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Deux anthropologues proposent une autre mémoire de la canicule.
« Plus tard, je me dirai : "Moi, j'ai vécu cela. J'avais 22 ans. Les grands-parents ont vécu la guerre et moi j'ai vécu la canicule" ». Tels sont, parmi d'autres, les mots recueillis par Catherine Le Grand-Sébille et Anne Véga. Anthropologues, elles ont entrepris un travail de mémoire sur la canicule de l'été 2003(1). Elles ont rencontré douze soignants des urgences, de maisons de retraite et de chambres mortuaires, six familles, et seize professionnels du funéraires. « Vous êtes la première personne à me demander si on a eu les conséquences morales ou de fatigue, ou d'endormissement ou autres. » Pourtant, des enquêtes, il y en a eu... On sait que 91 % des 14 800 personnes décédées entre le 1er et 15 août 2003 étaient des personnes âgées de 65 ans et plus, et que 35 % d'entre elles vivaient à leur domicile. Mais les statistiques ne disent rien des chocs liés à l'état des dépouilles, au stress, aux imbroglios administratifs et juridiques... Pour les familles comme pour les professionnels !
Certains témoins font allusion à un état de guerre. Les grands drames comme les guerres semblent plonger notre société dans des amnésies collectives. Par leur enquête modeste et difficile, les auteurs rappellent le travail accompli par les professionnels et souhaitent que cette crise sanitaire ne soit pas banalisée. Elles dénoncent « le travail souterrain de la culpabilisation et le discours ambiant sur la fin du lien social ».
1- Pour une autre mémoire de la canicule, Catherine Le Grand-Sébille, Anne Véga, éd. Vuibert, 13 euros.