique, faire circuler les informations détenues par les uns et les autres, bref mettre tout le monde autour d'une même table ».

déficit réduit

Cette action a-t-elle eu les effets escomptés ? Le nombre d'étudiants a-t-il atteint les chiffres des quotas ? Non. À titre d'exemple, les rentrées de septembre 2003 et de février 2004 laissent apparaître un déficit de plus de 15 % entre le quota requis et le nombre de candidats effectivement entrés en formation. Mais, le déficit se réduit depuis : il est d'environ 10 % entre les rentrées de septembre 2004 et février 2005. Et le dernier chiffre serait, selon Mercedes Chaboissier, encore moindre pour les sessions de septembre 2005 et février 2006, « où, habituellement, on fait le plein ».

Pour la chargée de mission du CRIPPM, « le problème n'est plus tellement sur les chiffres, mais sur le fond. Il faut repenser la formation qui a un déficit d'attractivité. » Autrement dit : passer à la vitesse supérieure.

L'évolution du paysage de la formation des professions paramédicales avec l'arrivée des conseils régionaux sur ce terrain, ces derniers étant maintenant chargés du recrutement des étudiants, pourrait contribuer à faire bouger les choses. Et permettre ainsi de s'attaquer aux vraies causes de la pénurie : une formation et un recrutement inadéquats qui ont fait exploser le taux de déperdition(3), un « turn-over » important...

Du fait de l'augmentation du nombre d'entrées dans les instituts de formation, l'équipe du CRIPPM a constaté que « certains étudiants se demandent ce qu'ils font en Ifsi ». D'où le besoin de mieux sélectionner.

Pour d'autres, les bacheliers SMS notamment, un accompagnement plus individuel peut favoriser la réussite des études. « Certains Ifsi le font déjà, mais d'autres pas du tout. La région sera très sensible à tout ce qui touche à la pédagogie, comme aussi la question du tutorat. Des critères de qualité pourraient être définis et détermineraient l'attribution de moyens. »

une mission prolongée ?

La nouvelle période qui s'ouvre, avec le passage de relais entre l'État et la région Île-de-France, pourrait inciter au prolongement de la mission du CRIPPM, « au moins le temps de leur servir d'appui », remarque Mercedes Chaboissier.

1- Les deux professions paramédicales déficitaires en Île-de-France.

2- Direction régionale des affaires sanitaires et sociales et Agence régionale d'hospitalisation.

3- Taux qui aurait doublé depuis la première augmentation des quotas en 2000 (étude Drass d'Île-de-France en cours).

information

Contre-arguments

Renseigner les collégiens et lycéens de la région parisienne, ainsi que les professionnels, sur les métiers d'infirmière et de manipulateur radio, c'est l'activité principale d'Hélène Archambault, au Centre de ressources et d'information sur les professions paramédicales. Renseigner... et rétablir les choses. « Les jeunes ont souvent une représentation très hospitalière du métier. Ils n'ont pas du tout de notion de santé publique. Et puis, pour beaucoup, la filière royale, et la seule, c'est sciences médico-sociales (SMS). Il faut dire que dans les établissements dotés de sections générales, on leur dit souvent que la formation d'infirmière, ce n'est pas pour eux ! On les décourage. Cette position est liée au manque de reconnaissance de notre métier, qui s'exprime par exemple par le salaire, notamment pour l'infirmière exerçant en Île-de-France. »

Mais cette professionnelle ne manque pas d'arguments. « Je joue sur l'évolution de carrière. J'explique ainsi qu'on peut devenir infirmière spécialisée, cadre de santé, cadre supérieur, etc. Ça ouvre des perspectives. Je parle aussi de l'expertise de l'infirmière, par exemple, en gérontologie ou en neurologie. Même s'il s'agit là de perspectives d'évolution... »

Parmi les questions qui reviennent beaucoup : la possibilité d'obtenir des aides financières dans des situations de réorientation professionnelle imposée par une période de chômage et les filières proches, accessibles après avoir échoué au concours.